Les PDG d'aujourd'hui sont-ils meilleurs que ceux d'hier ?

Publié le 23/10/2008 à 20:19

Les PDG d'aujourd'hui sont-ils meilleurs que ceux d'hier ?

Publié le 23/10/2008 à 20:19

Par lesaffaires.com
Je côtoie des PDG tous les jours depuis trois décennies. S'améliorent-ils d'une génération à l'autre ?

La question est difficile, car deux changements profonds ont transformé l'entreprise depuis trente ans. D'abord, la mondialisation, qui touche les entreprises de toutes les tailles. En raison du développement du transport et des communications et de l'évolution des mentalités, tant ici qu'à l'étranger, le cadre géographique de référence des entreprises est devenu le monde. Dès qu'une société atteint une certaine taille, elle déborde du marché local et s'aventure sur les marchés mondiaux. Ses clients peuvent alors se trouver un peu partout, et ses concurrents aussi.

L'autre changement majeur, c'est la révolution de l'information : elle a transformé l'entreprise, lui a permis de se décentraliser et d'augmenter l'imputabilité de ses cadres. Car depuis que l'information circule plus facilement, on sait mieux ce qui se passe en tout temps dans l'entreprise. On peut ainsi suivre les activités en temps réel.

Le métier de PDG a dû s'adapter à ces nouvelles réalités. Évidemment, cela a eu un impact sur la sélection des dirigeants. Ce sont davantage des chefs d'équipe, à l'aise dans un cadre de gestion plus décentralisée qu'il y a trente ans. Mieux informés en temps réel, ils savent déléguer, une condition essentielle au bon fonctionnement des affaires. Ce n'était pas le cas lorsque j'ai débuté comme consultant en gestion, alors que le PDG était souvent entouré d'un état-major beaucoup plus important qu'aujourd'hui.

De bons managers

Aujourd'hui, les PDG sont d'abord choisis en fonction de leurs qualités de gestionnaire. Ils ont grimpé dans la hiérarchie, souvent de façon accélérée, selon leur capacité à " donner des résultats " et à " livrer la marchandise ". Ce sont des " doers " qui savent bien organiser le travail des autres et qui acceptent les défis ambitieux. Ils ont donc toutes les qualités du bon gestionnaire : simples, directs, accessibles - et donc pas arrogants -, énergiques, intelligents, sûrement impatients, et surtout, exigeants. Ils adoptent aussi la technologie et sont stimulés par le changement. Sur le plan des études, ils sont bien formés : ingénieurs, comptables, avocats, MBA, etc. Et leur formation universitaire est enrichie par une expérience diversifiée, qui reflète le parcours ambitieux de ces personnes qui refusent rarement un défi.

Ce sont ces capacités qui leur ont permis de gravir rapidement les échelons de leur organisation. De façon générale, ils s'avèrent de bien meilleurs managers que les PDG d'il y a vingt ou trente ans. Ils dirigent d'ailleurs des organisations plus grosses et plus complexes qui oeuvrent dans un contexte plus concurrentiel.

Mais sont-ils meilleurs ?

Il y a évidemment un revers à cette médaille, car le PDG parfait n'existe pas. De façon générale, je remarque quatre aspects sur lesquels il y a souvent régression. Premièrement, malgré leur apparente accessibilité, les dirigeants actuels sont moins sensibles à la dimension humaine de la gestion. Ils sont souvent mal à l'aise avec le côté complexe de la nature humaine. Derrière les sourires et la camaraderie, une carapace maintient souvent une distance relativement aux problèmes humains. Heureusement, ils n'hésitent pas à s'entourer de gens forts qui n'ont pas besoin d'attention particulière. Toutefois, lorsqu'un problème d'ordre humain survient, le PDG d'aujourd'hui se sent rarement dans sa zone de confort.

Cet inconfort se manifeste aussi lorsqu'il doit s'adresser à un groupe d'employés, qu'ils soient vingt ou mille. Non seulement il n'est pas un tribun, mais il ne sait pas porter un rêve. Sa vision de l'entreprise est con-crète, terre à terre, et pas toujours des plus motivantes. À ses yeux, susciter le rêve ne fait pas partie de sa description de tâches ; ce n'est pas son travail.

De même, dès qu'il sort du giron de l'entreprise, il est mal à l'aise. À force de se concentrer sur les défis de son entreprise, il s'intéresse peu à la réalité politique et aux grandes questions de société, sauf pour répéter ce qu'il a entendu à la télé. Très intelligent, il sait toutefois tirer son épingle du jeu lors d'une " conversation d'ascenseur " sur la politique ou le Darfour.

Et dernier aspect : qu'est devenue la fi-bre entrepreneuriale ?

Entrepreneurs ?

Les dirigeants que j'ai connus il y a 20 et 30 ans étaient surtout des entrepreneurs qui bâtissaient leur entreprise. Ceux que je côtoie aujourd'hui sont des capitaines de navire. Voilà deux métiers très différents qui exigent des habiletés différentes. Les premiers avaient souvent joué le tout pour le tout, et je n'ai connu que les meilleurs, les survivants. Moins bons gestionnaires, mais bons vendeurs et bons motivateurs, les entrepreneurs sont essentiels à une certaine étape de l'évolution de l'entreprise. Ils ont 35, 40 ans, et rien ne les arrête. Les détails les préoccupent peu : il faut construire.

Celui qui prend les rênes d'une société bien installée affronte des défis d'une tout autre nature. Il doit gérer, optimiser le fonctionnement, tirer du rendement d'actifs matures, encourager l'innovation dans les produits actuels ou dans les processus, etc., autant de responsabilités qui passionnent moins l'entrepreneur mais qui stimulent les gestionnaires que sont les PDG d'aujourd'hui, et qui s'inscrivent bien dans l'ordre de succession des entrepreneurs.

En 1994, une ancienne collègue, Patricia Pitcher, publiait Artistes, artisans et technocrates, un succès de librairie qui portait sur les défis qui se posaient aux entrepreneurs sur le plan de la succession. S'inspirant de l'expérience du groupe La Laurentienne, un fleuron du Québec inc. aujourd'hui disparu, elle fustigeait les gestionnaires qui détruisent la succession des entrepreneurs en étouffant la flamme qui anime leur entreprise.

Les gestionnaires d'aujourd'hui montrent qu'il existe une autre réalité. Les entreprises qu'ont bâties les entrepreneurs du Québec inc. sont maintenant bien gérées. Ne nous inquiétons pas : il y a des pilotes aux commandes. Assurons-nous toutefois qu'il y ait suffisamment de jeunes entrepreneurs pour continuer d'alimenter nos entreprises.

Cet article a été publié dans la revue Commerce en juillet 2008.


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