Les gestionnaires prennent la barre

Publié le 28/10/2008 à 20:05

Les gestionnaires prennent la barre

Publié le 28/10/2008 à 20:05

Par lesaffaires.com
Les gestionnaires d'une PME sont souvent les mieux placés pour en assurer la pérennité. Qui sait, votre relève se trouve peut-être déjà entre vos murs...

"Mieux on connaît l'entreprise de l'intérieur, plus grandes sont les chances de pouvoir la perpétuer", affirme Louise Cadieux, professeur en management à l'Université du Québec à Trois-Rivières et membre de l'Institut de recherche sur les PME. De plus, un transfert aux dirigeants et aux employés s'avère deux fois moins risqué qu'un transfert à un acheteur externe: "Le coefficient du risque lié à la transaction varie selon le temps que l'acheteur a passé dans l'entreprise." Tony Méti, premier vice-président, services aux entreprises et international, comité de direction, à la Banque Nationale, ajoute: "Selon mon expérience, l'idée d'un rachat par les gestionnaires jaillit quand les employés, ayant appris par la rumeur que l'entreprise est à vendre, décident de protéger leur emploi."

Étonnamment, bon nombre d'entrepreneurs ne sont pas ouverts à un rachat par les gestionnaires (bien connu sous le terme anglais management buy out ou MBO). Certains le considèrent même avec hostilité. "Ils craignent que si des acheteurs éventuels en apprennent l'existence, cela n'atténue leur intérêt ou ne réduise le prix qu'ils seront prêts à offrir", dit Catherine Lapointe, avocate associée chez BCF, à Montréal.

Or, l'entrepreneur a tort de craindre un MBO. "On peut même parfois obtenir un prix plus élevé des gestionnaires que d'un acheteur externe", dit Guy Lefebvre, président de l'Institut québécois pour les familles en affaires. "Parce que le vendeur offre des conditions plus favorables et accepte que les paiements soient échelonnés sur plusieurs années, l'acheteur accepte de payer un prix un peu plus élevé."

Points sensibles

On pourrait croire qu'un rachat par les gestionnaires implique un processus moins long, parce que ces derniers connaissent déjà bien l'entreprise. Ce serait vrai s'ils pouvaient financer l'acquisition avec leur propre capital. Cependant, comme le souligne Nathalie Gagnon, avocate associée chez BCF, la transaction concerne des banquiers et des investisseurs en capital de risque, et s'avère donc souvent plus longue qu'elle le serait avec un acheteur externe. Parce que les joueurs sont nombreux, il est important que l'équipe de gestionnaires délègue un leader clairement désigné. "Il faut un rassembleur qui a la capacité de communiquer avec tous les intervenants, dit Catherine Lapointe. J'ai été mêlée à un cas où, sans les qualités évidentes d'un leader, bien des joueurs se seraient sans doute désistés."

Par ailleurs, un rachat par les gestionnaires crée une situation ambiguë du fait que les acheteurs doivent divulguer des renseignements confidentiels à certains bailleurs de fonds, alors qu'en tant que gestionnaires, ils sont liés par des obligations de discrétion et de loyauté envers leur employeur. Ils doivent donc s'assurer qu'ils obtiendront l'approbation de celui-ci avant toute divulgation. De plus, dans la mesure où le prix de la transaction, par exemple, est lié à des facteurs sur lesquels les gestionnaires peuvent influer, ces derniers peuvent s'attendre à ce que l'entrepreneur exige des contrôles et des suivis de leur performance.

Montage financier

Un rachat par les gestionnaires met habituellement en jeu l'argent de quatre intervenants : un prêteur bancaire, un investisseur de risque, les gestionnaires (par l'intermédiaire d'une société de gestion) et l'entrepreneur propriétaire.

Le montage financier peut prendre des formes multiples. On trouve d'abord le prêt bancaire conventionnel, à court ou à long terme, normalement garanti par des éléments d'actif de l'entreprise. Par ailleurs, la participation de prêteurs sur actif est de plus en plus courante. Ces prêteurs avancent un prêt en échange de garanties sur l'équipement, le stock ou les créances. Ils exigent donc parfois des contrôles réguliers que certaines entreprises jugent intempestifs. Par contre, d'autres dirigeants accueillent avec bonheur la discipline de gestion qu'imposent ces prêteurs.

Les institutions financières peuvent aussi prendre des positions de quasi-équité, dit Martin Guestier, directeur principal, service Structure de financement relève et acquisitions, Québec et Atlantique, à la Banque de Montréal. Ainsi, la banque peut procéder à un prêt mezzanine, dont les échéances sont plus souples et imposent des conditions de garantie allégées. "Parfois, nous ajoutons des options nous permettant de convertir nos débentures en actions, dit le banquier. Nous pouvons également négocier des rendements additionnels liés à la performance de l'entreprise et au risque que nous prenons : des primes trimestrielles ou des droits sur les ventes."

Les MBO mettent presque toujours en jeu des investisseurs de risque. Parfois, ceux-ci prennent une participation à l'actionnariat de l'entreprise, mais ils optent généralement pour des débentures convertibles et des options sur le capital. Ils peuvent aussi prendre un pourcentage du capital-action rachetable par l'entreprise. Leurs positions sont toujours hybrides. De plus, ils imposent souvent aux entreprises des contraintes de gestion importantes. Par exemple, ils se réserveront un droit de veto au conseil d'administration.

Évidemment, les cadres et les employés investissent aussi. En général, leur participation demeure inférieure à 10%, mais il arrive qu'ils détiennent une majorité de contrôle. En fait, tout dépend de la valeur et des compétences qu'ils représentent aux yeux des financiers. Une façon de maximiser leur pain money, comme le qualifient les financiers, est de puiser dans leur REER ou leur FEER. "Quand le pourcentage d'actions de la catégorie détenue est de moins de 10%, il n'y aura aucune limite quant au montant soutiré au REER. Mais si le pourcentage varie entre 10 et 49,9%, le montant maximal permis est de 24 999 dollars", note Catherine Lapointe.

Vient enfin l'entrepreneur, qui désire généralement obtenir le meilleur prix possible pour son entreprise. Le plus souvent, il ne peut pas se retirer totalement et il doit convenir d'un solde de prix de vente entre 10 et 30%, qu'il se fera rembourser au cours d'une période prédéterminée. "Une telle entente allège le risque financier et solidifie la transition", dit Martin Guestier. Ce solde donne à l'entrepreneur une bonne raison de continuer à jouer un rôle actif dans son entreprise et de garder ainsi un oeil sur son "bébé".

Quand l'ex-dirigeant accepte le fait qu'il n'est plus le grand patron et qu'il endosse son nouveau rôle, c'est toute l'entreprise qui bénéficie de sa présence. On oublie malheureusement trop souvent cet aspect. En effet, dans un transfert de propriété, on se préoccupe beaucoup de "tout ce qui entre": nouveaux actionnaires, clauses contractuelles, prêteurs, etc. Nicole Murtada, psychologue industrielle chez Société Pierre Boucher Psychologie industrielle, rappelle qu'il faut aussi prêter attention "à ce qui sort", c'est-à-dire l'entrepreneur et à toutes les connaissances et au savoir-faire qu'il détient.

Par exemple, certains clients très importants ayant une relation exclusive avec l'entrepreneur partiront en même temps que ce dernier. "Une fois qu'on a établi ce qu'on perd avec le départ du grand patron, on peut planifier le transfert pour conserver cette connaissance dans l'entreprise", dit Nicole Murtada. C'est l'une des raisons principales qui font dire à la psychologue qu'un entrepreneur devrait planifier sa sortie cinq à sept ans à l'avance.

Cet article a été publié dans la revue PME en février 2006.

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