Les 10 commandements du monde des affaires du 21e siècle

Offert par Les Affaires


Édition du 14 Novembre 2015

Les 10 commandements du monde des affaires du 21e siècle

Offert par Les Affaires


Édition du 14 Novembre 2015

Par Diane Bérard

Les Affaires a invité 30 dirigeants et entrepreneurs québécois - de tous les horizons - à rédiger ensemble «Les 10 commandements du monde des affaires du 21e siècle». [Photo : Christian Blais]

Quelle est la boussole morale qui guide la prise de décisions des gestionnaires du 21e siècle ? Pour le découvrir, Les Affaires a invité 30 dirigeants et entrepreneurs québécois - de tous les horizons - à rédiger ensemble «Les 10 commandements du monde des affaires du 21e siècle», qui se retrouvent sur l'affiche à la une de votre journal. L'événement s'est déroulé le 21 octobre, au Salon 1861, dans le quartier de la Petite-Bourgogne, à Montréal. Notre journaliste Diane Bérard, instigatrice du projet, raconte comment la réflexion s'est déroulée et dévoile le résultat.

Pour imaginer cet exercice, je me suis laissé guider par la magie du lieu. J'étais certaine que le Salon 1861 allait inspirer les participants et favoriser la cocréation de 10 commandements. Mon intuition s'est révélée juste. Sitôt franchies les lourdes portes en bois, les invités se sont arrêtés. Les uns après les autres, ils ont été éblouis par la lumière d'automne qui illuminait la salle. Et émus par l'espace qu'ils avaient sous les yeux. Du coup, ils ont laissé le monde extérieur derrière la porte pour contribuer avec ouverture et générosité à l'exercice auquel nous les avions conviés.

Pourquoi Les Affaires a-t-il organisé un tel exercice ? Parce qu'il y a eu la crise financière de 2008-2009. Et l'effondrement de l'immeuble Rana Plaza, au Bangladesh, qui a causé la mort de plus d'un millier d'employés du secteur du vêtement. Et Volkswagen. Et Valeant. Parce que la vie de gestionnaire est exigeante et que l'équilibre entre les attentes à court terme et les objectifs à long terme n'est pas aisé.

Sachant cela, nous avons voulu donner aux dirigeants québécois une boussole morale qui les aide à résister aux pressions et à prendre des décisions qui assurent la pérennité de leur entreprise. Et la création de richesse durable.

Nous voulions que ces commandements soient utiles. Nous ne voulions pas qu'ils demeurent de simples écrits. Nous avons donc donné aux participants la consigne d'employer des mots et des verbes signifiants et porteurs de sens. De plus, sachant que Les Affaires compte faire voyager ces 10 commandements dans toutes les entreprises du Québec, les dirigeants qui les reçoivent doivent les comprendre sans avoir participé à leur création. Et puis, chaque énoncé doit être porteur d'un contenu moral.

Cet exercice, rappelons-le, a été inspiré par les dérives éthiques des dernières années. Chaque fois que l'on parle d'éthique, c'est pour souligner son absence. On évoque l'éthique selon ce qu'elle n'est pas. Cette fois, nous avons voulu entendre parler de ce qu'elle est. C'est pourquoi les participants avaient le mandat de privilégier la forme positive en formulant leurs énoncés.

Les 10 commandements de la Bible présentent presque tous des interdictions : «Tu ne commettras pas de vol», «Tu ne commettras pas de meurtre.» Mais en quoi savoir ce que vous ne pouvez pas faire vous aide-t-il à savoir ce que vous devez faire ? Le spectre des possibilités est trop vaste. On a aussi demandé aux participants de voir grand et loin. De rêver une autre façon de faire des affaires, une façon plus pérenne.

L'événement s'est déroulé le 21 octobre 2015, au Salon 1861, dans le quartier de la Petite-Bourgogne, à Montréal. [Photo : Christian Blais]

Des représentants de tous les horizons

Pour que le résultat de cet exercice soit pertinent, il fallait que les participants soient représentatifs de la diversité du tissu économique québécois. Ainsi, les 30 femmes et hommes que nous avons réunis le 21 octobre proviennent de la grande entreprise, de la PME, du commerce de détail, de la mode, des services, du secteur financier, du secteur techno, du monde coopératif et de l'entrepreneuriat social.

Ils ont travaillé en équipes de six. Nous avons pris soin d'asseoir ensemble des personnes qui ne se connaissaient pas, ou peu. Nous avons aussi veillé à mélanger les tailles d'entreprise, les missions et les stades de développement afin de susciter des échanges animés. Mission accomplie ! Pas un seul temps mort. Les discussions étaient riches, parfois musclées, mais toujours respectueuses. Et surtout empreintes de curiosité. Chacun voulait en savoir plus sur les défis et l'univers des autres.

Chaque équipe était libre d'organiser à sa guise les 90 minutes dont elle disposait. Certains ont pris la moitié de la période pour faire connaissance. D'autres ont plongé tout de suite dans le feu de l'action. D'autres, enfin, n'ont pas voulu commencer l'exercice avant de poser une rafale de questions à René Villemure, l'éthicien qui nous a accompagnés toute la matinée. En bons élèves, ces participants ont voulu s'assurer qu'ils avaient bien compris leur devoir.

Peu importe la méthode choisie, toutes les équipes ont atteint un résultat qui a dépassé les attentes... Ensemble, les 6 équipes ont rédigé 30 commandements ! Cela en dit long sur leur enthousiasme. Parmi ces 30 commandements, le tiers témoignait d'un souci pour le long terme. Quelles seront les conséquences de leurs décisions ? Voilà la question qui habite les dirigeants lorsqu'ils s'extirpent du quotidien pour échanger avec d'autres dirigeants. René Villemure aurait donc vu juste en leur disant en ouverture de la journée : «Je sais que vous êtes bons et que vous êtes capables d'introspection».

De ces 30 commandements, nous avons tiré, en plénière, de grands thèmes : pérennité ; valeurs/bien commun ; communauté/citoyens ; intégrité ; écoute ; courage ; confiance/doute ; mesure ; engagement ; humilité. Il restait à appliquer un peu de magie, et beaucoup de travail, pour réduire les 30 commandements en 10. Tout cela en respectant les mots et l'intention des 30 participants.

LES 10 COMMANDEMENTS

1. De la communauté tu te soucieras, vers les autres tu iras, des autres tu te préoccuperas.


[Photo : Christian Blais]

Certains ont illustré ce commandement par le mot «altruisme». D'autres ont parlé de «retrouver la proximité de jadis entre les entreprises et leur collectivité». Ils ont rappelé une époque où l'entrepreneur se sentait responsable de son village. Certains croient même que les organisations agissaient de façon plus éthique lorsque le lien était plus étroit entre elles et leur collectivité. On a évoqué le facteur «perron d'église»... Il est embêtant d'être malhonnêtes lorsque nous sommes susceptibles de croiser nos clients et nos fournisseurs tous les dimanches matins ! Mais comment recréer le perron d'église lorsque nos affaires sont internationales ? Les médias sociaux pourraient bien être le nouveau perron d'église. C'est là qu'on discute, qu'on louange, qu'on médit...

Ce commandement parle des autres. Il fait aussi référence à l'importance de les traiter comme nous aimerions être traités. Cela se traduit, entre autres, par ne pas vendre à ses clients un produit que l'on n'achèterait pas soi-même. Ultimement, cela signifie «sois l'entreprise que tu voudrais voir dans ce monde.»

Enfin, les autres, c'est aussi l'économie locale. Celle à laquelle l'entreprise contribue par ses emplois, ses contrats, ses partenariats et son action philanthropique.

2. Les valeurs de l'entreprise tu préserveras, en les définissant et en les communiquant clairement.

Toutes les entreprises affichent des valeurs sur leur site Web. Il est donc inutile de rappeler la nécessité de cet exercice. Il est plutôt question de la survie de ces valeurs. Du défi de les faire survivre au passage du temps et des dirigeants. Pour cela, il faut en discuter et expliquer en quoi ces valeurs ont un lien avec l'entreprise. Un exercice qui s'adresse autant aux employés en poste qu'aux nouveaux venus.

3. Un modèle financier tu te donneras, qui ne compromettra pas les valeurs de l'entreprise.

Ce commandement fait référence à la cohérence nécessaire entre le modèle financier qu'une entreprise se donne et ses valeurs.

4. L'équilibre tu assureras entre les attentes à court terme et les objectifs à long terme.

Les participants d'une des tables ont discuté longuement d'une période difficile qu'un des dirigeants a traversée. Les contrats étaient rares. Que faire ? Éliminer des postes tout de suite ou tenter de garder tout le personnel le plus longtemps possible ? La direction a opté pour une discussion ouverte avec les employés. Certains ont proposé de réduire leurs heures. L'administration a aussi procédé à des coupes. Tout cela en gardant en tête la qualité de l'équipe en place et la nécessité que tous soient prêts lorsque les contrats reviendraient. Bref, il fallait éviter de se départir de collaborateurs précieux.

5. Toutes les parties prenantes tu identifieras, leurs besoins tu comprendras, de la valeur pour tous tu créeras, en faisant preuve de sagesse.

Lorsque les balises sont bien claires, et les valeurs, connues, il reste à l'entreprise à s'acquitter de sa mission : créer de la valeur... pour tous. On parle de plus en plus de triple mission (triple bottom line) : le profit, les gens, la planète. La sagesse permet de rappeler l'équilibre entre le court et le long terme.

6. Des objectifs précis et mesurables tu élaboreras, pour ton entreprise et ses employés, en t'assurant que ces objectifs comprennent des indicateurs socioéconomiques.

Nous avons beaucoup discuté de l'importance de mesurer. Mesurer ce à quoi nous nous sommes engagés. Mais aussi mesurer ce à quoi nos partenaires se sont engagés. Personne ne peut plus se laver les mains des actions de ses fournisseurs. Le nom de l'entreprise est sur l'étiquette, elle est responsable. Les mesures quantitatives vont de soi. Les mesures qualitatives s'avèrent plus difficiles à cerner. C'est un défi des prochaines années.

7. Équitable tu seras, en donnant la même chance à tous les candidats, parmi les meilleurs, qui voudront travailler pour ton entreprise ou avec elle.

L'équité oui, mais pas à n'importe quel prix. L'entreprise a une obligation de création de valeur. Et elle n'y arrivera que si elle recrute les meilleurs employés.

8. Ta confiance tu accorderas, tout en doutant sainement. La confiance tu sauras mériter, tout en acceptant de te remettre en question.


[Photo : Christian Blais]

Ici, il est question d'intelligence et de compétences. Une entreprise est constamment en interaction. Pour que ses relations soient fructueuses et pérennes, elles doivent être authentiques. Mais l'entreprise doit faire preuve d'intelligence pour ne pas accorder ou maintenir sa confiance naïvement. Elle doit aussi se montrer compétente afin d'être elle-même digne de confiance. Et ce, sans jamais devenir suffisante.

9. Conscient tu seras de l'impact de ton entreprise. Les générations futures tu considéreras en prenant toutes tes décisions.

Ce commandement évoque, entre autres, la responsabilité de l'entreprise, tout au long du cycle de vie des produits qu'elle met en marché. Il désigne aussi celle que l'entreprise doit assumer à l'égard des jeunes qui ne sont pas encore sur le marché du travail. Une responsabilité à long terme, envers la société et la planète. Mais aussi une responsabilité à court terme en matière d'éducation. Comment les entreprises peuvent-elles s'investir dans l'éveil et la préparation de jeunes au monde du travail ?

10. Imputable tu seras de tes choix et de tes actions.

Les dirigeants sont responsables de toutes les décisions qu'ils prennent et ne prennent pas.

« AGIR DE MANIÈRE ÉTHIQUE EST RENTABLE »


[Photo : Christian Blais]

Les participants ont eu trois heures pour rédiger les 10 commandements. Pour ne pas s’égarer, ils ont dû établir des balises claires et se donner des définitions communes. Les Affaires a invité l’éthicien René Villemure à contribuer à l’exercice. Il a prononcé la conférence d’ouverture, puis a accompagné les participants toute la matinée.

« L’éthique, c’est un peu plus des autres et un peu moins de soi. » Ainsi débute la conférence de René Villemure. « C’est aussi ne pas prendre avantage à court terme d’une relation à long terme. » La table est mise. Ce matin, nous réfléchirons à la relation entre l’entreprise et sa collectivité. Ou ses parties prenantes, comme nous avons maintenant l’habitude de les nommer. Ensuite, nous nous pencherons sur la pertinence de voir loin. «Il y a une nuance entre fonctionner et durer, souligne l’éthicien. Vous pouvez fonctionner longtemps sans être éthique. Mais tôt ou tard, vos délits vous rattraperont. »

Il n’y a pas de décision neutre. « Chaque fois que vous prenez une décision, vous pouvez aller vers l’éthique ou la non-éthique. » Un dirigeant peut choisir la voie qui fédère ou celle qui détruit la confiance des parties prenantes.

Il existe deux types de décisions. Les décisions habituelles, celles pour lesquelles il existe des normes auxquelles on peut se fier, se conformer. Les décisions inhabituelles, celles pour lesquelles il n’existe aucune norme. Dans ce dernier cas, que faire ? Le premier réflexe consiste à se demander si c’est légal. « D’autres considéreront le “facteur Arcand”. Ils se demanderont : “Paul Arcand en parlerait-il à son émission de radio ?” Sinon, je suis OK. »

Vous devriez aussi vous demander si c’est juste. Une foule de choses sont légales et injustes, ou illégales et justes, rappelle l’éthicien.

Où commencer? «On ne rend pas les gens bons par décret, dit René Villemure. Lorsqu’il est question d’éthique, on croit tout régler en implantant des structures. Mais l’éthique est une affaire de culture.» L’entrepreneur est un être paradoxal. «Je sais que vous êtes bons et que vous êtes capables d’introspection. Je sais aussi que vous souhaitez vous inscrire dans le monde, peut-être même le changer. Mais vous confondez votre intérêt et celui de l’entreprise. Vous voulez la richesse maintenant. L’entreprise, elle, veut durer. Capter la richesse aujourd’hui compromet la création de valeur demain. »

À quoi bon être éthique? «Vous êtes des gens d’affaires, vous êtes là pour faire des affaires. Agir de manière éthique est rentable. Ça attire de meilleurs employés. Ça permet de les conserver. Ça attire la confiance. »

LE LIEU


[Photo : Christian Blais]

Les 10 commandements du monde des affaires du 21e siècle ont été écrits à l’église Saint-Joseph, dans le quartier de la Petite- Bourgogne, à Montréal. Sous les auspices de « Je vois Montréal », cet ancien lieu de culte a été converti en laboratoire urbain et

en lieu de rencontres et d’événements par l’entrepreneure Natalie Voland, de Gestion immobilière Quo Vadis. L’endroit a été baptisé Salon 1861, et Les Affaires en est le partenaire média. Au cours du mois qui a précédé l’ouverture officielle du Salon 1861, 30 événements ont été tenus dans cette église. La rédaction des 10 commandements est l’un d’eux.


[Photo : Christian Blais]

Suivez Diane Bérard sur Twitter @diane_berard

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