Le gaspillage de talent

Publié le 10/11/2008 à 14:58

Le gaspillage de talent

Publié le 10/11/2008 à 14:58

Par lesaffaires.com
Prenez le temps de repenser au processus d'embauche qui a précédé votre emploi actuel. Avez-vous négocié votre salaire ou accepté ce que l'on vous a offert ?

Si vous êtes un homme, vous avez sans doute marchandé votre salaire. Si vous êtes une femme, il est plus probable que vous ayez accepté la première offre mise sur la table.

Nos recherches et celles de plusieurs autres révèlent que les hommes sont significativement plus enclins que les femmes à recourir à la négociation pour faire valoir leurs intérêts personnels. Cela a des conséquences sérieuses non seulement auprès des individus mais aussi au sein des organisations. Si l'on n'y prend garde, les disparités entre les sexes finissent par se transformer rapidement en iniquités salariales et professionnelles manifestes et causer un coûteux roulement de personnel.

Le désavantage cumulatif

Rien qu'au seul chapitre des négociations salariales, les femmes se privent régulièrement de centaines de milliers de dollars. Tout au long de leurs carrières, les femmes voient s'accumuler substantiellement tous ces petits écarts minimes entre ce qu'elles acceptent et ce qu'elles auraient pu obtenir.

Prenons l'exemple de deux récents diplômés d'un programme de MBA - l'un est un homme, l'autre est une femme qui se voient offrir un poste à 100 000 $US par année. En négociant, l'homme bonifie l'offre salariale à 111 000 $US, tandis que la femme accepte 100 000 $US sans tenter d'obtenir plus. Même si les deux reçoivent une majoration annuelle identique de 3% jusqu'au terme de leurs carrière, lorsqu'ils prendront leur retraite à 65 ans, l'écart entre leurs salaires annuels se sera creusé de 30 953 $US.

L'homme qui a négocié gagnera aussi plus que la femme durant chacune de leurs 35 années de travail respectives. S'il investit ce revenu annuel «additionnel» dans un compte rapportant 5% d'intérêt, ce montant de départ de 11 000 $US - obtenu au terme d'une seule séance de négociation - vaudra 1,6 million $US au moment où chacun d'eux prendra sa retraite.

Ces chiffres ne tiennent même pas compte des autres avantages salariaux comme les primes, les options sur actions et le régime de retraite. En outre, un homme qui sait négocier son salaire de départ saura probablement obtenir de meilleures hausses salariales et plus d'avancement tout au long de sa carrière.

En omettant de négocier, les femmes sacrifient aussi leur visibilité, leur formation et leur avancement professionnel. Prenons l'exemple d'un homme et d'une femme ayant les mêmes formations et compétences et qui occupent le même type de poste. À peine entré en fonction, l'homme demande à faire partie d'une équipe travaillant sur un important projet. En s'associant à cette équipe, il consolide sa réputation au sein de l'organisation, acquiert une précieuse expérience en matière de leadership et développe de nouvelles compétences. La prochaine fois que ses supérieurs devront confier un important projet déterminant à quelqu'un, l'homme aura un véritable avantage sur sa collègue féminine plus effacée.

Les coûts organisationnels

Si, dans une organisation donnée, les projets importants, les défis et les occasions d'avancement professionnel n'échoient qu'à ceux qui en font la demande, cette organisation finira inévitablement pas gaspiller les compétences de ses employées les plus talentueuses.

Les enquêtes indiquent que les gens quittent souvent leur emploi parce qu'ils ont l'impression qu'on n'exploite ou n'apprécie pas pleinement leurs compétences. Si les femmes constatent que leurs collègues masculins se voient confier des tâches plus stimulantes et obtiennent de plus généreuses majorations salariales, elles risquent de quitter l'entreprise.

Ce roulement de personnel est vraiment coûteux. Le remplacement d'un travailleur horaire coûte à une organisation 50% du salaire annuel de ce travailleur ; le remplacement d'une professionnelle coûte 150% de son salaire annuel. Pourquoi est-ce si cher ? Il faut compiler les coûts liés à la sélection et à l'embauche, la perte d'occasions professionnelles pour les employés chargés de l'embauche et la perte de productivité jusqu'à ce que le nouvel employé soit pleinement fonctionnel. Si on ajoute à cela la démoralisation des employés qui doivent s'investir davantage pendant la période de recrutement et de formation du nouveau personnel, la facture grimpe encore. Nos calculs démontrent que les coûts du roulement de personnel peuvent avoir un impact majeur sur le rendement d'une entreprise typique de taille moyenne en érodant jusqu'à 3,4% de ses revenus et 45% de ses bénéfices.

Ce que les gestionnaires peuvent faire

Il faut d'abord noter qui amorce les négociations dans votre organisation et ajuster votre processus décisionnel selon le cas. En cessant de penser, chaque fois qu'un homme demande qu'on lui confie une tâche, que c'est le meilleur candidat ou qu'une femme qui ne l'a pas demandé ferait mieux l'affaire, les gestionnaires pourront commencer à corriger certains de ces déséquilibres.

Les gestionnaires peuvent aussi être des mentors. Nous avons vu plusieurs femmes se métamorphoser après avoir suivi les conseils suivants prodigués par un supérieur de confiance :

- Présumez que tout ce qui touche votre vie professionnelle est négociable
- Portez-vous volontaire pour les projets qui vous intéressent
- Poursuivez activement vos objectifs professionnels

Dans plusieurs cas, il suffit simplement de montrer à une femme les possibilités d'avancement invisibles pour qu'elle voit sa carrière sous un autre jour.

Enfin, les organisations peuvent sensibiliser tous leurs employés au fait que les variations de réaction face à des comportements masculins et féminins identiques peuvent nuire à l'avancement des femmes et au fonctionnement de l'organisation. Pourquoi qualifions-nous les hommes déterminés de «fonceurs», mais que les femmes affichant la même attitude se font traiter d'«arrogantes» (ou pire) ? En faisant en sorte que la culture de votre organisation est plus ouverte aux femmes qui demandent, vous pouvez montrer aux femmes que la négociation de leur propre avancement professionnel est une stratégie autant pour elles que pour votre organisation.

(Linda Babcock et Sara Laschever sont co-auteures de Women Don't Ask: Gender and the Negotiation Divide (Princeton University Press, 2003) et de Asking for It: How Women Can Use the Power of Negotiation (Bantam, 2008). Mme Babcock est professeur d'économie à l'Université Carnegie Mellon. Mme Laschever était l'intervieweuse principale pour Project Access, un important projet d'étude institué par Harvard et portant sur les obstacles empêchant les femmes de mener des carrières scientifiques.)

Cet article a été publié dans le Journal Les Affaires et est tiré du Harvard Management Update

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