Le fils d'épicier devenu multimillionnaire

Publié le 12/11/2011 à 00:00, mis à jour le 11/11/2011 à 14:07

Le fils d'épicier devenu multimillionnaire

Publié le 12/11/2011 à 00:00, mis à jour le 11/11/2011 à 14:07

Dresseur de chevaux, professeur d'université puis pdg, l'ancien président d'Uni-Sélect a toujours su aller droit au but. Il était costaud, et on s'est récemment inquiété de le voir amaigri avant qu'il ne reprenne toutes ses couleurs après une transplantation cardiaque. Ce n'est pas le seul défi que ce dirigeant d'origine modeste a relevé au cours de sa carrière, où il a su s'imposer dans les milieux les plus divers en se montrant à la fois audacieux et familier.

René Vézina - Comme homme d'affaires, votre parcours a été tout sauf conventionnel. Comment tout a-t-il commencé ?

Jacques Landreville - Je viens de Saint-Henri, un milieu ouvrier de Montréal. Mon père, Antonio, était épicier-boucher. Nous étions huit enfants. Un de ses amis, Paul Provost, qui habitait à Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson, savait que papa s'occupait aussi de chevaux. M. Provost venait d'acheter de beaux palominos et cherchait un jeune pour les dresser. Mon père m'a envoyé là-bas à la fin des classes, pour l'été. J'avais 17 ou 18 ans. C'est là que j'ai rencontré Fridolin Simard, le propriétaire de l'Estérel. J'ai fini par lui donner des cours d'équitation tout en dressant des chevaux pour la famille Provost.

R.V. - Quelle a été son influence sur vous et sur votre carrière ?

J.L. - Il a été mon mentor intellectuel. Il m'a appris à ne pas avoir peur d'avancer. J'ai travaillé avec lui cinq ou six ans, entre autres comme chauffeur privé. Il était un important entrepreneur du temps de la construction d'Expo 67. Un jour, il m'a encouragé à passer des tests d'orientation professionnelle, car j'avais abandonné l'école. Il m'a incité à abandonner mon projet de devenir policier et à me diriger plutôt vers les affaires. Je me suis inscrit à HEC, où j'ai obtenu un bac en sciences comptables. Puis j'ai fait une maîtrise en finances à l'Université de Sherbrooke et des études prédoctorales à l'INSEAD, à Fontainebleau.

R.V. - De chauffeur privé, vous vous êtes retrouvé professeur d'université... Comment avez-vous réussi ce passage ?

J.L. - Cela a été très facile. Je suis entré à l'Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) parce que l'ancien directeur du programme, Roger Miller, qui a participé à la création de Secor, cherchait des professeurs. D'ailleurs, les trois fondateurs de Secor, Yvan Allaire, Marcel Côté et Roger Miller, ont été mes professeurs à l'Université de Sherbrooke. Roger Miller était vice-doyen à l'enseignement et à la recherche à Chicoutimi. Il m'a engagé comme professeur de finance. J'y suis resté deux ans et demi. Par la suite, le doyen de la faculté d'administration de l'Université de Sherbrooke, Raymond Vachon, le père de Louis [NDLR : le président de la Banque Nationale] m'a recruté à l'âge de 29 ans comme directeur du MBA, moi, un fils d'épicier, le seul dans la famille à être allé à l'université, parce que cela n'intéressait pas les autres. Les circonstances de la vie ont permis que je réalise mes rêves : j'ai eu un mentor qui m'a appris à oser et à ne pas avoir peur d'avancer, et un autre qui m'a montré à exécuter.

R.V. - Qui était cet autre mentor ?

J.L. - Stanley Berezowsky. À l'époque, le Parti québécois venait d'arriver au pouvoir. Les entreprises anglophones cherchaient des francophones pour occuper des postes de cadre. Par l'entremise d'un ami, j'ai rencontré le pdg de Humpty Dumpty Foods et je suis devenu son adjoint. Le vice-président était alors Stanley Berezowsky, un Polonais d'origine qui avait fait la guerre. Il m'a dit : «Mon jeune, tu es brillant, mais il va falloir que tu apprennes à exécuter avec rigueur. Ça signifie que ce que tu prétends gérer, tu devras le mesurer.» J'ai travaillé avec lui pendant plusieurs années.

R.V. - Vous avez ensuite occupé d'autres fonctions de direction jusqu'à devenir président d'Uni- Sélect. Comment êtes-vous arrivé à ce poste ?

J.L. - Une «chasseuse de têtes», Manon Vennat, m'a proposé un jour de rencontrer Robert Chevrier, mon prédécesseur à la tête d'Uni-Sélect, en me disant qu'il avait quelque chose à me proposer. J'étais alors en pleine négociation pour faire l'acquisition d'une entreprise. «Au lieu de mettre tes énergies à acheter une entreprise, viens chez nous, tu vas devenir multimillionnaire», m'a-t-il dit. Jean-Louis Dulac, le président du conseil, qui est encore en poste, a ajouté à son tour : «Vous êtes le genre de gars capable de parler de choses ordinaires à du monde ordinaire. Et dans notre entreprise, c'est ce qu'on est.»

R.V. - Uni-Sélect se spécialise dans la distribution de pièces d'automobile. Comment vous êtes-vous adapté à ce milieu ?

J.L. - Les gens qui travaillent dans le commerce des pièces d'auto n'ont généralement pas fait de longues études. Il s'agit de propriétaires de garage qui ont ensuite eu leur magasin de pièces, puis à la longue, en ont racheté plusieurs. Des gens pas compliqués, qui ressemblent à ceux que je côtoyais dans le milieu où j'ai été élevé. J'ai embarqué. L'entreprise était de taille relativement modeste. On faisait 200 millions de dollars (M $) de chiffre d'affaires à l'époque, avec cinq entrepôts : quatre dans l'est du pays et un à Calgary.

R.V. - Quel était le bilan de l'entreprise quand vous avez pris la décision de partir ?

J.L. - Le chiffre d'affaires était rendu à 1,3 milliard de dollars. Avec le temps, on avait acquis une soixantaine d'entreprises, des petites et des plus grosses. Tous les ans, on dépassait nos plans d'affaires, on payait le maximum de bonis et l'action montait. On l'a divisée deux fois. Les gars sont devenus millionnaires... et moi aussi. C'était le fun !

Avant de nous lancer à l'assaut du marché américain, j'ai eu peur d'avoir peur. Mais on y est allé quand même. À mon départ, on réalisait 800 M $ de notre chiffre d'affaires aux États-Unis.

R.V. - Vous deviez travailler avec des propriétaires de garage. Quelles relations aviez-vous avec eux, comme dirigeant ?

J.L. - Il faut comprendre que ces entrepreneurs portent trois chapeaux. Ce sont avant tout des opérateurs. Ils ne veulent pas travailler pour les autres. Deuxièmement, ce sont des propriétaires. Puis, ce sont souvent des pères ou des mères de famille. Il faut simplement savoir comment leur parler. Les dirigeants qui se faisaient donner du «Monsieur le président» et qui étaient suivis par une cour ont tous «mangé leurs bas» les uns après les autres. Le pouvoir, c'est celui que les autres nous donnent, pas celui qu'on impose. J'ai toujours travaillé avec les gens simplement en disant : «Écoute, on va se parler des vraies affaires. Comment peut-on s'organiser et se tricoter une tuque ensemble pour ne pas avoir trop froid quand l'hiver arrivera ?»

Il faut adopter un langage que les gens comprennent. Parler franchement sans tourner autour du pot. Dans le fond, tout ce que je faisais, c'était d'écouter ce que les gens disaient. J'étais parfois en désaccord avec mes collaborateurs, mais je faisais ce qu'ils me recommandaient, parce que je savais qu'ils étaient plus compétents que moi dans certains domaines.

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