La révolution en marche du design thinking

Publié le 26/05/2010 à 16:05

La révolution en marche du design thinking

Publié le 26/05/2010 à 16:05

Par Premium

Bill Moggridge est cofondateur d'Ideo. Photo : DR.

Connaissez-vous Bill Moggridge? Pourtant, cet homme a bouleversé votre vie. C’est lui qui a conçu le premier ordinateur portable ou encore le tube de dentifrice qui tient debout. Aujourd’hui, il s’attaque à des défis sociétaux nettement plus importants, toujours avec la même méthode : le design thinking.

Auteur : Ben Hammersley | Wired UK

Le nom de l’entreprise ne vous dit peut-être rien, mais vous bénéficiez déjà, tous les jours, des trouvailles d’Ideo. C’est à elle qu’Apple a confié le mandat de créer sa première souris (et Microsoft, sa deuxième). C’est aussi à elle que les services postaux britanniques ont demandé de réinventer la boîte aux lettres, et Procter & Gamble, les tubes de dentifrice. En fait, les réalisations de l’agence ne se comptent plus : le lecteur de CD monté au mur de Muji, le téléphone N-gage de Nokia, le Palm V ou la raquette de tennis Airflow de Head n’en sont que quelques exemples.

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Aujourd’hui, c’est au tour de la Maison-Blanche, Barack Obama en tête, de faire appel aux services d’Ideo pour revigorer la fonction publique américaine. Ou encore au gouvernement d’Islande, qui lui demande de trouver des façons novatrices de se tirer de la crise financière. Et la Fondation Kellogg lui a ni plus ni moins confié le mandat de réinventer son système éducatif!

Il peut sembler étrange qu’une agence habituée à concevoir le design de produits commerciaux soit invitée à résoudre des problèmes à l’échelle d’un pays. Pourtant, cela s’explique très bien : Ideo a surtout inventé une technique de création qu’elle propose avec conviction à sa clientèle, une philosophie appelée le design thinking.

En plus de définir la façon concrète dont Ideo aborde les problèmes, cette expression a le mérite de plaire aux personnes qui ne sont pas perçues comme des créateurs, car elle les interpelle. Après tout, qu’est-ce qu’un designer? Dans l’imaginaire collectif, c’est une personne qui donne son nom à une gamme de verres fumés ou de souliers, en y intégrant quelques particularités qui en décuplent le prix de vente. Pour d’autres, c’est un ingénieur entouré de dessins techniques, occupé à concevoir des machines. Dans les deux cas, et pour la plupart des gens et des entrepreneurs, la mission d’un designer consiste surtout à créer le look de biens matériels, et non à résoudre des problèmes.

En fait, un designer applique ««un ensemble de principes élémentaires pour résoudre une vaste gamme de problèmes», selon Tim Brown, le président d’Ideo. Ni plus ni moins. Les adeptes du design thinking croient ainsi que cette approche créative permet de relever toutes sortes de défis, de la création d’un nouveau type d’emballage de lait à l’élaboration de nouvelles stratégies d’affaires pour un constructeur automobile, en passant par la mise en place d’un nouveau service bancaire.

Une simplicité volontaire

Concrètement, l’approche du design thinking est toute simple. On peut la répartir en différentes étapes. D’abord, l’immersion : les designers explorent le problème en s’y plongeant à fond, par exemple en discutant ouvertement avec les personnes impliquées dans le projet.

Ensuite vient la synthèse : les chercheurs rassemblent leurs découvertes et tentent d’identifier des constantes. Puis, c’est l’idéation : il s’agit d’un brainstorming sur les solutions envisagées. On passe ensuite à l’étape du prototype, en élaborant des maquettes : la ou les solutions principales prennent alors forme. Après toutes ces étapes, le produit apparaît. Précisons que tout au long du processus, il est crucial de ne pas écarter d’emblée les idées émises, car elles ont toutes leur importance; il n’y a qu’à la fin, au moment d’évaluer le prototype, qu’on peut laisser place aux critiques constructives et autres commentaires.

Cette méthode se distingue de deux façons des approches traditionnelles en matière d’innovation en entreprise. En premier lieu, la conception du look d’un nouveau produit part, dans la plupart des cas, d’une idée émise par le service du marketing, à laquelle le designer tente par la suite de donner forme. À l’inverse, avec le design thinking, le designer est et demeure au cœur du processus de création.

Enfin, le design thinking procure un cadre de travail rigoureux, qui permet d’intégrer une équipe plus nombreuse à la démarche créatrice. Au lieu du classique chercheur solitaire qui se creuse les méninges jusqu’à ce que survienne l’éclair de génie, on mise sur un processus fédérateur. Dans cet esprit, la créativité n’est plus quelque chose qui apparaît comme par magie, mais le résultat d’un ensemble d’étapes que l’on a suivies.

Et les résultats ne mentent pas. Fondée en 1991 par la fusion de quatre entreprises (David Kelley Design, ID Two, Matrix et Moggridge Associates), Ideo a remporté 15 prix en 2009, y compris 12 prix Idea, probablement le concours international de design le plus prestigieux au monde. À la fin de 2009, l’agence avait d’ores et déjà remporté plus de prix Idea que toute autre firme. Le magazine Fast Company lui a de plus accordé le 10e rang dans sa liste des 25 entreprises les plus novatrices du monde. (Selon certaines sources, Ideo a travaillé pour les 24 autres!) Et le magazine Fortune a placé l’entreprise au 15e rang de sa liste des sociétés les plus populaires auprès des étudiants de MBA, alors que BusinessWeek l’a également classée parmi les sociétés les plus novatrices au monde.

Comment expliquer l’efficacité du design thinking? Sans aucun doute par l’ouverture d’esprit qu’elle impose à tous ceux qui y ont recours. Une image la traduit bien : dans les bureaux américains et britanniques d’Ideo, des murs entiers sont remplis de Post-It sur lesquels les employés ont rédigé sans complexe une idée, bonne comme mauvaise. C’est de là que peuvent un jour jaillir des idées géniales.

Une vision globale

On fait actuellement de moins en moins appel à Ideo pour concevoir le design d’objets. On lui demande plutôt de plancher sur de nouveaux types de produits, voire sur de nouveaux marchés ou services. Et les trois ensemble, si possible…

Un exemple de cette tendance? Le travail accompli par Ideo pour la Bank of America. Ayant reçu le mandat d’attirer une nouvelle clientèle parmi un segment de marché spécifique (les femmes d’âge moyen ayant des enfants), l’agence a effectué, en collaboration avec une équipe de la banque, des entrevues auprès de clientes potentielles à l’échelle des États-Unis.

Les designers ont alors constaté que plusieurs d’entre elles arrondissaient le paiement de leurs factures pour gagner du temps et faciliter le calcul mental : si la facture d’électricité s’élève à 42,23 $, elles font un paiement de 45 $, sachant que la différence s’appliquera à la facture suivante. Cela simplifie la comptabilité maison, et témoigne d’une évolution subtile de la relation entre le consommateur et les services publics. Ils ont aussi remarqué que bien d’autres clients potentiels avaient de la difficulté à épargner.

À partir de ces constats, l’équipe d’Ideo n’a pas proposé une campagne publicitaire ou des lignes de nouvelles directrices pour développer la marque, mais plutôt un nouveau type de compte bancaire : avec le compte Gardez la monnaie (Keep The Change), chaque montant dépensé avec la carte débit correspondante est automatiquement arrondi au dollar le plus près, et la différence déposée dans un compte d’épargne séparé.

Depuis son lancement en 2005, ce compte inspiré des constats faits par Ideo, et développé par le design thinking, a permis à la Bank of America d’attirer quelque 10 millions de nouveaux clients, qui ont réussi à épargner 1,8 milliard de dollars.

Une mission planétaire

Bill Moggridge, le cofondateur d’Ideo, considère que la mission du designer doit maintenant aller au-delà de l’amélioration de produits ou services existants. Elle doit avoir une portée planétaire.

«Tout ce qu’on fait, tout ce qu’on invente, a finalement une dimension politique. L’idéal, c’est d’avoir un impact mondial. Par exemple, ça ne sert à rien de réfléchir aux émissions de CO2 dans un pays donné. Pour corriger le problème, il faut l’envisager à l’échelle mondiale, et je suis convaincu que le design thinking peut y contribuer», dit-il.

«À mon avis, les plus petits cercles existeront toujours, mais je préfère m’attarder aux plus grands cercles qui les entourent», illustre M. Morridge. Et quelque part sur la Terre, un paquet tout neuf de Post-It attend l’occasion de réinventer le monde…

Adapté de : Wired UK

 

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