« La méditation est un entraînement pour le cerveau, pas du bla-bla de hippie » — Chade-Meng Tan, de Google


Édition du 19 Juillet 2014

« La méditation est un entraînement pour le cerveau, pas du bla-bla de hippie » — Chade-Meng Tan, de Google


Édition du 19 Juillet 2014

Par Suzanne Dansereau

Chade-Meng Tan, de Google [Photo: Steve Nge]

Né à Singapour, Chade-Meng Tan, est un des premiers ingénieurs recrutés par Google. À 30 ans, grâce à sa décision de se faire rémunérer en grande partie en actions, il est déjà multimillionnaire. Depuis qu’il a publié « Connectez-vous à vous-même », il devient célèbre, posant aux côtés de Bill Clinton, de Barack Obama, du dalaï-lama. Les Affaires l’a interviewé alors qu’il venait d’emménager dans sa ville natale, d’ou il travaillera.

Les Affaires – Vous n’exercez plus à titre d'ingénieur chez Google. Que faites-vous maintenant ? Jouez-vous un rôle stratégique dans l’entreprise ?

Chade-Meng Tan – Ma description de tâche est la suivante : « illuminer les esprits, ouvrir les cœurs et créer la paix dans le monde ». Je m’emploie à innover, surtout dans les façons d’amener la sagesse, la compassion et le bonheur dans le monde. C’est tout.

L. A. – Comment en êtes-vous venu à pratiquer la méditation et à la répandre en entreprise ?

C.-M. T. – J’ai commencé la méditation à l’âge de 21 ans. Ça a été la chose la plus importante que j’ai accomplie dans ma vie. J’attribue toute ma réussite aux habiletés développées grâce à la pleine conscience. Pendant les 20 % du temps que Google nous permet de consacrer à nos projets personnels, je me suis intéressé à l’intelligence émotionnelle et à la neuroplasticité [la capacité du cerveau à s'adapter aux stimulations]. J’ai réuni une équipe d’experts pour créer le programme « Connectez-vous à vous-même ». De fil en aiguille, ce programme a pris plus de mon temps et l’équipe des ressources humaines m’a demandé de m’y consacrer à temps plein. Je suis convaincu que si nous atteignons tous la paix intérieure, la joie et la compassion à l’échelle mondiale, nous aurons créé les conditions essentielles à la paix dans le monde. Mais pour réaliser cet objectif, il faut aligner ces qualités et la réussite des individus et des entreprises.

L. A. – Comment avez-vous réussi à convaincre des dirigeants d’entreprise que la méditation n’est pas que du blabla de hippie ?

C.-M. T. – La méditation, c’est comme l’exercice physique à une certaine époque. Les gens ont rapidement compris ses effets bénéfiques, mais cela a pris un certain temps avant que l’idée se propage en entreprise. La méditation est une forme d'entraînement pour le cerveau. Le problème, c’est qu’on l’a longtemps associée au mysticisme. Heureusement, au cours des dernières années, les recherches scientifiques ont montré comment la pratique méditative peut transformer le cerveau. Ce n’est pas de la magie. Ni du blabla de hippie.

L. A. – La méditation a-t-elle changé votre vision du capitalisme ?

C.-M. T. – Oui. Avant, je croyais – comme bien des gens – que la bonté était incompatible avec les affaires, la course au profit. Par exemple, qu’un patron devait choisir entre être aimé ou être craint. Mais il est maintenant prouvé que les leaders les plus aimés sont aussi les plus efficients. La bonté est bénéfique à la réussite et aux affaires.

L. A. – Et qu’arrive-t-il quand l’entreprise va mal ?

C.-M. T. – Même les décisions difficiles peuvent être prises avec compassion. Quand General Electric a dû fermer une usine et remercier ses employés, elle leur a donné deux ans de préavis et a fait un grand effort pour les reclasser. Il est toujours possible pour les gestionnaires d’agir avec compassion et empathie. À court terme, j’espère que la méditation aidera les employés à garder la paix intérieure, même lorsqu’ils feront les frais de décisions d'entreprise douloureuses, et à long terme, j’espère que les managers comprendront que les comportements psychopathes en entreprise ont des coûts élevés pour les organisations. Quand on en sera là, c’est que la majorité des dirigeants d’entreprises et des gestionnaires auront appris la compassion.

L. A. – Avez-vous mesuré les conséquences concrètes de la pratique de la pleine conscience sur la gestion d’entreprise chez Google ?

C.-M. T. – Sur le plan individuel, le programme Connectez-vous à vous-même est très populaire, et je reçois de nombreux témoignages. À la direction des RH, l’équipe de haute direction a décidé de démarrer chaque réunion par deux minutes de silence. Et on a observé que ces deux minutes ont grandement amélioré la qualité des réunions.

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