La culture : un outil de leadership à l’international

Publié le 17/12/2009 à 16:50

La culture : un outil de leadership à l’international

Publié le 17/12/2009 à 16:50

«Les pratiques commerciales d’un pays reflètent les aspects culturels de ce pays»


Pour Antoine Panet-Raymond, directeur du Groupe de recherche et d’analyse des marchés internationaux (GRAMI), à HEC Montréal, cela signifie que la connaissance de la culture du pays de votre partenaire d’affaires est l’élément le plus important du succès d’un projet à l’étranger.

«On ne fait pas des affaires de la même manière à Rivière-du-Loup qu’à Toronto. La même chose s’applique à New York, Beijing, Alger ou Ryhadh», illustre Karl Miville-de Chêne, du cabinet-conseil en commerce international Consultation Contacts Monde.

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Même si le commerce est l’un des plus vieux métiers du monde, sa pratique comporte son lot de subtilités, de nuances et de façons de faire souvent aux antipodes. Un entrepreneur qui veut faire preuve d’un leadership efficace à l’étranger doit comprendre le marché de son vis-à-vis, mais aussi ses gestes, ses regards, ses silences, son code vestimentaire, etc. La langue est loin d’être le seul élément à considérer!

«Faire du commerce, c’est essayer de comprendre la situation dans laquelle se trouve le partenaire d’affaires; ses objectifs, ses attentes et ses critères d’achat», explique Jean-Paul David, pdg de Mercadex International, une firme d’experts-conseils en développement de marchés internationaux. «Il y a un certain nombre d’éléments sur lesquels on se base, consciemment ou inconsciemment, pour prendre des décisions. Et ces critères sont souvent liés à nos valeurs.» Quels sont les principaux éléments socioculturels à considérer ?

1. La religion

Un musulman, un bouddhiste ou un hindou ne pensent pas de la même façon qu’un catholique ou un athée. Pour arriver à tisser des liens avec son partenaire d’affaires, il faut comprendre et respecter ses croyances. La question de l’égalité homme-femme s’avère un aspect très important. Dans les pays musulmans par exemple, la femme n’a pas la même place qu’ici dans les négociations. Si vous êtes «une» entrepreneure, il ne faut pas négliger cet élément capital.

2. La communication (verbale et non verbale)

Les Nord-américains sont connus pour être très verbomoteurs; ils ont tendance à dire tout ce qu’ils pensent. Ce qui est tout le contraire d’un Chinois ou d’un Japonais. Ainsi, M. Panet-Raymond suggère de porter attention au non verbal : la façon dont vos interlocuteurs bougent, s’assoient ou sourcillent. «Il ne faut pas seulement considérer ce que les gens disent, mais comment ils se comportent», soutient l’auteur du livre Le commerce international, 2e édition : Une approche nord-américaine (Éditions Chenelière Éducation 2008). Le leader d’affaires canadien est porté à prendre au mot ce que les gens vont lui dire et conclure qu’une affaire est dans la poche. Il risque de perdre beaucoup de temps à faire un suivi s’il n’a pas capté que c’est par politesse que son interlocuteur étranger s’est dit intéressé. «Mais s’il avait vraiment écouté, il aurait décodé que le partenaire potentiel n’était pas du tout intéressé», affirme M. David, de Mercadex. Dans certaines régions, comme la Chine, le Mexique et ailleurs en Amérique latine, il est parfois impoli de dire carrément «non». Ils vont donc utiliser d’autres mots, comme «plus tard» ou « mañana» (demain), pour dire qu’ils ne sont pas intéressés.

3. L’individualisme (vs le collectivisme) dans la prise de décision

Le Nord-américain cible celui qui est en haut de l’échelle hiérarchique, car pour lui, c’est le patron qui prend la décision. Or, cela n’est pas le cas dans la plupart des pays asiatiques, où les décisions se prennent en groupe. « Ce n’est pas parce que le président, le vice-président et trois employés sont à la table des négociations que ce sera le président qui prendra la décision», affirme M. Panet-Raymond. Ils ne vont pas vous donner une réponse immédiatement, ils vont se consulter, et souvent, vous ne saurez jamais qui a pris la décision finale.

4. Le formalisme

Si le tutoiement est rapidement employé au Québec, certains pays sont plus formels, comme la France ou l’Allemagne, où tout le monde se vouvoie. En Angleterre, on vous appelle rapidement par votre prénom, encore plus vite qu’aux États-Unis, selon le directeur du GRAMI. En Amérique latine, il faut porter une attention particulière à une personne d’un certain âge et d’une classe sociale élevée, explique M. David. Il est important de saluer cette personne en premier. En Italie, il est commun de mentionner le titre professionnel avant le nom, comme docteur ou ingénieur ou pharmacien. Même la façon de remettre une carte d’affaires est symbolique, souligne le pdg de Mercadex. En Chine par exemple, où le protocole est très important, il faut remettre sa carte avec les deux mains et de façon à ce que la personne puisse lire la carte qu’on lui remet.

5. La configuration des lieux

L’organisation des bureaux d’une entreprise peut porter à confusion. Si au Québec, les bureaux en coin, avec tables d’appoint et fauteuils sont généralement réservés aux directeurs, ce type de repère peut être trompeur dans certains pays. «Quand vous entrez dans un bureau à Tokyo, vous n’avez aucune idée qui est le patron parce que son bureau est semblable aux autres », note Antoine Panet-Raymond.

6. La hiérarchie

Alors que les entreprises québécoises adoptent une structure corporative plutôt horizontale, le modèle organisationnel français ou est-européen est beaucoup plus hiérarchisé. Dans ces pays, il peut être essentiel de communiquer avec l’équipe de direction si vous voulez que les choses évoluent. Dans certaines cultures, l’épouse ou la mère du chef d’entreprise peut participer au processus de décision. M. David a d’ailleurs vécu une telle situation avec un client mexicain. Il a commencé à parler affaires à leur troisième rencontre seulement, et ce, après que la mère de son client (d’environ 45-50 ans) ait validé qu’il était digne de confiance.

7. La compétitivité

Le leader québécois est très compétitif, alors que pour d’autres cultures, le discours sur la qualité prime sur celui de la compétitivité. Si les Américains excellent dans les affirmations de type «We are #1», ce n’est pas tellement ce qui compte en Allemagne. «J’ai travaillé pour une compagnie allemande et je peux vous dire que le plus important était la qualité», affirme M. Panet-Raymond.

8. La notion de temps

Il faut être respectueux du rythme du pays dans lequel on se trouve. «Pour les Américains, le temps, c’est de l’argent. Pour les Mexicains, c’est toujours demain (mañana). Pour les Chinois, le temps est quelque chose pour lequel on ne peut rien y faire», soutient l’expert en commerce international à HEC Montréal. Jean-Paul David, de Mercadex, souligne par ailleurs qu’il ne faut pas s’étonner du fait que les entreprises des pays émergents dont le système judiciaire est peu robuste, tarderont à conclure des accords. «Ils ne veulent pas avoir affaire aux tribunaux, donc ils vont prendre plus de temps pour faire valider les personnes avec qui ils font des affaires.» C’est souvent le cas en Chine, en Inde, en Amérique du Sud, en Afrique ou en Europe de l’Est (Roumanie, Moldavie, Ukraine).

9. Le rapport à l’espace

« Il ne faut jamais toucher un Japonais; par exemple, lui mettre ses mains sur ses épaules ou lui donner une tape dans le dos», note M. Panet-Raymond. À l’inverse, les contacts physiques sont très fréquents dans les pays arabes, en Espagne ou en France. En Amérique latine, l’accolade est commune. « Si vous en êtes à votre troisième rencontre avec un partenaire d’affaires et que ce dernier s’avance pour vous faire l’accolade et que vous avez le réflexe de reculer, cela peut être une erreur», affirme M. David, auteur du livre Comment développer les marchés internationaux (Éditions Transcontinental, 2007).

10. La capacité de gérer l’incertitude

L’entrepreneur québécois gère assez bien l’incertitude, contrairement à ceux provenant de pays comme de l’Europe de l’Est. «Ils ont été sous un régime d’économie planifiée, dans lequel on leur disait quoi faire. Ils ont donc besoin d’un cadre pour agir», affirme M. David. Ainsi, certaines cultures seront plus réticentes à laisser des points en suspens dans les contrats, ou encore quant à l’imprécision de certaines étapes du projet, notamment celles qui exigeront une certaine dose de juste-à-temps.

La règle d’or : se préparer

Avant même d’acheter un billet d’avion, il est sage d’aller chercher un maximum d’information sur Internet ou ailleurs. «Vous connaissez probablement des entreprises qui ont fait des affaires dans tel pays ou tel marché. Pourquoi ne pas rencontrer leurs dirigeants et discuter de leurs expériences, bonnes ou mauvaises?  On tire des leçons de tout», conseille M. David.

Il est aussi conseillé de rencontrer des gens originaires de l’endroit et de se renseigner auprès des Chambres de commerce bilatérales avant de partir. «Mal gérés, les aspects culturels peuvent choquer votre interlocuteur au point où ce dernier refusera (de manière indirecte) de faire des affaires avec vous», prévient M. Miville-De Chêne.

Selon les experts, le leader québécois ne prend pas assez le temps de se documenter avant de partir en mission. Il est très fort en improvisation, selon Karl Miville-De Chêne. « On peut improviser lorsque l’on a beaucoup d’information. Dans le cas contraire, nos vis-à-vis se rendent rapidement compte de notre manque de connaissance et se rebiffent. Et après, plusieurs se demandent pourquoi c’est si difficile!», affirme-t-il.

Quelques suggestions de lecture :

-Le commerce international, 2e édition : Une approche nord-américaine, par Bernard Landry, Antoine Panet-Raymond et Denis Robichaud (Éditions Chenelière Éducation 2008)

-Comment développer les marchés internationaux, par Jean-Paul David (Éditions Transcontinental, 2007)

-Kiss, Bow or Shake Hands : The Bestselling Guide to Doing Business in More Than 60 Countries, par Terri Morrison et Wayne A. Conaway (Adams Media Corporation, 2006)

-Commerce international : 2e édition, par Isabelle Limoges et Karl Miville-De Chêne (Gaétan Morin Éditeur, 2006)

-Le site http://www.executiveplanet.com/ est un guide voyage du type Lonely Planet, mais pour cadre en mission à l’étranger. On y apprend une foule de trucs: comment s’habiller ou négocier, les cadeaux à offrir ou à éviter. Par exemple, on n’offre pas de whisky ou cigares à des bouddhistes! Ou encore, comme le blanc représente la couleur du deuil pour les Japonais, on évite les emballages-cadeaux blancs!

-Le site http://www.mercadex.ca/ propose plusieurs indices pertinents, comme l’indice de corruption des différents pays dans le monde, l’indice de respect de la propriété intellectuelle et l’indice des dimensions culturelles de Hofstede.

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