La course de Martin Schwartz

Publié le 23/10/2008 à 18:30

La course de Martin Schwartz

Publié le 23/10/2008 à 18:30

Par lesaffaires.com

La famille Schwartz est en affaires depuis 1962. À cette époque, papa Leo fabriquait des produits pour bébés. Aujourd'hui, Dorel est une société diversifiée qui emploie 4 600 personnes et vend ses produits dans 60 pays. Pour survivre et croître, elle s'est adaptée. En plus des sièges d'auto, des chaises hautes et des lits d'enfants, Dorel vend aussi des vélos et des vêtements de sport ! Un virage qu'elle a pris en 2004. Cette année-là, elle a acquis Pacific Cycle, du Wisconsin. Son audace a payé et le fabricant récidive donc cette année : il vient d'allonger près de 200 millions de dollars pour mettre la main sur Cannondale Bicycle Corporation, numéro trois mondial des vélos de course, ainsi que sur la collection de vêtements sportifs Sugoi Performance Apparel. Alors que la récession fait trembler fabricants et détaillants, ceux-ci se demandent comment les clients s'offriront leurs produits. Dorel, elle, fait le pari du haut de gamme.


L'objectif de Martin Schwartz, président de Dorel et fils de Leo, est clair : "Nous nous dirigeons vers des produits dont les marques sont bien établies, explique-t-il. Des marques fortes sont des outils efficaces pour protéger vos activités." N'importe qui peut faire fabriquer des vélos en Chine et les vendre à bas prix, ajoute-t-il. "Nous offrirons plutôt des vélos dont le nom est reconnu. Nos marques sont plus respectées sur le marché et procurent de meilleures marges de profit."

D'importantes acquisitions 

Cannondale était un choix naturel, dit le PDG montréalais. Ces vélos se sont distingués dans des compétitions aussi prestigieuses que le Tour de France.

"Les détaillants les apprécient pour leur qualité. C'est déjà la marque numéro trois du secteur. Et je suis confiant : nous atteindrons éventuellement la première place."

Le modèle d'affaires qui intéresse Dorel place les concessionnaires indépendants au coeur des activités. Le nerf de la guerre consiste à rejoindre le marché très ciblé des cyclistes passionnés de course. Une clientèle plus aisée que la moyenne des consommateurs.

"Pour eux, le vélo est presque un culte, avance Martin Schwartz. Ils n'achètent pas un vélo dans une boîte pour l'assembler à la maison. Ils vont chez un détaillant spécialisé et commandent des composantes faites sur mesure pour eux. Dans ce domaine, les produits personnalisés sont très importants."

La collection de vêtements Sugoi "est elle aussi une marque de haute qualité. Pour l'instant, elle est sous-exploitée et a, à notre avis, un grand potentiel de croissance. Si nous la gérons bien et que nous y investissons l'énergie nécessaire, nous pourrons étendre sa distribution".

Un marché difficile en temps de crise financière ? 

Les passionnés de vélo que cible Dorel ne se serrent-ils pas la ceinture quand l'économie ralentit ? "Non. Ces clients se gâtent encore quand l'économie va mal, insiste le dirigeant. C'est leur passe-temps, leur vie. Et les détaillants sont exactement comme leurs clients. Ils peuvent s'asseoir ensemble et parler de course pendant des heures. Ils lisent des magazines spécialisés en quête du meilleur vélo sur le marché. La clientèle est variée. Même certains boomers dans la soixantaine font du vélo en utilisant des produits comme les nôtres. Et nous nous débrouillons généralement bien dans un environnement plus difficile."

Martin Schwartz ne rejette pas seulement les problèmes économiques actuels du revers de la main. Il croit aussi que la concurrence des pays émergents ne nuira pas à ses vélos haut de gamme. "Cannondale n'est pas un produit de masse, dit-il. Notre marque, Pacific Cycle, vend six millions d'unités par an. Cannondale, c'est environ 150 000 unités vendues chaque année, ce qui n'est pas énorme. Mais une petite augmentation suffit pour générer une croissance de 15 ou 20 %. Et je pense que nous pouvons y parvenir."

De plus, le dirigeant souligne que le marché pour les vélos Cannondale est bien réparti sur la planète : 40 % du chiffre d'affaires vient d'Europe. Le propre jardin de la société montréalaise est jugé des plus prometteurs aussi, ce qui la rend indépendante des États-Unis. "Au Québec et à Montréal, poursuit le président, il y a probablement plus de cyclistes par rapport au nombre d'habitants que partout ailleurs en Amérique du Nord. Que ce soit pour les clients qui s'intéressent au transport ou aux loisirs, nous sommes persuadés que le rythme de croissance sera rapide au cours des prochaines années."

Les vêtements Sugoi portés par les coureurs, les cyclistes et les triathloniens n'échappent pas aux aléas de la mode, reconnaît Martin Schwartz. Même dans le monde du sport, les vêtements populaires aujourd'hui ne le seront peut-être pas demain. "L'aspect technique, le tissu utilisé et certaines fonctions particulières - comme les vêtements qui permettent la cirulation de l'air - sont importants, mais nous devons aussi travailler sur l'aspect mode avec des stylistes."

Il reste que la croissance annuelle moyenne de 9 à 10 % de la Chine cause de l'inflation. Et que cela se répercute sur les activités de Dorel. Mais Martin Schwartz estime qu'il a une marge de manoeuvre, et qu'il peut augmenter ses prix sans s'aliéner ses clients. "Ce n'est pas un problème exclusif à Dorel. C'est un phénomène mondial, et les détaillants devront admettre que c'est la réalité. La plupart d'entre eux s'approvisionnent aussi en Chine, alors ils comprennent le problème."

La stratégie de Dorel tiendra-t-elle la route ?

En tout cas, elle va dans le sens des recommandations de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Dans le rapport intitulé "Comment rester compétitif dans l'économie mondiale : Progresser dans la chaîne de valeur" (juin 2007), l'OCDE considère que les pays industrialisés ne peuvent concurrencer les pays émergents en s'appuyant sur la technologie de base. Il faut innover et vendre du haut de gamme, comme le fait Dorel.

"Les entreprises n'ont pas vraiment le choix, dit Jean-Luc Trahan, PDG de Manufacturiers et exportateurs du Québec. Même la Chine a perdu 15 millions d'emplois dans le secteur manufacturier au cours des dernières années au profit du Viêt Nam, de la Thaïlande et d'autres pays. Le défi, c'est de se tourner vers la haute technologie."

Jean-Luc Trahan croit que les fabricants québécois doivent suivre l'exemple de grands noms américains et européens. "Benneton et American Apparel fabriquent des vêtements dans leurs pays d'origine parce qu'elles ont misé sur la technologie et le design pour se démarquer."

Sans être une panacée, la stratégie du haut de gamme sert donc à diversifier les risques pour une société comme Dorel. "Les entreprises qui le font se prémunissent contre des facteurs comme la force du dollar, ajoute Jean-Luc Trahan. Le potentiel est énorme, et le marché aussi. Pouvons-nous concurrencer le bas de gamme qui peut être assemblé n'importe où à bas prix et vendu chez Canadian Tire ? Nous nous demandons à présent comment nous pouvons être les meilleurs dans notre domaine. Nous utilisons nos forces pour nous distinguer des concurrents et pour mieux servir le client."

En espérant que les Chinois ne mettent pas de bâtons dans les roues de Dorel en se lançant dans le haut de gamme !

Martin Schwartz sera honoré le 21 novembre 2008 au Gala du Commerce, en compagnie des autres Audacieux.

Cet article a été publié dans la revue Commerce en mai 2008.

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