Comment favoriser l'émergence de leaders issus de groupes généralement sous représentés comme les jeunes, les immigrants et les personnes appartenant aux minorités visibles? L'urgence du leadership nécessite que nous puissions identifier et éliminer certaines barrières qui limitent l'expression du leadership d'une part importante de la population.
- Philippe M.
Réponse
Cette question pose une problématique qui nécessite deux angles de vision.
Je m'adresse d'abord aux leaders actuels.
Il est important que vous soyez conscient de vos réactions instinctives face à la différence des membres de vos équipes existantes ou à venir. En effet, des anthropologues ont découvert que lorsque des personnes font face à des interactions qu'elles ne comprennent pas, elles ont tendance à considérer les autres comme des personnes anormales, bizarres et ayant tort. Il est donc nécessaire de s'arrêter et de prendre conscience de nos croyances et de nos jugements, car bien souvent les interprétations erronées, les malentendus et les problèmes apparaissent parce que chaque partie a tendance à considérer l'autre de son propre point de vue.
Chaque culture, chaque génération, chaque minorité a ses propres idées sur ce qui est la façon « juste » ou « fausse » de se comporter. Rappelez-vous que chacun possède ses propres types de comportements. Ma suggestion : soyez ouverts à la différence! C'est un incontournable!
Dans un deuxième temps, il est essentiel d'être attentif au potentiel qui se trouve en chaque individu. Ceci nécessite de l'observation, beaucoup d'écoute, de même que la nécessité de faire fi de nos filtres mentaux. Soyez vigilants, regardez la différence et examinez le comportement des individus qui composent vos équipes en adoptant une position de témoin extérieur. Vous pourriez être surpris. Surtout, arrêtez de vouloir être intéressant et commencez à être intéressé par vos collaborateurs; donnez-leur la place dont ils ont besoin pour s'exprimer et expérimenter.
Saviez-vous qu'Einstein a été refusé de l'école Polytechnique de Zurich, que Walt Disney a été congédié d'un emploi pour manque de créativité et que Louis Pasteur était considéré comme un mauvais élève par ses professeurs de chimie ? Qu'est-ce que leurs patrons voyaient et qu'est-ce qui les aveuglait ? Des filtres peut-être ? Alors, voilà quelques exemples marquants qui nous démontrent l'importance pour les managers responsables d'être à l'écoute et d'éviter de sauter hâtivement à des conclusions, ceci dans le but de détecter et de favoriser l'émergence du leadership et des leaders, quelles que soient leur origine, leur génération ou la minorité à laquelle ils appartiennent.
Il faut éviter la « catégorisation absolue » car chaque être est unique, fruit de son vécu historique propre, de son « aventure personnelle ».
Point de vue de l'individu
Maintenant, examinons le deuxième angle de cette question, c'est-à-dire le point de vue de l'individu qui appartient à un groupe généralement peu représenté chez les leaders. Chacun a une responsabilité dans le fait de sortir de sa cachette, de se démarquer, de se tremper dans le bain d'une nouvelle réalité, dans le fait de se frayer un chemin, de faire ses preuves pour prendre sa place de leader. Personne d'autre ne pourra le faire à sa place. C'est une responsabilité personnelle.
Pour cela, il est essentiel que l'individu qui appartient à un groupe minoritaire développe aussi, comme je viens de l'expliquer, une ouverture à la différence. Si une personne reste concentrée sur ses difficultés à être comprise, à s'intégrer, à être reconnue et que, par conséquent, elle nourrit défensivement sa différence, il est certain qu'elle ne fera que renforcer les résistances envers son accomplissement personnel. C'est donc avant tout son attitude exemplaire d'ouverture, d'exploration, d'écoute, d'affirmation et de détermination qui lui permettra de développer ses compétences de leader et qui favorisera l'ouverture et le fait qu'on lui confie des responsabilités toujours plus importantes. Mais attention! Ouverture ne signifie pas conformisme. On peut s'ouvrir sans perdre son identité, son sentiment d'appartenance à un groupe. Le défi réside dans la capacité de l'individu à s'affirmer dans sa différence par son ouverture à la différence de l'autre.
En terminant, je m'adresse à chaque personne qui se pose cette question à laquelle nous tentons de répondre. Antoine de Saint-Exupéry disait :
« Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m'enrichis. »
Alors, pourquoi ne pas utiliser ces différences pour défier vos propres suppositions sur la meilleure façon de faire les choses et de les considérer comme une occasion pour trouver de nouvelles solutions aux problèmes?
Questionnez-vous face à la diversité :
1. Qu'est-ce que ça déclenche en moi ?
2. Quel est mon dialogue interne ?
3. Est-ce que je me sens menacé ? Supérieur ? Pourquoi ?
Fares Chmait
