Guy Saint-Pierre Diriger, c'est rallier ses troupes

Publié le 29/01/2011 à 00:00, mis à jour le 03/05/2011 à 17:07

Guy Saint-Pierre Diriger, c'est rallier ses troupes

Publié le 29/01/2011 à 00:00, mis à jour le 03/05/2011 à 17:07

R.V. - Parlons d'un moment clé, non seulement dans votre carrière, mais dans l'histoire récente du Québec. Il y avait alors dans le monde de l'ingénierie, deux concurrents féroces, deux rivaux déjà bien cotés : SNC et Lavalin. SNC était en train d'émerger de nouveau, vous nous en avez parlé. Lavalin avait connu des revers de fortune et on a craint que la société ne finisse par faire faillite et soit démantelée. Or, voici que survient cette fusion entre rivaux, SNC qui accepte enfin d'intégrer Lavalin dans son giron. Et SNC-Lavalin est aujourd'hui une des plus grandes, sinon la plus grande société d'ingénierie du monde. Qu'est-ce qui s'est passé ?

G.S.-P. - J'avais peut-être un avantage que d'autres n'avaient pas. Je suis entré chez SNC en 1989. La fusion avec Lavalin, ou l'achat de Lavalin, peu importe comment on veut l'appeler, a eu lieu en août 1991. Donc, je n'étais dans la bataille que depuis deux ans alors que d'autres, de chaque côté de la clôture, y étaient mêlés depuis 20 ou 25 ans. Et je me rappelle d'un incident qui s'était passé avec Bernard Lamarre [alors président de Lavalin], que je n'avais pas aimé. J'avais appelé Bernard, qui avait d'ailleurs étudié comme moi à Londres, à l'Imperial College, où il avait eu sa maîtrise, et je lui avais dit : " Écoute, Bernard, je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve, mais on ne peut pas se permettre de se donner des jambettes comme ça. On ne le sait pas l'un et l'autre, mais peut-être qu'un jour on va être ensemble. " Honnêtement, dans le temps, je ne le savais pas.

Et, après la fusion, au moment même d'une grande réception qui réunissait les employés des deux camps à l'hôtel Bonaventure, à Montréal, le soir même où ça a été annoncé, j'ai dit : " Dans ma vision, je ne veux pas que deux plus deux donnent trois. Je veux que deux plus deux donnent cinq. À partir de ce moment-là, il n'y a plus de SNC, plus de Lavalin, il n'y a seulement que SNC-Lavalin. On fait tous partie de la même famille et on va construire ensemble. " Mais vous avez raison, c'était un moment clé.

J'avais peur qu'en voyant SNC et Lavalin ensemble, plusieurs plus petits bureaux réagissent ainsi : " Ça n'a pas de sens, ils ont ensemble 75 % des contrats de la Baie-James. " Et j'avais donc parlé au premier ministre, Robert Bourassa, pour avoir l'assurance que les contrats qu'on avait ne nous seraient pas enlevés parce qu'on était devenus trop gros pour le Québec. Et il m'avait rassuré en disant : " Je ne sais pas ce qui va arriver pour l'avenir, ce n'est pas moi qui va décider, mais, pour les contrats passés, je peux te rassurer. " Et j'étais convaincu que si Bechtel Fluor [un géant américain de l'ingénierie] avait racheté Lavalin, en étant une compagnie publique, deux mois plus tard on se serait retrouvé dans la même situation qu'Alcan ou que Potash : une offre d'achat arrive et les actionnaires obtiennent deux fois ce qu'on aurait pu leur donner. Nous n'aurions pas eu le choix, il aurait fallu vendre.

R.V. - Et plus tard, c'est un Lamarre [Jacques], donc un nom associé de près à Lavalin, qui a pris la présidence de SNC-Lavalin. Elle s'était bien faite, cette intégration...

G.S.-P. - Depuis le 2 août 1991, Jacques Lamarre était un employé de SNC-Lavalin. Pas de Lavalin, mais bien de SNC-Lavalin. Pour la suite des choses, j'avais demandé à quatre personnes d'aller prendre l'une après l'autre un cours de trois mois qui se donnait à Harvard. Jacques va me permettre de vous confier ça : il ne voulait pas y aller. Il prétextait : " Je n'ai pas le temps, j'ai des projets importants. " Je lui ai dit : " Jacques, si tu n'y vas pas, tu ne seras pas dans la courte liste de ceux que je vais recommander au conseil d'administration pour me succéder. " Il y est allé et, encore aujourd'hui, il trouve qu'il a appris beaucoup. Je suis certain que, peut-être trois ans après, des gens qu'il avait connus à Harvard étaient ses clients en Malaisie ou en Chine ou ailleurs.

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