Gérez comme Obama

Publié le 14/11/2008 à 15:13

Gérez comme Obama

Publié le 14/11/2008 à 15:13

Par lesaffaires.com
Si le président désigné dirigeait votre entreprise, il serait un leader inspirant et un as du marketing.

Un pays en récession, une dette éléphantesque, un déficit commercial qui s'accroît, deux guerres à des milliers de kilomètres... La tâche qui attend Barack Obama, 44e président des États-Unis et premier Noir à occuper ce poste, est herculéenne. Impossible de prédire s'il saura bien gérer la plus puissante économie de la planète. Les attentes sont énormes et les risques d'échec, nombreux. En examinant attentivement le style de leadership de M. Obama et la façon dont il a géré sa campagne, il est toutefois possible d'en dégager quelques facteurs de succès transposables au domaine des affaires.
Quelles leçons de management peut-on tirer de la victoire de Barack Obama ? Nous avons posé la question à six experts en leadership et en stratégie. Voici leurs réponses, en cinq leçons.

1. Un leader inspirant
Barack Obama est un leader « transformationnel », croit Scott DeRue, professeur de leadership à la Stephen M. Ross School of Business de l'Université du Michigan. Ce style de leadership inspire les gens et les incite à donner le meilleur d'eux-mêmes. L'extra-ordinaire histoire personnelle de Barack Obama fascine. Son charisme, son authenticité et son talent d'orateur hors pair suscitent l'adhésion.

« Obama est un leader vrai », dit Arthur Porter, directeur du Centre universitaire de santé McGill, professeur de gestion aux universités du Tennessee et McGill et membre du Conseil privé du Canada.

La doyenne de l'École des sciences de la gestion de l'UQAM, Ginette Legault, a été frappée par sa « qualité d'écoute exceptionnelle » et sa très grande capacité à intégrer des idées et de prioriser ses actions. Scott DeRue rappelle son passé d'organisateur communautaire. « Les organisateurs communautaires n'ont pas de pouvoir direct, mais ils peuvent amener les gens à agir en leur donnant les outils pour se prendre en main. Ce ne sont pas des leaders autoritaires, mais des rassembleurs. » Avec ce genre de leader, le pouvoir, qui repose sur des valeurs communes, part de la base et remonte.

Verra-t-on ce nouveau style de leadership, que le gourou canadien du management Henry Mintzberg, professeur de gestion à McGill, appelle le « communityship », se répandre dans le milieu des affaires ? M. DeRue croit que oui. Arthur Porter ajoute : « Les États-Unis ont besoin de ce genre de leader actuellement et on devrait les retrouver aussi dans le milieu des affaires. »

2. Une grande maîtrise de soi
Au cours de sa campagne de deux ans, Barack Obama a été attaqué. Mais il n'a pas laissé ses émotions le dominer. Son tempérament calme et réservé - qui n'est pas incompatible avec la passion qui l'anime, souligne Arthur Porter - commande le respect. Il s'agit d'une qualité fort recherchée en temps de crise.

« Son calme permet à Barack Obama d'exercer son intelligence et son imagination, et d'être réceptif à l'intelligence et à l'imagination des autres, poursuit Laurent Lapierre, titulaire de la Chaire Pierre-Péladeau en leadership de HEC Montréal. Ainsi, il aura l'audace de remettre en cause les idées reçues et les façons de faire qu'on croit éprouvées, et même l'audace de penser l'impensable. »

3. Un message simple et clair
Change We Can Believe In : Barack Obama avait un message clair et constant. Il n'a pas changé durant la campagne, même s'il l'a adapté à quelques créneaux spécifiques (guerre en Irak, santé, etc.). « C'est ce qu'on dit toujours à nos clients en publicité, indique Justin Kingsley, président de la division BW de l'agence de publicité Bleublancrouge : « Tenez-vous-en à quelques points clairs et répétez-les. »

4. Une équipe composée des meilleurs
L'exécution, on le sait, n'est pas le seul facteur de succès pour une entreprise, mais sans elle, rien n'est possible. Or l'exécution de la campagne de M. Obama a été sans faille. Son équipe était compétente, solide et bien préparée, surtout après avoir goûté à une adversaire comme Hillary Clinton. Tout était planifié et réglé au quart de tour, constate Louis Hébert, professeur de stratégie à HEC Montréal. Barack Obama écoutait ses conseillers. Il a su s'entourer, recrutant un colistier non controversé et expérimenté qui compensait sa propre inexpérience en politique étrangère; ou encore un génie d'Internet, Chris Hughes, cofondateur de Facebook, avec qui fut montée « la campagne politique la plus puissante de l'ère Web 2.0 », selon M. Kingsley. Une campagne qui ne visait pas à battre son adversaire sur son terrain, mais à déplacer le jeu sur un autre terrain. « Barack Obama a réinventé le marketing politique », juge-t-il.

5. Un as du marketing et du Web 2.0
Ce n'est donc pas surprenant que Barack Obama ait été proclamé « Marketer of the Year » par la revue américaine Ad Age, la bible des annonceurs, à la suite d'un vote où il a devancé les marques Apple et Nike. « Obama est une marque qui s'est transformée en mouvement », opine Justin Kingsley. Le rêve de tout annonceur !

Parmi les leçons de marketing à retenir de ce succès, mentionnons le recours à Internet, qui a joué un rôle significatif, avec la création d'un site Web interactif et l'utilisation des réseaux sociaux, comme Facebook, YouTube et Twitter.

« En visitant my.barackobama.com, les internautes pouvaient s'approprier la marque à leur manière, signale M. Kingsley. Ils pouvaient faire un don, organiser un événement Obama dans leur communauté, se joindre au parti... »

C'est notamment grâce à Internet que sa campagne a attiré le plus grand nombre de bénévoles et les dons les plus élevés jamais enregistrés. En outre, le buzz créé autour de sa candidature a mené à toutes sortes d'initiatives non planifiées créant de la publicité gratuite pour Obama. « Internet est l'expression parfaite du style de leadership d'Obama : chacun a le pouvoir de créer ce en quoi il croit », explique Scott DeRue.

Y a-t-il des risques de dérapages avec ce genre de campagne très décentralisée, dans le style Web 2.0 ? Bien sûr...
Mais Justin Kingsley croit que « nous ne sommes plus, en marketing, à une époque où les consommateurs se concentrent sur les fonctionnalités d'un produit - et si les promesses n'ont pas été tenues, ils se fâchent ». Ce qui compte désormais, c'est la relation entre la marque et le consommateur.

« Regardez l'iPhone. On peut le dénigrer, car les piles ne durent pas assez longtemps. Mais les fans se concentrent sur le potentiel, l'image, l'esprit et les attributs de l'iPhone, comme le fait qu'on puisse s'en servir pour accorder sa guitare. Je crois que ce sera la même chose avec Obama. Il y aura des dérapages, des promesses non tenues, mais ce qui comptera, c'est la relation et les valeurs partagées avec ses partisans. Le visage du changement évoluera sûrement, mais la relation et l'esprit de la marque seront conservés. » Ou ne le seront pas, et ce sera l'échec.

Cet article a été publié dans le Journal Les Affaires le 15 novembre 2008.

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