"Gérer des créatifs, c'est leur fournir un environnement qui leur permet de s'exprimer"

Publié le 17/11/2008 à 15:33

"Gérer des créatifs, c'est leur fournir un environnement qui leur permet de s'exprimer"

Publié le 17/11/2008 à 15:33

Par lesaffaires.com
La concurrence dans le monde du jeu vidéo est aussi impitoyable que celle du monde qu'ils dépeignent. Tout change très vite. Les chefs de file du secteur aujourd'hui peuvent du jour au lendemain tomber au combat. Pour rester au palmarès des studios de production, il faut mener ses troupes en vrai leader. Yannis Mallat, pdg d'Ubisoft Montréal, en est bien conscient.

Entrevue

Journal Les Affaires - Quelles sont les principales qualités d'un leader dans le domaine si particulier du multimédia et du jeu vidéo ?

Yannis Mallat - Ce leader doit avoir une grande confiance en lui, une vision et une capacité à rassembler. Rassembler, c'est être à l'écoute, s'entourer et rallier les forces vives de l'entreprise à sa vision. Ces qualités, les leaders d'autres secteurs industriels se doivent aussi de les posséder.

JLA - L'industrie du multimédia et du jeu vidéo a ses particularités. Un leader de cette industrie ne doit-il pas avoir des capacités particulières ?

Y.M. - En effet. En plus des qualités que j'ai mentionnées, dans notre industrie, un leader doit être sensible au contenu, à l'innovation et à l'art. Il doit, de plus, comprendre les enjeux technologiques et être capable de gérer des métiers très différents, d'écouter et de faire face à des égos d'artiste, des gens passionnés qui ont quelque chose à exprimer.

JLA - Comment gérez-vous ces talents ?

Y.M. - Nous nous assurons de leur fournir un environnement qui permet à leur créativité de s'exprimer. Nous veillons à ce que nos créatifs disposent des meilleurs outils et des meilleurs procédés. Nous nous assurons également qu'ils développent par eux-mêmes le travail d'équipe. Enfin, pour décupler leur productivité, leur sentiment d'appartenance et le partage d'information, nous avons décidé de faire travailler nos équipes par projet, et ces équipes sont regroupées physiquement dans nos locaux.

JLA - Vous dites qu'un leader est quelqu'un qui a une vision. Quelle est la vôtre ?

Y.M. - Je dois veiller à ce que nos talents soient les meilleurs du monde. C'est un travail qui n'arrête jamais. Pour que nos employés soient ou demeurent les meilleurs, il faut qu'ils se frottent aux enjeux de demain. Un de ces enjeux est la convergence entre le cinéma et le jeu vidéo qui va créer de nouveaux types de contenus et d'expériences de divertissement. Demain, les consoles de nouvelle génération auront la capacité d'afficher en temps réel des images d'une qualité qu'on ne retrouve actuellement qu'au cinéma. À court terme, il s'agit que nos équipes apprennent et échangent avec le monde du cinéma.

JLA - On dit qu'un entrepreneur devient un bon leader grâce aux modèles qu'il a rencontrés. Vous avez vécu et travaillé sur trois continents, en Europe, en Afrique et en Amérique. Qu'avez-vous appris des leaders dont vous avez croisé le chemin ?

Y.M. - En Europe, il y a eu Daniel Harari, pdg du groupe Electra Systems, à l'époque où j'étais simple employé du service marketing chargé des bases de données. Ce qui m'avait épaté chez lui, c'était sa vision, si vaste qu'il aurait pû faire changer de métier à son entreprise. Il n'avait pas froid aux yeux, il voyait grand, seul gage pour avancer et croître. Une qualité que j'ai retrouvée chez Yves Guillemot [pdg du groupe Ubisoft].

En Côte d'Ivoire, j'étais travailleur humanitaire et j'ai aidé des propriétaires de plantations d'hévéas et de palmiers à huile à améliorer la productivité agricole. J'ai retenu du propriétaire d'une des plantations auxquelles j'ai travaillé l'impact de sa façon de communiquer, d'avoir toujours le mot juste pour rallier ses troupes.

JLA - Et en Amérique ?

Y.M. - Ici, je dirais Steve Jobs. Il est convaincu, donc convaincant. On ne peut parler de Steve Jobs et d'Apple sans parler de Bill Gates et de Microsoft. Microsoft s'évertue à s'intéresser au produit. Apple, elle, sous le leadership de Steve Jobs, s'intéresse aux gens. On me demandait récemment quelle était l'innovation technologique qui m'a marqué le plus. J'ai répondu le iMac, parce qu'on n'a pas l'impression de contempler le design, on vit le design. Pour moi, c'est une percée, car c'est un bénéfice consommateur très fort. Il n'y aurait pas eu de percée sans écoute des clients. Il faut les écouter et les comprendre. Steve Jobs sait le faire.

CV

Nom : Yannis Mallat

Âge : 34 ans

Titre : Pdg

Entreprise : Ubisoft Montréal

Il est depuis 2006 le grand manitou du plus important studio de développement de jeux vidéo de la française Ubisoft.

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