Une question me taraude depuis un bon bout de temps : où sont passés les génies ? Vous savez, les Einstein, Picasso et autres Céline ? Oui, ces personnes qui changent la donne dans leur domaine par leurs seules trouvailles ? J'ai beau regarder autour de moi, je ne vois rien. Rien du tout.
Est-ce à dire que le 21e siècle est placé sous de mauvais auspices ? Que nous entreprenons le déclin intellectuel de la société occidentale ? Ou encore, qu'il n'y a plus grand-chose à inventer de nos jours ? Non, bien sûr que non ! Car une réponse lumineuse à cette interrogation existentielle m'est venue lorsque j'ai rencontré Félix Marzell, 34 ans, cofondateur de Dix au carré, une firme montréalaise qui combine design et ingénierie. Comme vous allez le voir...
Dix au carré a vu le jour en 2012 et affiche déjà un beau tableau de chasse. C'est elle qui a, par exemple, conçu les accessoires du spectacle Psy de la troupe Les 7 doigts de la main, signé le design de la boutique de l'habilleur Clusier sur la rue Stanley, à Montréal, et installé en décembre dernier des sapins musicaux dans les rues du Plateau-Mont-Royal. «Le succès va grandissant. Pendant le week-end du Super Bowl, on a frappé un grand coup avec Moment Factory en faisant une projection d'image géante sur la facade du prestigieux magasin Macy's, à New York», a-t-il dit.
Tout est parti d'une rencontre. «David Barabé est mon partenaire. Lui, c'est l'ingénieur ; moi, le designer industriel. Tous les deux, nous voulions avoir, un jour, l'atelier de nos rêves. Et nous l'avons eu ! Maintenant, tous les jours, nous jouons ensemble, comme des gamins, le sourire aux lèvres. Et c'est ce qui fait que nos affaires marchent si bien», m'a-t-il expliqué.
Leur mission est simple : aider les autres à réaliser leurs idées les plus folles. «On nous a déjà demandé de trouver un truc pour permettre à un acteur d'entrer sur scène à toute vitesse, c'est-à-dire à 35 km/h. Ils avaient pensé à un ressort géant ou à une catapulte, mais c'était irréaliste, car trop dangereux. David et moi avons trouvé : une rampe de skate», m'a-t-il raconté, les yeux brillants.
De même, le musée Grévin désirait que les visiteurs montent à bord d'un bateau en marchant sur une planche qui bougeait, comme cela se produit dans la réalité. Le hic, c'était qu'il n'y avait pas de place pour installer un mécanisme faisant osciller la planche en fonction des pas de chaque visiteur. «Nous nous sommes enfermés dans un bureau et nous nous sommes jeté des idées comme on se jette une balle, David et moi. Quarante-cinq minutes plus tard, la solution était là : défoncer le plancher pour installer le mécanisme», m'a dit Félix Marzell.
Et voilà ! Dix au carré brille par sa créativité, parce que ses idées viennent à deux. Elle naît de l'échange perpétuel de «balles». «Nous n'avons même pas l'impression d'innover. Nous nous amusons. C'est tout», m'a-t-il confirmé.
D'où la réponse à mon interrogation : les génies solitaires d'hier sont aujourd'hui remplacés par des duos géniaux, seuls en mesure d'aller plus loin que ce qu'on connaît déjà. De fait, les exemples foisonnent. Je n'en citerai qu'un, évident : Larry Page et Sergueï Brin, les cofondateurs de Google.
Vous voulez innover comme jamais, à votre tour ? Alors, peut-être feriez-vous bien de trouver votre alter ego.
