Dominique Anglade et la falaise de verre des dirigeantes noires

Publié le 09/11/2022 à 08:25

Dominique Anglade et la falaise de verre des dirigeantes noires

Publié le 09/11/2022 à 08:25

Par Catherine Charron

«[Les femmes noires] travaillent pour mener à bien un projet, tout en représentant toute notre communauté. On n’a donc pas le droit à l’erreur», raconte la PDG d'Audace au Féminin, Dorothy Rhau.

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RHÉVEIL-MATIN. Lorsque Dominique Anglade a tiré sa révérence à la direction du Parti libéral du Québec le 7 novembre dernier, Dorothy Rhau, la PDG de l’organisme Audace au Féminin, n’a pu retenir ses larmes.

C’est qu’en plus de voir la première femme noire à diriger le Parti libéral du Québec quitter son poste, elle reconnaissait dans son parcours — comme beaucoup d’autres de sa communauté, dit-elle — les mêmes défis qui ont parsemé le sien: la parole coupée, un traitement différent, des microagressions répétées, le «mansplaining» et le «whitesplaining».

«Ça nous renvoie en tant que femme, surtout en tant que femme noire, l’image de ce qu’on vit au quotidien dans notre milieu, raconte l’ancienne humoriste d'origine haïtienne. On n’a pas donné la chance au coureur d’exercer pleinement son leadership. C’est ce qui arrive souvent aux femmes noires, on les projette dans des positions à gérer des projets pour lesquels personne ne se sent d’attaque.»

Ce phénomène a un nom: le «glass cliff», ou la «falaise de verre».

En 2005, les professeurs Michelle Ryan et Alex Haslam de l’Université d’Exeter en Angleterre ont démontré que les femmes sont plus souvent nommées à des postes de direction lorsque les organisations se trouvent dans une situation «risquée» ou «précaire».

Après avoir analysé les résultats des entreprises de l’indice FTSE 100, ils ont constaté que celles qui ont accueilli des femmes à leur conseil d’administration avaient enregistré davantage de mauvaises performances financières en amont que celles qui nommaient plutôt des hommes.

Dans un article publié en novembre 2022, et qu'a repartagé Dorothy Rhau, le magazine Fortune a collecté de nombreux témoignages de femmes noires qui, surtout depuis deux ans, sont catapultées au bord de falaise de verre. «Elles ont l’impossible tâche de réparer des cultures d’entreprises brisées», écrit-on dans le papier.

«Ce n’est déjà pas facile de percer le plafond de verre, mais une fois qu’on l'a cassé, le travail n’est pas fini, rapporte Dorothy Rhau. De nombreuses cadres me disent qu’elles sont épuisées, car elles travaillent pour mener à bien un projet, tout en représentant toute notre communauté. On n’a donc pas le droit à l’erreur, sinon […] oublie ça de voir une autre femme noire en position de pouvoir. [Leur organisation] va se dire “on l’a essayé, mais ça n’a pas fonctionné”.»

Le départ de Dominique Anglade est donc l’occasion de prendre un moment pour réfléchir à la place accordée aux femmes noires dans les postes de direction, a écrit la dirigeante de l’organisme à but non lucratif sur LinkedIn. «Est-ce possible de gravir les échelons et d'y exercer pleinement son leadership tout [en] étant protégée en tant que Femme Noire? Est-ce que la société (institutions, organisations…) est prête et bien outillée pour accueillir de manière bienveillante, une femme noire au pouvoir?»

Pour y parvenir, elles ne devraient pas y être promeut qu’en période de crise, indique la PDG de YR Media, Kyra Kyles dans l’article de Fortune. Leur énergie n'est alors pas consacrée à faire croître l’entreprise — ce à quoi s’attendent les investisseurs — mais plutôt à réparer les pots cassés.

Or, si c’est bel et bien pour ce rôle qu’elles sont sélectionnées, leur nouvelle organisation doit faire preuve de transparence et clairement indiquer quelle sera la charge de travail. Les ressources mises à sa disposition devraient aussi être à la hauteur du mandat qui leur est confié. Et ça passe aussi par le soutien psychologique adéquat.

Dorothy Rhau ajoute qu’il faut outiller les femmes noires, en suivant par exemple des formations données par Audace au féminin, dont c’est l’objectif premier.

De plus, elle encourage leur organisation à aller chercher des consultants ou des experts issus de leur communauté, pour les appuyer. «Des coachs, des psychologues organisationnels ou des stratèges de communication vont permettre aussi de changer le regard des autres employés en place».

Alors que les initiatives de promotion de diversité, d’équité et d’inclusion fusent de toute part, les entreprises doivent les prendre au sérieux, en y accordant par exemple davantage de moyens financiers pour éduquer et former ses employés. «On parle de transformation des cultures d’entreprise, il faut s’assurer que les gens en dehors des communautés y assistent aussi.»

Et ça passe aussi par une grande sensibilité aux souffrances que les femmes noires vivent en silence, estime Dorothy Rhau. «Il ne faut plus jouer à l’autruche.»

 

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