Deux employés pour le même poste, ou quand le travail se partage


Édition du 30 Août 2014

Deux employés pour le même poste, ou quand le travail se partage


Édition du 30 Août 2014

Par Olivier Schmouker

Keynes l'avait annoncé

«Travailler moins est la solution ultime au chômage», avait affirmé l'économiste américain John Maynard Keynes, dans une lettre adressée en 1945 au poète T.S. Eliot. Keynes faisait allusion à son essai intitulé «Perspectives économiques pour nos petits-enfants» datant de 1930, dans lequel il présentait ce à quoi ressemblerait notre quotidien aux alentours de 2030.

«Trois heures de travail par jour, pour un total de 15 heures par semaine, suffiront à assouvir nos besoins fondamentaux. Cela représentera la quantité de travail encore nécessaire à accomplir pour chacun de nous ; et nous nous arrangerons pour que le plus grand nombre puissent avoir leur part de travail», prédisait-il, en raison des progrès technologiques et de l'accumulation du capital à venir.

Une vision que partagera peu après le philosophe britannique Bertrand Russell : «Quatre heures de travail journalier seront, un beau jour, suffisantes pour nous assurer un niveau de vie confortable», écrivait-il dans un essai datant de 1932. «Le reste de la journée, nous pourrons peindre, écrire ou encore nous intéresser à la science», poursuivait-il.

Tous deux s'appuyaient sur une innovation managériale effectuée en 1926 par Henry Ford. Le constructeur avait décidé que ses employés ne travailleraient plus que cinq jours par semaine, au lieu de six, sans diminution de salaire. Pourquoi ? «Les expériences menées à l'interne montrent que les employés produisent tout autant en cinq qu'en six jours. Et qui sait si, dans le futur, il ne leur suffira pas de moins de journées de travail encore ?» avait écrit Henry Ford.

Un siècle plus tard, ces prévisions sont en train de prendre forme. «Les pays de l'OCDE affichent aujourd'hui une démographie vieillissante, ce qui les oblige à faire évoluer leur façon de travailler. Les jeunes tiennent à mieux concilier le travail et la vie privée. Simultanément, les baby-boomers craignent la coupure brutale de la retraite et souhaitent partir de manière progressive. La situation est donc idéale pour généraliser le partage de postes de travail», dit Diane-Gabrielle Tremblay.

Et la professeure à l'École des sciences de l'administration de la TÉLUQ d'ajouter : «Les freins ? Ils se trouvent surtout chez les entreprises. Les employeurs ont l'impression qu'il s'agit de caprices de la part de certains employés, de caprices qui leur compliqueraient la vie et risqueraient de leur coûter cher. Alors qu'en réalité, elles gagneraient clairement en productivité à embrasser le partage du travail».

Un exemple frappant : la Banque Royale du Canada (RBC), dont quelque 2 000 de ses 79 000 salariés recourent aujourd'hui à la formule de temps partagé. «Cela fait une vingtaine d'années que nous permettons aux employés de partager leur poste de travail avec d'autres. Et ce, parce que nous nous sommes rendu compte que c'était une situation gagnant-gagnant : les employés, heureux de pouvoir concilier travail et vie privée, sont nettement plus productifs», explique Norma Tombari, directrice, diversité globale, de la RBC, à Toronto. «De plus, les binômes ainsi formés sont plus efficaces que les individus seuls à leur poste, ne serait-ce que parce que les erreurs ont moins de chances de leur échapper», ajoute Giulia Vizioli, directrice, recrutement, Québec, de la RBC, à Montréal.

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