Des travailleurs obligés de dénoncer un collègue

Publié le 20/03/2010 à 00:00

Des travailleurs obligés de dénoncer un collègue

Publié le 20/03/2010 à 00:00

Une entreprise peut imposer à ses employés l'obligation de dénoncer les problèmes de drogue ou d'alcool d'un collègue de travail pour les postes critiques à sa sécurité.

Cette obligation, en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne, est contenue dans la décision de l'arbitre Jean-Pierre Lussier, rendue le 2 décembre dernier, dans l'affaire Shell Canada c. Travailleurs unis du pétrole du Canada.

Les postes critiques à la sécurité d'une entreprise sont ceux où tout incident résultant de l'intoxication du titulaire du poste peut causer des blessures importantes à ce dernier et à ceux qui l'entourent. Comme les chauffeurs d'autobus, les pompiers et les policiers, les travailleurs de raffineries, les opérateurs de machinerie lourde, les pilotes d'avions, les conducteurs de chariots élévateurs et bien d'autres.

En principe, explique Me François Côté, avocat chez Ogilvy Renault, qui représentait Shell dans cette cause, l'obligation de dénoncer n'existe ni en droit criminel ni en droit civil. Mais il existe en droit du travail une obligation de loyauté envers l'employeur que certains ont pu assimiler à l'obligation de dénoncer un collègue. Cependant, les tribunaux ont décidé que cette obligation pour les employés non cadres de dénoncer un collègue n'est pas souhaitable car elle menacerait la paix industrielle.

Protéger la santé et l'intégrité physique

Par ailleurs, l'article 49 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail parle de " prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique " (49.2) et de " participer à l'identification et à l'élimination des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles sur le lieu de travail " (49.5).

" Certains ont cru que l'article 49 pouvait aller jusqu'à obliger de dénoncer un collègue qui met sa sécurité et celle des autres en jeu. Mais il n'y a pas de décision concluante à ce sujet ", dit M. Côté.

La cause Shell

En 2005, la pétrolière Shell a instauré une politique dans ses installations au Canada qui comprenait l'obligation de dénoncer les collègues qui ont des problèmes de consommation de drogues, d'alcool ou de médicaments.

Le syndicat des Travailleurs unis du pétrole du Canada a choisi de contester cette mesure au Québec, en raison du droit à la vie privée compris dans la Charte québécoise, dit M. Côté. Contrairement aux lois qui régissent les autres provinces, la Charte québécoise protège ce droit.

Or l'arbitre Lussier, a décidé qu'il est raisonnable d'imposer l'obligation de dénoncer un collègue compte tenu des conséquences de certains gestes posés par les travailleurs. Par conséquent, un travailleur pourrait faire l'objet de mesures disciplinaires s'il ne dénonce pas un collègue qui se présente au travail sous l'effet de la drogue, de l'alcool ou de médicaments, qu'il y ait eu accident ou non.

La décision de M. Lussier est importante : " C'est la première fois qu'un arbitre déclare clairement que le modèle canadien en matière de drogue et d'alcool, une jurisprudence unanimement suivie dans le reste du Canada, s'applique au Québec malgré la Charte québécoise ", affirme M. Côté. Ce modèle a été établi au début des années 2000 dans une cause impliquant le Canadien National.

" Je ne suis pas surpris de cette décision, dit Me André Royer, associé et chef du service du groupe Droit du travail et de l'emploi de Borden Ladner Gervais. Elle s'inscrit tout à fait dans l'esprit de l'article 49.5 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. "

" Il n'y a pas beaucoup de décision arbitrale dans ce domaine, explique Me Christian Létourneau, avocat chez Fraser Milner Casgrain. La décision de l'arbitre Lussier vient rappeler un principe qui existait déjà, mais qui était peu connu. "

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