Entrevue

Le responsable des ressources humaines de l'avionneur québécois explique la stratégie de son groupe en matière de relève.

Journal Les Affaires - Comment Bombardier a-t-elle développé ses valeurs de leadership ?

John Paul Macdonald - Nous avons commencé ce processus il y a quelques années à la division Aéronautique, dirigée alors par Pierre Beaudoin [aujourd'hui grand patron de Bombardier]. Ce dernier a fait un sondage pour mesurer l'engagement des employés envers l'entreprise. Ce n'est pas une mesure théorique, c'est concret : chaque chef d'unité ou de département doit atteindre un "certain taux d'engagement" pour obtenir une partie des primes annuelles.

JLA - Quel engagement mesure-t-on au juste avec ce type de sondage ?

J.P.M. - Par exemple, on examine si les employés connaissent la mission et les valeurs de l'entreprise sur le plan du leadership, consistant à privilégier la personne, travailler en équipe, avoir la passion de la réussite et être stimulé par l'atteinte des résultats.

JLA - Et comment faites-vous pour transmettre ces valeurs à vos employés dans le monde ? Pouvez-vous nous donner un exemple concret ?

J.P.M. - Dans la division transport, la grande majorité de nos employés se trouvent en Europe. Ce n'est pas toujours évident, car la culture de nos employés européens diffère de celle de notre personnel en Amérique du Nord. Par exemple, en Allemagne, il est impensable de présenter un programme de leadership sans passer par des comités paritaires très puissants, plus forts que les syndicats eux-mêmes ! Ce sont des organisations qui regroupent des gestionnaires et des travailleurs syndiqués. On ne peut tout simplement pas convoquer 4 000 employés dans une usine et leur dire : "Eh bien, à partir d'aujourd'hui, voici les valeurs de leadership à suivre... Instaurer une culture d'entreprise est un processus complexe qui prend du temps.

JLA - Avez-vous pris des mesures pour accélérer la transmission de vos valeurs ?

J.P.M. - Oui, nous avons des stratégies. Par exemple, nous avons des employés belges, allemand et français qui viennent travailler au Canada. C'est bien, mais nous pourrions faire mieux. À vrai dire, nous faisons ce genre d'échanges quand les circonstances l'exigent. Nous n'avons pas encore pour l'instant de programme proactif qui organiserait systématiquement des échanges internationaux dans l'entreprise.

JLA - Dans quel pays est-il plus difficile de véhiculer vos valeurs de leadership ?

J.P.M. - La Chine représente tout un défi. Tout est tellement centralisé dans ce pays ! De plus, c'est une culture où les relations humaines sont très formelles.

JLA - À quelle problématique faites-vous face là-bas ?

J.P.M. - En Amérique du Nord, nous sensibilisons nos leaders à l'influence qu'ils peuvent avoir, par leur attitude quotidienne, sur le moral de leurs employés. Si le patron est de mauvaise humeur, certains de ses employés auront une mauvaise journée. Nos leaders doivent donc avoir une certaine empathie avec leur personnel, mais sans être non plus jovialistes : si un leader veut transmettre son énergie positive aux autres, il doit garder un certain équilibre. Imaginez ce type de situation en Chine ! On réussit, mais c'est tout un contrat.

JLA - Quels sont alors vos trucs ?

J.P.M. - Une des stratégies est d'embaucher des gestionnaires locaux. En Chine, depuis longtemps, le président de notre exploitation est un Chinois. Les employés locaux comprennent mieux les enjeux.

CV

Nom: John Paul Macdonald

Âge: 50 ans

Titre : Vice-président principal, ressources humaines et affaires publiques

Entreprise: Bombardier

Avant d'entrer chez Bombardier, en 2002, il a été, entre autres, responsable des affaires générales chez Molson et chez Quebecor.

Cet article a été publié dans le Journal Les Affaires le 29 novembre 2008.