" Il faut déceler les problèmes avant qu'ils s'aggravent "

Publié le 18/07/2009 à 00:00

" Il faut déceler les problèmes avant qu'ils s'aggravent "

Publié le 18/07/2009 à 00:00

On ne saurait imaginer leadership plus emblématique que celui du maître de piste. Son évocation suffit à faire surgir à l'esprit l'image d'un fringant capitaine dirigeant une ménagerie d'animaux et d'humains, domptant le chaos de quelques claquements de fouet bien sentis.

Historiquement, il fallait trimer dur pour accéder à ce poste; quand il n'était pas propriétaire du cirque, le maître de piste était le chef instructeur de l'équipe équestre.

Chuck Wagner, qui anime la 138e édition du cirque Ringling Bros. and Barnum & Bailey, n'est rien de tout cela. Il s'inscrit dans une nouvelle lignée de maîtres de piste et se présente comme une vedette du théâtre musical venue ajouter au cirque un peu du faste de Broadway.

Les gestionnaires peuvent sûrement tirer quelques leçons en voyant comment M. Wagner préserve l'équilibre entre la tradition et le renouveau du cirque. Julia Kirby, rédactrice en chef aux dossiers spéciaux de la Harvard Business Review, s'est entretenue avec lui à bord du train qui transportait le cirque de Portland à Seattle.

Harvard Business Review Tout le monde sait ce qu'est un maître de piste, mais quelles sont en fait les exigences d'une telle fonction ? Quelles doivent être les compétences d'un maître de piste ?

Chuck Wagner - Jadis, le maître de piste n'avait pas grand-chose à faire. Son boulot se résumait à celui d'une fille de ring lors d'un combat de boxe, un type qui annonçait le prochain numéro.

Comme je suis issu de Broadway, je suis ici pour ajouter un peu de magie au spectacle. Je fais beaucoup plus de numéros de chant que d'autres maîtres de piste.

Je dois être en mesure de diriger l'attention du public sur les bons détails. N'importe quel acteur vous dira que, pour toucher le public, il faut aussi de l'émotion, un réel enthousiasme et de l'énergie.

Vous ne pouvez perdre le fil pendant l'exécution d'un numéro, peu importe le nombre de fois que vous l'avez vu. Si quelque chose dérape, tous les yeux se tournent vers le maître de piste, qui doit alors participer à l'enchaînement de la suite.

HBR - Est-ce que cela est arrivé depuis que vous êtes en poste ? Que faites-vous quand quelque chose ne va pas ?

C.W. - Nous avons des plans d'urgence et ils couvrent à peu près tout ce qui est susceptible de se produire. Si un pépin survient, la communication s'établit rapidement entre le directeur de la production, le metteur en scène et moi. La chose la plus importante à faire est d'abord de déceler le problème avant qu'il ne s'aggrave.

HBR - Après tant d'années au théâtre, le passage au cirque s'est-il avéré une transition difficile ?

C.W. - Partir en tournée au pays avec un cirque ou avec une troupe théâtrale, c'est à peu près pareil, bien que je n'avais jamais voyagé avant en compagnie d'éléphants. C'est l'occasion rêvée de jouer pour chaque spectateur. Quand les acteurs disent qu'ils jouent pour toucher chaque spectateur au théâtre, il s'agit d'émouvoir 2 000 ou 3 000 personnes. C'est un défi réaliste.

Quand nous jouons dans des lieux comme le Madison Square Garden ou à Salt Lake City, nous attirons 20 000 spectateurs à chaque représentation. Cela modifie l'échelle de façon exponentielle; c'est comme jouer au Colisée, à Rome, et notre jeu doit être aussi ample.

HBR - Que se passe-t-il après la soirée ? Quand le spectacle est terminé, est-ce la fin de votre journée de travail ou bien votre fonction de maître de piste comporte-t-elle d'autres tâches ?

C.W. - Je participe au montage et au démontage des installations. J'aime faire marcher l'éléphant. Mais ce ne sont pas là des tâches qui m'incombent personnellement, ça fait partie de ce qu'on appelle la " tarte aux cerises ", une expression utilisée dans le monde du cirque pour désigner les tâches informelles à laquelle les artistes peuvent participer afin de toucher un petit supplément.

HBR - Est-ce que votre participation à ces tâches contribue à faire tomber les barrières entre vous et le personnel de scène ?

C.W. Absolument. Ça nous rassemble. C'est bon pour le moral. Nous avons l'impression de faire partie de la même équipe. Ce qu'il y a de beau dans le cirque, c'est le fait que chaque rouage de la machine est essentiel.

HBR - Une fois le spectacle terminé, vous restez en compagnie de vos collègues. Votre rôle de maître de piste vous confère-t-il une sorte de leadership hors du chapiteau ?

C.W. Dans une certaine mesure. J'essaie vraiment de dégager une impression de professionnalisme et de confiance, pas seulement sur scène, mais aussi au quotidien à bord du train.

Vous savez, il y a des jeunes des quatre coins du monde qui travaillent au cirque et, parfois, ils se mettent à chahuter ou à faire la fête. Ils ont 20 ans.

Chaque ville où nous nous arrêtons nous accueille comme des ambassadeurs. Nous sommes là pour offrir un bon divertissement familial. Il est donc important qu'il se dégage de nous une énergie positive, que l'on soit en piste ou à bord du métro.

HBR - L'idée même de tout abandonner pour se joindre à un cirque a quelque chose de mythique. Cela réside sûrement dans cette riche combinaison de vie en tournée et d'environnement social exotique.

C.W. - Nous sommes les Nations unies du divertissement. Il y a parmi nous des gens qui viennent de Chine, de Russie et d'Amérique du Sud. Notre recruteur, Tim Holst, ainsi que les propriétaires du cirque, Nicole et Ken Feld, sont toujours à la quête de talents.

HBR - OEuvrer au sein d'une institution aussi ancrée dans l'histoire doit vous donner l'impression qu'il y a toute une tradition à entretenir.

C.W. - En signant mon contrat, je suis devenu responsable non seulement envers Feld & Feld Entertainment, mais aussi envers l'esprit des frères Ringling, de P.T. Barnum et de M. Bailey.

J'essaie de canaliser l'esprit de P.T. Barnum, qui ne buvait jamais une goutte et était le type même de l'Américain en santé. Il chérissait deux philosophies que j'adore. La première consistait à toujours en donner plus pour leur argent aux clients; la seconde stipulait que toute transaction doit être gagnante-gagnante.

HBR - Terminons cet entretien avec quelque chose qui ne changera jamais, c'est-à-dire la phrase d'ouverture : " Bienvenue au plus grand spectacle sur terre. " Vous la dites si bien.

C.W. - La prononcer est un véritable plaisir. Mais au tout début de la 136e édition, on m'a demandé de dire : " Mesdames et messieurs, garçons et filles, et enfants de tout âge... " J'ai pensé qu'il fallait en vérifier la portée. Il s'est avéré que la phrase d'ouverture ne comportait pas ces mots au milieu qui modifiaient vraiment le sens original. Nous sommes donc revenus à " Mesdames et messieurs, enfants de tout âge, bienvenue au plus grand spectacle sur terre ".

HBR - Avez-vous vérifié ?

C.W. - Oui. Je voulais être sûr que nous faisions les choses comme il se doit.

( CV )

Nom : Chuck Wagner

Âge: 51 ans

Titre: Maître de piste

Entreprise: Feld & Feld Entertainment

> Celui qui anime la 138e édition du cirque Ringling Bros. and Barnum & Bailey n'a rien d'un maître de piste traditionnel. Il a plutôt fait ses classes sur les planches de Broadway.

Les entrevues

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La période estivale est le moment idéal pour considérer de nouvelles idées en matière de gestion. Pour ouvrir des pistes de réflexion, voici une série d'entrevues avec des personnalités internationales du monde des affaires, réalisées par l'équipe de la Harvard Business Review.

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