Entrevue n°184: Whitney Johnson, cofondatrice de Rose Park Advisors


Édition du 14 Décembre 2013

Entrevue n°184: Whitney Johnson, cofondatrice de Rose Park Advisors


Édition du 14 Décembre 2013

Par Diane Bérard

Whitney Johnson, cofondatrice de Rose Park Advisors

L'Américaine Whitney Johnson s'est réinventée quatre fois. Diplômée en musique, elle fut courtière, analyste, entrepreneure puis auteure et conférencière. Classée parmi les 54 penseurs à suivre selon Business Insider, Whitney Johnson a cofondé Rose Park Advisors, le premier fonds qui investit dans les innovations disruptives. L'innovation disruptive est une innovation qui s'adresse à un marché marginal et qui finit par bouleverser le marché principal.

Diane Bérard - En 2007, vous avez cofondé Rose Park Advisors, le premier fonds qui investit uniquement dans les entreprises pratiquant l'innovation disruptive. Comment les identifiez-vous ?

Whitney Johnson - Netflix pratique l'innovation disruptive. Skype aussi. L'innovation disruptive se produit généralement dans les marchés marginaux, là où les concurrents ne voient pas un profit suffisant. À ses débuts, Skype visait le marché des étudiants qui n'ont pas les moyens de payer l'interurbain. La communication était de piètre qualité, mais les étudiants s'en fichaient. Les télécoms traditionnelles ont laissé aller, jugeant ce segment de consommateurs peu intéressant. Même apathie de la part des libraires lorsque Amazon s'est mise à vendre des livres en ligne. On connaît la suite.

D.B. - Comment une entreprise en vient-elle à élaborer une innovation disruptive ?

W.J. - Les entreprises qui y arrivent savent que les consommateurs n'achètent pas des produits, ils comblent des besoins. L'innovation disruptive met le doigt sur un besoin inassouvi chez un petit groupe. Une fois commercialisée, cette innovation soulève souvent l'intérêt d'un public plus vaste.

D.B. - On ne trouve pas des Skype et des Netflix à tous les coins de rue...

W.J. - On en trouve de plus en plus. Dans notre univers numérique, le rythme de lancement et d'adoption des innovations disruptives s'accélère. Tout comme le rythme auquel celles-ci doivent être renouvelées.

D.B. - Vous préférez l'entreprise qui prend un risque de marché à celle qui prend un risque concurrentiel. Expliquez-nous.

W.J. - La taille d'un marché s'évalue facilement. Prédire le comportement d'un concurrent s'avère plus périlleux. Je préfère une entreprise qui comble un besoin inassouvi à une autre qui prétend qu'elle fera mieux que la concurrence établie. Comment peut-elle savoir ce qui se trame chez ses concurrents ?

D.B. - Les innovations disruptives peuvent effrayer la direction. Comment les rendre moins intimidantes pour les faire accepter ?

W.J. - Bâtissez-leur un «parachute» pour rassurer vos patrons. Cela exige trois types d'interventions. D'abord, traduisez votre idée dans la langue de votre interlocuteur. Parle-t-il finance ? Marketing ? Ensuite, socialisez votre idée. Ne jouez pas à David contre Goliath. Voyez la chose sous l'angle de la communauté. Votre innovation profitera à toute l'entreprise, présentez-la ainsi. Enfin, démontrez vos compétences. Vous savez de quoi vous parlez, vous avez ce qu'il faut pour mener ce projet à terme.

D.B. - Une entreprise peut-elle voir venir la perturbation ?

W.J. - Oui, à condition de se demander si le produit ou le service qu'elle vend comble toujours le besoin du client. Prenez le BlackBerry. Créé comme un outil de communication et un agenda, il ne convenait plus au désir des consommateurs de traîner un petit ordinateur dans leur poche. Les clients avaient dépassé le produit.

D.B. - Vous êtes vous-même une championne de la perturbation. Combien de fois vous êtes-vous réinventée ?

W.J. - Aussi souvent que nécessaire. J'ai étudié en musique. Puis j'ai suivi mon mari à New York. Là-bas, il a bien fallu que je travaille. L'employeur le plus naturel était Wall Street. Comme je ne connaissais rien à la finance, je suis entrée chez Merrill Lynch comme secrétaire. J'entendais parler les courtiers toute la journée, ça m'a donné envie d'essayer. J'ai suivi le cours et j'ai changé de service. Alors que tout allait pour le mieux, j'ai quitté ce poste pour devenir analyste. Personne ne fait ça, c'est vu comme une rétrogradation. Mon instinct me disait que ce serait positif. J'ai eu raison. Je suis devenue l'une des meilleures analystes du monde pour le secteur des médias. Puis, quand tout allait bien, j'ai laissé tomber pour me lancer en affaires.

D.B. - Vous avez fondé Rose Park Investment avec Clayton Christensen, le père du concept de l'innovation disruptive. Comment l'avez-vous rencontré ?

W.J. - Nous étions tous deux bénévoles pour l'église mormone de Boston. Nous avons d'abord fait connaissance par le biais de nos valeurs.

D.B. - Vous avez quitté Rose Park Investment en 2012. Que faites-vous maintenant ?

W.J. - Chez Merril Lynch et chez Rose Park, j'investissais dans des titres. Maintenant, j'investis dans les gens. J'ai publié le livre Dare Dream Do pour inciter les lecteurs à oser passer à l'action.

D.B. - L'une de vos règles d'or est «quoi qu'il arrive, présentez-vous !». Expliquez-nous.

W.J. - On parle toujours de l'importance de ne pas abandonner, mais qu'en est-il de celle de se présenter ? Ne pas abandonner peut supposer une attitude passive : je suis là, je ne bougerai pas, j'attends. Se présenter signifie énoncer ce que l'on désire. C'est quitter une entrevue d'embauche en disant : «J'ai les compétences requises, je veux cet emploi .»

D.B. - Le magazine Inc et le Huffington Post vous ont classée parmi les personnalités à suivre sur Twitter. Avez-vous des conseils à donner aux personnes qui désirent optimiser leur présence sur Twitter ?

W.J. - Manifestez-vous au moins une fois par jour. Ne vous contentez pas de partager de l'information, amorcez une conversation. Ne vous contentez pas de vous faire adopter, suivez les autres aussi. En moyenne, vous devriez suivre un nouveau tweetonaute chaque fois que vous en gagnez deux.

D.B. - On vante vos idées originales. Comment vous viennent-elles ?

W.J. - Une pensée originale naît lorsqu'on crée des liens entre des idées en apparence disparates ou lorsqu'on les organise différemment. Du coup, cela change votre vision du monde et vous force à considérer un autre point de vue.

D.B. - Vous êtes sceptique devant la tendance des entreprises et de leurs dirigeants à vouloir «faire le bien». Pourquoi ?

W.J. - Je me demande si, pour certains, faire le bien ne remplace pas être une bonne personne. Travaillons donc à être de bonnes personnes, les gestes positifs suivront. L'effet sera plus durable. L'inverse n'est pas nécessairement vrai.

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