Entrevue n°134: Jaspar Roos, chef de l'inspiration, Abn Amro

Publié le 01/12/2012 à 00:00

Entrevue n°134: Jaspar Roos, chef de l'inspiration, Abn Amro

Publié le 01/12/2012 à 00:00

Par Diane Bérard

Jaspar Roos, chef de l'inspiration, Abn Amro

Le nééerlandais Jaspar Roos est un banquier chasseur de tendances, une espèce rare. Nommé chef de l'inspiration de la banque ABN AMRO en 2007, il trouve la sienne en multipliant les rencontres dans tous les univers. À 36 ans, il a été président du World Future Trends Summit 2012, et il est membre du comité organisateur du European Startup Award, notamment.

Diane Bérard - Vous êtes «chef de l'inspiration» chez ABN AMRO. Vous inspirez qui ? À faire quoi ?

JASPAR ROOS - Mon équipe a pour mission de penser et de dessiner la banque de l'avenir. Nous sommes liés au bureau-chef d'ABN AMRO à Amsterdam. Nos projets, je les présente directement au conseil d'administration de la banque.

D.B. - Le 24 mai, vous avez convaincu ABN AMRO de devenir la première institution financière à lancer une plateforme de financement participatif (crowdfunding), Seeds. Cela relève- t-il vraiment du mandat des banques ?

J.R. - La question ne se pose pas. Nous n'allons tout de même pas mépriser nos nouveaux concurrents comme le font les sociétés de télécoms qui se sont exclamées «mais qui est cette start-up imbécile venue des pays baltes [Skype] qui vient déranger notre modèle d'entreprise ?» Parmi nos clients, certains désirent investir dans des entreprises qui pratiquent le capitalisme social, qui veulent faire de l'argent mais qui se soucient aussi de leur impact sur la société. Ces entreprises attirent les investisseurs qui veulent des rendements financiers, mais aussi des rendements émotifs. Pourquoi ne pas les satisfaire plutôt que de les laisser trouver leur bonheur ailleurs ? Nous leur offrons des outils de placements traditionnels, bien sûr, mais nous proposons aussi d'autres possibilités.

D.B. - Six mois après son lancement, où en est le projet Seeds ?

J.R. - Pour l'instant, notre plateforme comporte six entreprises. Le financement demandé varie de 25 600 à 192 000 $. On y trouve, par exemple, Yummm Concepts, qui propose des collations sucrées qui ne créent pas de dépendance chez le consommateur, parce qu'elles sont à base de légumes. Nos clients qui choisissent de financer Yummm adhèrent à une certaine vision de l'alimentation. Ils financent cette entreprise pour contribuer à sa mission sociale, ce qui ne les empêche pas de viser aussi le rendement. Tous les projets Seeds répondent aux mêmes critères : un rendement de 150 % sur une période de 10 ans et une valeur de 50 % de l'investissement accordée en extras. Il peut s'agir d'une invitation VIP au lancement du produit, d'un échantillon du produit ou du service, etc. À ce jour, 60 % des entreprises Seeds ont recueilli tout le financement qu'elles demandaient.

D.B. - Quelle est la prochaine étape ?

J.R. - La direction d'ABN AMRO se demande s'il faut transformer ce projet-pilote en un service régulier. Seeds comble le fossé entre le financement par les proches et le financement traditionnel. Les entreprises cibles n'ont pas accès à un prêt traditionnel. Elles n'ont pas de passé, pas de garanties à offrir. Mais elles jouent un rôle social qui attire de plus en plus d'entrepreneurs. Il y a cinq ans, tous les jeunes rêvaient d'être le prochain Mark Zuckerberg. Aujourd'hui, ils s'inspirent plutôt de Daniel Epstein, fondateur du Unreasonable Institute de Boulder, au Colorado. Il s'agit d'un incubateur pour les entreprises sociales qui visent le profit. On y conjugue deux univers, comme une banque qui lance une plateforme de financement participatif.

D.B. - Vous refusez toute vision préconçue du rôle d'une banque et des services qu'elle doit offrir. Jusqu'où poussez-vous la remise en question ?

J.R. - Je ne m'impose aucune limite. Toutes mes questions commencent par : «Et si une banque...» Par exemple : «Et si votre banque protégait votre réputation au lieu de votre argent ?» Après tout, dans le monde numérique, la réputation vaut son pesant d'or. Combien seriez-vous prêt à payer pour vous assurer contre le vol d'identité ? Nous pourrions vous offrir ce service. Nous sommes les mieux placés pour le faire. La somme et la nature des données personnelles que nous traitons nous force à maintenir nos systèmes de sécurité à la fine pointe plus que tout autre secteur.

D.B. - Vous estimez que le site américain de location d'appartements airbnb remet en question certains services bancaires. Expliquez-nous.

J.R. - Nous vendons des hypothèques que nos clients remboursent à l'aide de paiements réguliers jusqu'à l'échéance de leur terme. Si un nombre suffisant de clients se mettent à louer leur maison de façon régulière, il faudra songer à revoir le concept d'hypothèque. Peut-être devrons-nous lier le remboursement aux revenus tirés de la location de la maison ? La consommation collaborative semble un phénomène durable. On possède moins, on partage plus. Les autos, les maisons... Adapter nos hypothèques à cette réalité, c'est transformer une tendance en modèle commercial.

D.B. - Comment faites-vous pour convaincre votre CA de soutenir vos projets audacieux ?

J.R. - Je suis comme Harry Potter, j'ai un don [rires]. Harry parle le fourchelangue, la langue des serpents. Il les comprend et peut communiquer avec eux. Lorsque je m'adresse au conseil, je change mes mots et mon message pour ne pas effrayer les administrateurs. Par exemple, je n'emploierai jamais l'expression «consommation collaborative» devant eux pour évoquer l'effet airbnbn. Je vais plutôt leur dire que 20% des nuitées des voyageurs sont maintenant captées par airbnb. Ces nuitées sont enlevées à nos clients du secteur hôtelier. Airbnb et les autres sites du genres remettent en question le modèle d'entreprise des hôtels. Mon conseil le comprend. Plutôt que d'évoquer des tendances, je chiffre les conséquences financières de celles-ci pour notre institution.

D.B. - Toutes les entreprises explorent les promesses de la mobilité. Vous en êtes déjà à l'après-mobilité...

J.R. - Il y a 50 ans, on utilisait des chèques de voyages. Il y a 15 ans, du plastique. Aujourd'hui, on paie avec son téléphone. Mais moi, ça m'embête d'avoir à m'inquiéter de mon téléphone. Je ne suis certainement pas seul à penser ainsi. Un téléphone, c'est encombrant. Et puis, si je le perds, je ne suis plus rien [rires]. Il faut trouver mieux. On a réglé ce problème avec le courriel. Où que vous soyez, vous avez accès à votre compte Gmail ou Hotmail. Un jour, nous paierons sans téléphone. Peut-être porterons tous une «bague financière WiFi» ? Je réfléchis...

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