La divulgation financière au secours de la planète


Édition du 28 Janvier 2017

La divulgation financière au secours de la planète


Édition du 28 Janvier 2017

Par Robert Dutton

[Photo : 123RF/Aleksandr Elesin]

Au moment où le nouveau président Trump continue de prétendre que l'enjeu climatique n'est qu'une fausseté ourdie par les Chinois, une démarche porteuse continue d'avancer dans une relative discrétion, animée par le Conseil de stabilité financière du G20 (Financial Stability Board).

Cette démarche n'est pas le fait de militants écologistes déconnectés de l'économie, mais de gens d'affaires connus pour leur pragmatisme : le Groupe de travail pour la divulgation financière reliée au climat (Task Force on Climate- Related Financial Disclosures, ou TCFD), dirigé par le milliardaire et ex-maire de New York, Michael Bloomberg.

Le TCFD a été créé à l'automne 2015 à l'initiative du Canadien Mark Carney, gouverneur de la Banque d'Angleterre, mais aussi président du Conseil de stabilité financière. En septembre 2015, devant un auditoire d'assureurs en habit de soirée réunis chez Lloyd's, Mark Carney a prononcé un discours dépassant les mondanités. Il leur a présenté le concept de la «tragédie de l'horizon» - tragédie émanant du fait que la majeure partie de l'impact du changement climatique se concrétisera au-delà des horizons de planification de tous les décideurs - à savoir au-delà du cycle économique, au-delà du cycle politique, et même au-delà de l'horizon des autorités technocratiques. Par conséquent, expliqua-t-il à son auditoire, quand l'impact sera assez rapproché pour exiger des actions concrètes de ces décideurs, il sera déjà trop tard.

On gère mieux ce qu'on mesure

Pour faire face à cette «tragédie de l'horizon», Mark Carney propose d'inciter les entreprises, tous secteurs confondus, à analyser et à divulguer leurs risques (et occasions, car il y en a) associés au changement climatique et à la transition vers une économie sobre en carbone. L'idée sous- jacente est que la mesure et la divulgation des risques seront prises en compte par les analystes et les investisseurs, afin que «les marchés financiers puissent faire ce qu'ils font le mieux : allouer le capital pour gérer le risque et saisir les nouvelles occasions». Reconnaissant l'existence de plusieurs initiatives de divulgation de risques environnementaux, Mark Carney insiste toutefois sur la nécessité d'un effort concerté et coordonné à l'échelle mondiale.

Le Conseil de la stabilité financière a donc confié à Michael Bloomberg la tâche de diriger un groupe chargé de faire des recommandations en ce sens. Ce groupe a publié ses recommandations le 14 décembre dernier.

Ce rapport tient pour acquis l'objectif de COP21 de limiter à 2°C l'écart de la température moyenne par rapport à l'ère préindustrielle. Il détermine de nombreux risques qui sont bien réels, mais reçoivent pour l'instant peu d'attention dans la divulgation financière des entreprises : il y a les risques physiques les plus évidents, comme les conséquences des variations extrêmes de température, des changements dans les précipitations ou dans les températures moyennes. Il y a ensuite des risques de transition, par exemple :

- la hausse progressive du prix ou du coût fiscal des émissions de carbone ;

- l'obsolescence accélérée de produits remplacés par des substituts sobres en carbone ;

- les risques réputationnels et les problèmes d'acceptabilité sociale associés ;

- une hausse du coût des matières premières découlant de normes environnementales plus exigeantes ;

- le coût des investissements dans de nouvelles technologies plus sobres en carbone, etc.

Ces risques peuvent avoir un impact sur les flux financiers des entreprises ou sur la valeur de leur actif : des réserves de ressources fossiles peuvent être dévaluées, comme ce peut être le cas de la propriété intellectuelle.

En revanche, le rapport Bloomberg cerne également de nombreuses possibilités, notamment :

- des économies associées à l'adoption de modes de transport plus efficaces ou de nouvelles sources d'énergie dans les procédés ;

- le développement de nouveaux produits et services à émissions réduites ;

- la création d'avantages concurrentiels associés aux préoccupations des consommateurs pour l'environnement, etc.

De la gouvernance aux cibles

Le rapport Bloomberg recommande un périmètre de divulgation qui s'articule sur quatre grandes préoccupations :

- la gouvernance (rôles et responsabilités respectifs du conseil et de la direction en matière de risques et d'occasions liés au climat) ;

- la stratégie (la définition des risques et des possibilités à court, moyen et long terme, ainsi que de leur impact sur les affaires de l'entreprise) ;

- la gestion des risques (les procédés de définition et de gestion des risques liés au climat, et l'intégration desdits procédés dans la gestion de l'ensemble des risques de l'organisation) ;

- la mesure et les cibles en matière de risques et possibilités liés au climat, y compris les émissions de GES.

Le rapport a déjà reçu l'appui de 35 entreprises et organismes internationaux majeurs, depuis Air Liquide jusqu'à Unilever, en passant par l'Office d'investissement du RPC et - oui ! - la Banque industrielle et commerciale de Chine, la plus grande banque du monde. Des sociétés minières comme BHP Billiton, des sociétés industrielles comme Daimler ou Dow Chemicals, des gestionnaires de fonds comme BlackRock ont publiquement appuyé les recommandations du groupe Bloomberg. Les quatre grands cabinets comptables internationaux (Deloitte, EY, KPMG, PwC) leur ont emboîté le pas.

Le rapport est l'objet d'une consultation publique jusqu'au 12 février prochain.

Mark Carney et Michael Bloomberg sont déterminés à mobiliser les forces du marché pour relever le défi mondial en matière d'émissions de GES et de climat. Le rapport Bloomberg n'est certes pas une panacée, mais il constitue un pas de géant dans la bonne direction.

Biographie

Pendant plus de 20 ans, il a été président et chef de la direction de Rona. Sous sa gouverne, l'entreprise a connu une croissance soutenue et est devenue le plus important distributeur et détaillant de produits de quincaillerie, de rénovation et de jardinage du Canada. Après avoir accompagné un groupe d'entrepreneurs à l'École d'entrepreneurship de Beauce, Robert Dutton a décidé de se joindre à l'École des dirigeants de HEC Montréal à titre de professeur associé.

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