Entrevue: François Carbone, président Financement Participatif France

Publié le 14/09/2013 à 00:00

Entrevue: François Carbone, président Financement Participatif France

Publié le 14/09/2013 à 00:00

Par Diane Bérard

François Carbone, président Financement Participatif France

L'Ontario et le Québec envisagent d'assouplir les règles du financement participatif (crowdfunding), selon lequel plusieurs particuliers investissent de petites sommes dans un projet. La France, elle, plonge. Les plateformes qui offrent ce financement deviendront de véritables «banques à start-ups». François Carbone, président de Financement Participatif France, raconte l'histoire du lobby qui a influencé cette décision.

Diane Bérard - Le gouvernement Hollande assouplit les règles qui encadrent le financement participatif. Une belle victoire pour votre industrie...

FranÇois Carbone - Nos demandes sont arrivées au bon moment, et nous avons su obtenir les appuis nécessaires.

D.B. - Comment y êtes-vous arrivé ?

F.B. - Notre offensive a porté sur trois fronts : le réglementaire, le politique et le communautaire. Pour nous faire entendre des autorités réglementaires, nous sommes passés par le MEDEF [l'équivalent français du Conseil du patronat]. Pourquoi ? Parce qu'ils sont ouverts au financement des entreprises et très influents. Grâce à eux, nous avons rencontré l'Autorité des marchés financiers et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Pour le politique, nous avons misé sur notre participation aux Assises de l'entrepreneuriat, qui ont eu lieu de février à avril 2013. Les acteurs du financement y ont tous présenté leurs requêtes pour faciliter le développement de l'entrepreneuriat français. Nous avions l'oreille de Fleur Pellerin, la ministre déléguée chargée des PME, de l'Innovation et l'Économie numérique. Le financement participatif l'intéresse. Du coup, elle a veillé à ce que nos requêtes montent jusqu'à François Hollande. À la clôture des Assises, il a annoncé son intention d'assouplir les règles du financement participatif. Mais sans la collaboration de l'écosystème, une nouvelle réglementation et des appuis politiques auraient été vains. En marge de notre lobby officiel, nous avons donc rencontré des acteurs locaux - entrepreneurs et autres - pour créer une conjoncture favorable. L'offensive était complète.

D.B. - En avril 2012, le gouvernement américain a voté lui aussi un assouplissement des règles du financement participatif (JOBS Act). Mais aucun cadre réglementaire n'a été fixé depuis. Cela vous inquiète-t-il pour la France ?

F.B. - Non. Tout au long de notre offensive, nous n'avons affronté aucun contre-lobby. Wall Street a plus de poids aux États-Unis que le secteur financier en France. Mais il faut aussi comprendre qu'aux États-Unis, les tendances émergent plus vite et plus fortement que partout ailleurs. Si le financement participatif décolle aux États-Unis, ce sera un raz-de-marée. Cela explique l'inertie qui a suivi l'annonce américaine d'avril 2012. Certains acteurs ayant à perdre de cet assouplissement doivent travailler en coulisse pour bloquer le projet.

D.B. - Quelle forme prendront les assouplissements français ?

F.B. - Le financement participatif peut prendre trois formes : le don, le prêt et la participation au capital. La plupart des assouplissements permettront aux plateformes de financement participatif de recueillir elles-mêmes le paiement, sans être une banque ou passer par l'une d'elles. Des seuils maximaux d'investissement sont prévus par individu, par année et par société.

D.B. - Et si tout cela n'était qu'une mode issue de la crise ? Un dépit temporaire de la Bourse ?

F.B. - Le contexte économique favorise l'émergence du financement participatif. Les investisseurs cherchent davantage de rendement et sont prêts à essayer autre chose pour l'obtenir. Mais ils n'ont pas délaissé la Bourse. Ils ajoutent simplement le financement participatif à leur stratégie d'investissement.

D.B. - La première vague du financement participatif visait surtout les projets artistiques et sociaux. Est-ce le cas de la seconde ?

F.b. - Non. Nous ne sommes pas en présence d'investissements solidaires mus par des valeurs personnelles. Par contre, on note une quête de sens chez les investisseurs du financement participatif. Ils le choisissent à cause de la transparence et de la proximité des résultats de la société dans laquelle ils investissent. Ça leur plaît de savoir que leurs 3 000 euros ont des retombées concrètes en matière d'emploi et de croissance économique pour une entreprise donnée. On est loin de l'anonymat d'un investissement dans une grande société.

D.B. - Quel est le portrait-robot de l'investisseur participatif de cette deuxième vague ?

F.b. - C'est un cadre qui a toujours travaillé pour de grandes sociétés. Il aspirait à des promotions pour s'approcher du coeur de l'action, mais cela ne s'est pas produit. Il a aussi rêvé d'entrepreneuriat sans toutefois oser jouer le tout pour le tout. Faire un investissement participatif lui permet de vivre l'entrepreneuriat par procuration. D'expérimenter la grande aventure entrepreneuriale. Pour l'investisseur, le financement participatif, c'est l'adrénaline de l'entrepreneuriat sans les risques.

D.B. - En plus de présider l'association Financement Participatif France, vous avez fondé la plateforme de financement Anaxago. Parlez-nous de votre offre.

F.B. - Anaxago démarche les start-ups dignes d'intérêt pour les proposer aux investisseurs. Notre mission comporte aussi un volet pédagogique. Si un investisseur ne connaît pas assez le fonctionnement d'une entreprise, nous lui déconseillons le financement participatif dans une start-up. Anaxago compte 10 000 membres, dont 10 % sont actifs, c'est-à-dire qu'ils procèdent à des investissements. Les autres observent. Nous avons récolté deux millions d'euros pour huit investissements.

D.B. - Les projets de financement participatif sont-ils ceux que rejettent les banques ?

F.B. - Non. Ce n'est pas le métier des banques de prêter aux projets qu'on trouve sur les plateformes de financement participatif. Les banques ne comprennent pas les modèles économiques de ces start-ups. Et puis, les montants recherchés sont trop petits pour intéresser les banques.

D.B. - Après le financement solidaire et le financement «de sens» dans les start-ups, quelle est la prochaine étape du financement participatif ?

F.B. - On assiste à l'incursion des capital-risqueurs dans cet univers. Certains fonds de capital-risque deviennent aussi des plateformes de financement participatif. Ces fonds proposent au public d'investir dans les mêmes placements qu'eux. C'est logique. Les capital-risqueurs ont l'expertise pour conseiller les citoyens investisseurs. Si cette tendance persiste, nous assisterons à un boom.

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