Entrevue: Herman Daems, président du conseil de BNP Paribas Fortis

Publié le 23/06/2012 à 00:00

Entrevue: Herman Daems, président du conseil de BNP Paribas Fortis

Publié le 23/06/2012 à 00:00

Par Diane Bérard

Herman Daems, président du conseil de BNP Paribas Fortis

Herman Daems dirige le conseil de BNP Paribas Fortis depuis 2009, après avoir défendu les intérêts belges lors des négociations entre la moribonde Fortis et la française BNP Paribas. Il préside aussi la Commission Corporate Governance belge, chargée d'élaborer un code de référence unique pour les sociétés cotées. Je me suis entretenue avec lui lors de la Conférence de Montréal.

DIANE BÉRARD - Selon vous, les conseils doivent ranimer la confiance de la population envers les entreprises, réaffirmer la légitimité des entreprises et, finalement, celle du capitalisme. N'est-ce pas un peu fort ?

Herman Daems - Pas du tout. Qu'est-ce qui nuit le plus aux entreprises en ce moment ? Le débat entourant leur rôle dans la société, comme en témoigne l'agitation sociale partout dans le monde. Ce débat n'est pas près de disparaître. Il est temps que les entreprises réagissent. Pour survivre, elles doivent montrer qu'elles sont bien gérées. Et ce n'est pas uniquement la responsabilité du pdg, les conseils ont aussi leur rôle à jouer.

D.B. - Les conseils ont toujours agi dans l'ombre, et les pdg dans la lumière. Vous voulez changer ce modèle. Pourquoi ?

H.D. - Je ne crois plus en un monde où les entreprises ont pour unique représentant un être totémique qui capte toute la lumière. Il devient beaucoup plus pertinent, et sage, de répartir le visage public d'une société. Toutefois, il n'est pas question de le diluer. Le pdg et le président du conseil suffisent.

D.B. - À quoi sert un administrateur ?

H.D. - Il s'assure que l'entreprise est forte et solide, qu'elle crée des emplois et qu'elle déploie une stratégie durable. C'est ainsi qu'une entreprise affirme sa légitimité et, du coup, qu'elle sert l'intérêt de ses actionnaires. Mais les conseils pensent souvent à l'inverse. L'intérêt de l'actionnaire est une conséquence, pas un but.

D.B. - On offre souvent le poste de président du conseil au pdg qui termine son mandat. Qu'en pensez-vous ?

H.D. - C'est une mauvaise idée, parce que le nouveau pdg va constamment affronter l'ancien, qui pensera toujours que ses stratégies étaient les meilleures. Et puis, supposons que l'entreprise soit en difficulté ; à qui le conseil accordera-t-il le pouvoir, au nouveau pdg ou à l'ancien qui connaît déjà tous les dossiers ? Pire encore, imaginons que l'ex-pdg ait fait preuve de laxisme ou de manque de jugement. Devenu président du conseil, il pourra continuer de couvrir ses méfaits. Il travaillera dans son intérêt et non dans celui de l'entreprise. En plus d'être une mauvaise idée, promouvoir le pdg sortant est un signe de faiblesse. Cela démontre que le conseil n'était pas assez fort pour dire au pdg que l'heure était venue de tourner la page. Combien d'autres batailles les administrateurs n'ont-ils pas osé livrer ? Choisir le pdg sortant pour diriger le conseil est aussi un signe de paresse. C'est la voie de la facilité.

D.B. - Depuis la crise, on ne cesse de réglementer l'action des conseils d'administration. Avec quel résultat ?

H.D. - Le seul groupe sur qui cette réglementation a un impact est le service des affaires juridiques. La gouvernance est devenue la responsabilité des avocats. C'est inquiétant. Mais faut-il s'en étonner ? Nos actions s'inspirent d'une prémisse fausse. Nous pensions qu'en changeant la structure et le fonctionnement des conseils, nous en arriverions à influencer le comportement des administrateurs. Or, pour modifier les comportements, il faut changer les gens, pas les structures.

D.B. - Quel est le problème avec les administrateurs indépendants ?

H.D. - Trop souvent, indépendant rime avec incompétent. Comme si pour être indépendant, il fallait ne rien savoir de l'entreprise ni de son secteur. Ce n'est certainement pas de ce genre d'administrateurs indépendants dont les conseils ont besoin.

D.B. - Vous avez cerné quatre eaux troubles dans lesquelles les conseils doivent apprendre à naviguer. Quelles sont-elles ?

H.D. - D'abord, trouver l'équilibre entre le pouvoir du conseil et celui de la direction. Ensuite, éviter de faire rimer indépendance et incompétence. Reconnaître lorsque la limite d'efficacité des changements structurels est atteinte et qu'il faut changer les personnes. Et trouver le juste milieu entre la réglementation (la «loi dure») et l'autoréglementation (la «loi douce»).

D.B. - Les politiciens détestent qu'on demande aux conseils de se conformer aux règles ou d'expliquer pourquoi ils ne l'ont pas fait. Pour vous, ce n'est pas un problème. Pourquoi ?

H.D. - Les gouvernements estiment que cette approche laisse trop de liberté aux entreprises. C'est un faux débat. Qu'est-ce qui est le plus important : les panneaux de signalisation ou la bonne conduite ?

D.B. - Les assemblées annuelles deviennent plus houleuses. Jusqu'à quel point faut-il écouter actionnaires et parties prenantes ?

H.D. - L'un des conseils auxquels je siège a une petite activité militaire. Il y a quelques années, cela a suscité des discussions en assemblées annuelles. On nous a demandé si l'entreprise devait conserver cette activité. J'ai participé volontiers à ces discussions. J'y ai même pris plaisir. Mais j'en ai tiré une leçon : quel que soit le groupe d'intérêt en face et le sujet, toute entreprise a besoin d'un cadre de référence pour baliser la discussion. Par exemple, si vos actionnaires s'opposent à une activité - dans ce cas-ci, le militaire - mais que votre pays l'endosse, vous avez un cadre de référence sur lequel vous appuyer.

D.B.- Quels conseils donner aux administrateurs pour leur éviter de se mettre dans l'eau bouillante ?

H.D. - Ne jamais siéger au conseil d'une entreprise que vous ne comprenez pas. Ne jamais siéger au conseil d'une entreprise familiale si vous savez que les membres de la famille ne vous écouteront pas. Soyez courageux. Le courage naît de l'indépendance.

«La gouvernance est devenue la responsabilité des avocats. C'est inquiétant. Mais faut-il s'en étonner ? Nos actions s'inspirent d'une prémisse fausse. Nous pensions qu'en changeant la structure et le fonctionnement des conseils, nous en arriverions à influencer le comportement des administrateurs. Or, pour modifier les comportements, il faut changer les gens, pas les structures.»

LE CONTEXTE

À quoi sert un conseil d'administration ? Qui gère une entreprise ? Si les réponses à ces questions ont déjà été simples, elles ne le sont plus. Les actionnaires adressent désormais une partie de leurs questions aux administrateurs, car les réponses de la direction ne leur suffisent plus.

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