Centraide : le communautaire, expert social


Édition du 20 Juin 2015

Centraide : le communautaire, expert social


Édition du 20 Juin 2015

Par Diane Bérard

Lili-Anna Peresa. [Photo : Martin Flamand]

Le 16 juin, lors de son assemblée générale, Centraide du Grand Montréal a officialisé son nouveau visage. Celui-ci a été mis au point à la suite d'un changement de direction et d'un exercice stratégique de 10 mois.

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En apparence, les choses allaient plutôt bien. Année après année, Centraide atteint ses objectifs budgétaires. Mais une analyse plus fine révèle que sans la générosité des grands donateurs (ceux qui allongent 10 000 $ et plus), ce serait une autre histoire. Depuis 10 ans, Centraide accuse une baisse de 30 % du nombre des donateurs en milieu de travail. En 2013, par exemple, seulement un employé sollicité sur cinq a accepté qu'on prélève un don sur sa paie. Une conséquence de l'apparition d'une concurrence physique - Centraide n'a plus le monopole des campagnes de dons en milieu de travail - et technologique - les applications de dons se multiplient. C'est dans ce contexte que Lili-Anna Peresa, ancienne directrice de la fondation One Drop et du Y des femmes, prend la direction de l'organisme en janvier 2013. «J'avais étudié la question. Je savais que Centraide devait pivoter pour répondre aux nouvelles attentes des donateurs individuels et des entreprises donatrices.»

Ce pivot cible plusieurs enjeux en même temps. Centraide veut raviver l'intérêt des milieux de travail. Elle veut aussi rejoindre la génération Y qui souhaite s'engager plus qu'en signant un chèque. Dans les deux cas, la solution est la même : l'expérience Centraide, une formule à trois volets. «De plus en plus d'entreprises nous demandent d'organiser des journées de bénévolat pour leurs employés, dit la pdg. Nous le faisions à la pièce. Désormais, nous allons prévoir avec nos organismes partenaires de l'offrir à grande échelle.» Les familles aussi veulent faire de l'entraide ensemble. Une formule que Centraide offre déjà aux grands donateurs. Elle l'étendra bientôt à tout le monde. Enfin, l'expérience Centraide comprend le bénévolat de compétences. Une activité taillée sur mesure pour la génération Y. Au cours des deux prochaines années, Centraide compte créer une plateforme sur laquelle les organismes afficheront leurs besoins, et les bénévoles, leur offre de compétences.

Autre défi : créer un lien direct avec les donateurs individuels. Celui-ci n'existe pas. Centraide sait tout de ses grands donateurs, mais ignore qui sont ses donateurs en milieu de travail. Le prélèvement sur la paie ne donne aucune information sur le donateur. Cela avait peu d'importance lorsque Centraide détenait le monopole des campagnes en milieu de travail. Mais depuis qu'elle se dispute ces donateurs avec d'autres organismes, cette information est devenue stratégique. La campagne pilote «Centraide plus», lancée cet automne, devrait apporter une solution. «Centraide plus» est un laboratoire où 11 entreprises, dont Cogeco, la Banque Nationale et Sandoz, exploreront de nouvelles façons de recueillir des fonds en entreprise. Et Centraide aura accès aux coordonnées de tous les employés-donateurs. «Centraide plus» permettra aussi aux entreprises de personnaliser leur campagne en milieu de travail. Car pour des raisons de marketing, de plus en plus d'organisations souhaitent être associées à une cause plutôt qu'à un don générique. Malgré tout, les entreprises devront donner à leurs employés le choix de donner au champ d'intervention retenu par leur employeur ou à un autre champ d'intervention de Centraide, prévient Lili-Anna Peresa. «Les donateurs veulent le choix, cette tendance ne disparaîtra pas.»

Pendant des années, les Montréalais ont dit à Centraide : «Nous vous faisons confiance, attribuez notre don au bon endroit.» Cela ne tient plus. Centraide proposera toujours le don solidaire générique. Mais elle offrira aussi quatre champs d'action : soutenir la réussite des jeunes, assurer l'essentiel, briser l'isolement social et bâtir des milieux de vie rassembleurs. Cette ventilation remplit deux objectifs : donner le choix aux donateurs, mais aussi les éduquer (le don par champs d'action est déjà offert par Centraide à Toronto et à Vancouver.) «Centraide est connue, mais méconnue, dit Lili-Anna Peresa. Les gens ne comprennent pas ce que nous faisons. Nous avons un défi de communication. Offrir quatre champs d'action aux donateurs permet de clarifier notre intervention.»

Le défi de clarté dépasse l'intervention de Centraide. Il s'étend aussi à sa mission, poursuit Lili-Anna Peresa. La plupart des Montréalais considèrent cet organisme comme un intermédiaire qui recueille des dons et les redistribue. «C'est une fausse perception, poursuit la dirigeante. Centraide est un investisseur social. Nous établissons les besoins de chaque quartier et nous répartissons les ressources en fonction de ceux-ci. Je vais m'employer à expliquer notre valeur ajoutée comme investisseur.» Elle s'appuiera sur les résultats de l'étude KPMG/Secor qui révèle que le taux de survie des organismes que Centraide appuie est de 98 % ; il n'est que de 80 % pour ceux qu'elle n'appuie pas. Et sans Centraide, il en coûterait 9 millions de dollars de plus pour amasser les 55 M$ que l'organisme recueille chaque année.

Somme toute, Centraide compte se positionner comme un expert social. «Je vais m'assurer que l'on soit proactifs avec les médias, par exemple, conclut la pdg. Nous détenons une expertise inestimable des enjeux sociaux, il est temps de la mettre à profit.»

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