Shawinigan réinvente son économie


Édition du 08 Avril 2017

Shawinigan réinvente son économie


Édition du 08 Avril 2017

«On revient de loin, tout est à bâtir». Ces mots sont de Michel Angers, le maire de Shawinigan, mais ils auraient pu être prononcés par bien des gens qui travaillent à revitaliser l'économie en Mauricie.

La région a longtemps été une des locomotives de la prospérité du Québec. Puis est venu le déclin avec les changements structurels dans l'économie mondiale, avec de nouveaux acteurs prenant leur place dans le textile, l'industrie chimique, la métallurgie, et dans la production de papier journal et de bois de sciage dont la Mauricie s'enorgueillissait !

Est-ce à dire que ces industries traditionnelles sont vouées à l'extinction ? Pas si vite.

À la mi-mars, les acteurs du textile de la Mauricie sortaient sur la place publique pour signaler qu'ils avaient besoin de renforts, que les couturières, par exemple, se faisaient rares. À tel point que sur 12 apprentis qui entreprenaient une formation sur machine à coudre, six venaient de l'extérieur du pays et tous étaient assurés d'un emploi s'ils réussissaient à se qualifier.

En 2017 ? Alors que l'industrie du textile est censée être en train de se désagréger au Québec ?

«Il ne faut pas croire que nous avons tout perdu», dit Pierre H. Vincent, le nouveau directeur général de Manufacturiers Mauricie Centre-du-Québec, dont les bureaux sont situés à Trois-Rivières. Prenez simplement Chemise Empire, à Louiseville. C'est une entreprise centenaire qui fonctionne encore très bien.

Vrai, quand on parle de textile, il faut englober la couture, le fil et tout ce qui s'y rattache, dans des niches particulières, comme la réparation des toiles de bateau. Le marché demeure actif, rappelle Pierre H. Vincent, «mais on ne forme plus de travailleurs pour ce secteur», ce qui l'oblige à faire appel à de la main-d'oeuvre étrangère.

On a peut-être conclu trop vite que bébé était disparu avec l'eau du bain, s'il faut en croire Luc Arvisais, directeur du Service de développement économique à la Ville de Shawinigan. Et il est vrai que les exemples sont éloquents.

En octobre 2013, par exemple, le journal Les Affaires titrait : «L'histoire se poursuit grâce à Shawinigan Aluminium». Quelle histoire ? Alcan venait d'y annoncer sa fermeture prochaine. Une PME originaire du Saguenay, Sotrem-Maltech, a alors repris une partie des activités dans le coulage des billettes en préservant du même coup une centaine des 400 emplois condamnés à disparaître. Pas très loin, avec 150 travailleurs, General Cable poursuit le travail de fabrication de câbles en aluminium autrefois produits par Alcan.

En plus de se prolonger, l'industrie de la transformation des ressources se régénère, comme le montre ce projet qui prend forme dans le secteur Grand-Mère, maintenant rattaché à Shawinigan : l'unité de production d'hydroxyde et de carbonate de lithium pilotée par Nemaska Lithium, qui y transportera par train le minerai extrait de sa mine située près de Chibougamau.

Non seulement va-t-elle réanimer une partie du complexe de l'ancienne usine de pâtes et papiers Laurentide, la dernière du genre à fermer ses portes, elle pourrait aussi contribuer à consolider la filière québécoise de l'électrification des transports, puisque des dérivés du lithium sont utilisés dans la fabrication des batteries.

«Et on assiste dans ce cas à une belle collaboration entre Nemaska Lithium et le Centre collégial de transfert technologique du Collège de Shawinigan», dit Luc Arvisais, qui signale que l'usine-pilote devrait être inaugurée dans quelques mois. Pour lui, cette jonction entre le savoir et l'industrie peut directement contribuer à la revitalisation de sa ville, et il a bien d'autres projets en marche...

De quoi conforter la vision du maire, Michel Angers, qui veut positionner Shawinigan dans le cercle des «villes intelligentes», plus réceptives aux besoins des citoyens - de là les applications du Hackathon (voir notre article à la page 12) - et aux nouvelles technologies qui permettent, par exemple, de proposer un meilleur éclairage des rues tout en réduisant la demande en électricité.

Sans renier l'héritage de Shawinigan et de toute la Mauricie, il réalise qu'une des clés de l'avenir demeure la revitalisation de l'entrepreneuriat chez les jeunes.

«On la voit, cette progression, dit-il, mais il faut comprendre qu'il n'y a pas si longtemps, les gens ne s'en faisaient pas, parce qu'on trouvait un bon travail dans les grandes industries. Jusqu'à ce qu'elles flanchent.»

Et le mouvement est en marche. En 2009, un relevé montrait que l'intention entrepreneuriale à Shawinigan était moins forte qu'au Canada, qu'au Québec et qu'ailleurs en Mauricie. Quatre ans plus tard, en 2013, une nouvelle analyse arrivait à des résultats nettement plus encourageants : si 25 % des Québécois de 35 ans et plus pensaient se lancer en affaires, près de 30 % des résidents de Shawinigan y songeaient.

«Les mentalités changent», dit Michel Angers. De quoi imaginer, un jour pas si lointain, un retour à la prospérité pour Shawinigan et la Mauricie tout entière.

Filières clés de Shawinigan (2015)

Électronique et électromécanique : 10 entreprises 1 000 emplois

Divertissement numérique et développement de logiciel : près de 1 000 emplois

Transformation des métaux et minéraux industriels : une douzaine d'entreprises 800 emplois

Efficacité énergétique et technologies vertes : une dizaine d'entreprises 500 emplois

Source : Service de développement économique, Ville de Shawinigan

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