Raymond Garneau

Publié le 01/02/2009 à 00:00

Raymond Garneau

Publié le 01/02/2009 à 00:00

Il était politicien au moment où le Québec a vécu ses plus grands bouleversements. Puis, il a fait le saut dans le monde des affaires et a piloté des dossiers très... politiques ! Réflexions d'un administrateur hybride.

Raymond Garneau a eu deux vies. Et la première, dans l'univers politique, s'est avérée fort utile pour réussir la seconde. Ainsi, en 2000, lorsque l'Industrielle Alliance est devenue une société par actions, les réflexes de l'ancien politicien ont rapidement refait surface. " C'était comme une campagne électorale. Je devais obtenir le vote des détenteurs d'assurances, qui étaient alors les propriétaires de l'entreprise, souligne l'ancien président de l'Industrielle Alliance. J'ai fait la tournée de toutes nos agences pour expliquer aux courtiers pourquoi nous transformions cette mutuelle en société par actions et quelle était notre stratégie de croissance au Canada. "

L'Administrateur émérite 2008 a été président de l'Industrielle Alliance de 1989 à 2000. Il a également présidé le conseil d'administration de l'entreprise de 1996 à 2005. Selon les membres du jury des prix Korn/Ferry-Magazine Commerce, son parcours se démarque d'abord par sa diversité. " Bien peu de gens ont réussi une carrière en politique, puis une autre carrière comme chef d'entreprise, souligne Richard Drouin, avocat-conseil chez McCarthy Tétrault et président du jury. Dans ses différentes vies professionnelles, on observe un fil conducteur : l'intégrité et l'indépendance d'esprit. Ce sont là deux qualités précieuses pour un conseil. "

Âgé de 73 ans, Raymond Garneau a annoncé qu'il quitterait le conseil du Groupe TMX au cours des prochains mois. Il a siégé aux conseils du fabricant de baignoires MAAX et de QuébecTel (acquise par Telus). Il a également été membre du conseil de la Banque du Canada, à Ottawa. Pour les années à venir, Raymond Garneau s'en tiendra à son engagement auprès de certains organismes à but non lucratif, comme l'Institut du cancer de Montréal, dont il est le président.

Sa longue carrière a débuté au cabinet de Jean Lesage. À 30 ans, il y entre comme secrétaire exécutif du premier ministre, et devient ensuite son chef de cabinet. Élu pour la première fois à l'Assemblée nationale en 1970, il a été ministre des Finances et président du Conseil du trésor dans le premier gouvernement de Robert Bourassa.

" Toute ma carrière s'est déroulée dans le même univers, celui de la finance. Je pense que cela m'a aidé à faire la transition entre la politique et le monde des affaires ", dit l'ancien ministre. Dès son arrivée à l'Industrielle Alliance, Raymond Garneau a déjà un grand projet en tête pour l'entreprise. Jusque-là, la structure en mutuelle a constitué une forme de garantie pour les détenteurs d'assurances. Toutefois, au début des années 1990, cette même structure risque de freiner le développement de la compagnie et son expansion géographique au Canada. " Notre industrie changeait. En discutant avec les présidents d'autres compagnies d'assurance, dont celui de Sun Life, j'ai perçu qu'ils avaient des projets de démutualisation ", raconte-t-il. À cette époque, on assiste à un transfert des produits d'assurance vie traditionnels vers davantage de produits de placement, comme les REER. Or, ces activités exigent que l'on ait accès à beaucoup plus de capitaux, souligne l'ancien dirigeant.

Il fallait cependant être prudent et trouver une façon d'amorcer ce changement sans trop bouleverser la culture de l'entreprise. Fin stratège, Raymond Garneau demande à son équipe de direction de lui fournir des études sur les processus de démutualisation en cours dans d'autres compagnies nord-américaines. Évidemment, en colligeant ces documents, les membres de son équipe y jettent un coup d'oeil, ce qui leur donne l'occasion de réfléchir aux changements à venir à l'Industrielle Alliance et d'en percevoir les avantages. Cette démarche a permis de rallier l'équipe de direction autour de la démutualisation, qui s'est finalement concrétisée en 2000.

L'Industrielle Alliance est aujourd'hui la quatrième société d'assurance de personnes en importance au Canada. Elle compte plus de trois millions de clients canadiens, quelque 3 000 employés et un réseau de 12 000 représentants. Depuis son changement de structure, l'entreprise a réalisé plusieurs acquisitions, entre autres dans le domaine du courtage en valeurs mobilières.

Pendant quelques années, Raymond Garneau a occupé simultanément les postes de président de l'Industrielle Alliance et de président de son conseil. Aujourd'hui, il juge cependant qu'il faut éviter de se trouver dans cette situation, particulièrement en raison du contexte financier actuel. " Désormais, il faut non seulement respecter toutes les normes de bonne gouvernance et de transparence, mais aussi faire en sorte que cela paraisse ", affirme-t-il. Le fonctionnement des conseils a-t-il beaucoup changé depuis les années 1980, alors qu'il faisait ses premières armes comme administrateur ? " Pas tellement, on ne réinvente pas la roue. Les conseils étaient composés de gens d'affaires qui savaient compter... " répond-il. " À une certaine époque, on nous reprochait de faire partie d'un cercle fermé, mais c'était un peu normal. C'est en participant à d'autres conseils que nous rencontrions des gens compétents que nous pouvions inviter à siéger à notre conseil ", ajoute-t-il. Depuis, le processus de recrutement et de renouvellement des administrateurs est devenu plus structuré.

La création de comités est une autre pratique qui a évolué. Au cours des dernières années, par exemple, les comités de vérification et de ressources humaines ont pris beaucoup d'importance. Jusqu'au milieu des années 1980, ce sont les comités exécutifs qui jouaient le rôle de pionniers dans cette structure, rappelle Raymond Garneau. Les conseils de l'époque comptaient jusqu'à 20 personnes. Le comité exécutif, formé d'un nombre restreint d'administrateurs, prenait souvent la plupart des décisions. Le reste du conseil se livrait surtout à des activités de représentation ou de prospection. " Par exemple, un administrateur originaire de Gaspésie recevait le mandat de développer les affaires de la compagnie dans sa région ", illustre-t-il.

Toutefois, même si le comité de vérification a pris beaucoup d'importance depuis les scandales financiers du début des années 2000, il n'est pas prioritaire dans toutes les entreprises. " Lorsque je siégeais au conseil de MAAX, par exemple, le rapport du comité environnemental figurait toujours en tête de liste à l'ordre du jour. Ce comité était présidé par un ingénieur ; il y avait beaucoup de normes à respecter et il fallait montrer patte blanche ", dit-il. Le fabricant de baignoires de la Beauce a été privatisé en 2004.

Le nouveau Groupe TMX

Depuis plus de six ans, Raymond Garneau siège au conseil du Groupe TSX, devenu le Groupe TMX depuis la fusion avec la Bourse de Montréal. Il a cependant annoncé qu'il se retirera du conseil au printemps.

L'actualité récente concernant les Bourses de Toronto et de Montréal a donné du travail aux membres du conseil. Ainsi, Raymond Garneau a siégé au comité responsable du recrutement du président. " À cette étape, la fusion n'était pas encore terminée. Nous avons demandé à la Bourse de Montréal de désigner une personne pour siéger au comité de sélection. Jean Turmel, alors président du conseil de la Bourse de Montréal, a joué ce rôle ", raconte l'administrateur. Le choix du comité s'est finalement arrêté sur Tom Kloet, l'ancien président de la Bourse de Singapour, en Asie.

L'annonce d'un projet portant sur l'acquisition de la Bourse de Montréal par le Groupe TSX a suscité diverses réactions, dont certaines étaient assez vives. " Des rumeurs ont circulé. En fait, dès la première proposition du Groupe TSX, il y avait l'assurance que tout le marché des produits dérivés qui existait à Montréal resterait à Montréal. Aucune proposition ne prévoyait qu'on rapatrierait tout à Toronto ", affirme Raymond Garneau. Il ajoute qu'il est prévu que des investissements seront faits pour développer de nouveaux produits dérivés à Montréal dans le futur. Toutefois, quelle que soit l'ampleur de la polémique liée à cette transaction, il y a fort à parier que l'Administrateur émérite 2008 pouvait y faire face, lui qui a longtemps oeuvré dans l'arène politique, à Québec et à Ottawa. Là encore, les réflexes acquis au cours de sa première vie se sont avérés fort utiles.

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