Québec vert

Publié le 01/10/2009 à 00:00

Québec vert

Publié le 01/10/2009 à 00:00

Trains électriques, autobus hybrides, huile de fish and chips recyclée en carburant, biomasse... Même si le Québec est loin d'en avoir fini avec le pétrole, il y a de l'espoir.

La Société de transport de Montréal (STM) veut prolonger son métro et acheter des trolleybus et des autobus hybrides. Laval aussi veut des trolleybus, et l'Agence métropolitaine de transport (AMT) électrifiera son réseau ferroviaire.

Pas trop tôt, diront certains. La majorité des pays développés comptent sur des réseaux de trains électriques, mais pas le Québec. Bien sûr, le métro de Montréal est une réussite, et l'AMT exploite la seule ligne de trains lourds électriques en Amérique du Nord, entre Montréal et Deux-Montagnes. Cependant, le réseau interurbain de Via Rail, lui, fonctionne entièrement au diesel. Et toutes les villes du Québec ont mis les tramways au rancart, alors que Toronto, elle, les a conservés, et s'apprête même à renouveler sa flotte.

Et pourtant. Pour l'électricité qui sert à alimenter la ligne vers Deux-Montagnes, l'AMT paie sept à huit cents le kilowattheure. La STM, pour le métro, paie moins de six cents. Les Français sont jaloux. Une porte-parole de la Société nationale des chemins de fer estime en moyenne à "35 à 40 centimes d'euro le kilowattheure" le prix payé pour alimenter ses trains, soit plus de 55 cents ! Ce qui n'a pas empêché nos cousins de se doter d'un des réseaux de trains électriques les plus étendus du monde.

En raison d'une électricité qui est à 94 % de source renouvelable, le Québec aurait beau jeu de les imiter. D'ailleurs, les autorités commencent peut-être à bouger. En mai dernier, l'AMT a lancé un appel d'offres pour une étude sur l'électrification de tous ses trains de banlieue.

"Nous voulons avoir une vue d'ensemble du réseau pour déterminer les lignes prioritaires", dit Patrick Charpentier, l'ingénieur responsable du dossier. C'est que l'installation de caténaires et l'alimentation électrique des lignes ne se font pas en criant ciseau. Impact du courant électrique sur le système de signalisation, ajustement du gabarit des ponts et chaussées, perturbations électromagnétiques possibles des réseaux de téléphone et de câble... Les facteurs à considérer sont multiples. Les travaux pourraient tout de même commencer dès 2011 et se poursuivre sur 15 ans.

À la Société de transport de Laval (STL), la direction a confié à SNC-Lavalin la responsabilité d'une étude sur l'implantation de lignes de trolleybus.

Ces véhicules roulent sur pneus, mais, comme les trains électriques, ils sont reliés par une perche et un caténaire à des fils électriques au-dessus d'eux. L'étude devrait être déposée en mars 2010.

Autre signe des temps : Hydro-Québec a décidé de mettre la main à la pâte. La société d'État ajoutera ses fonds à ceux du ministère des Transports pour aider les deux sociétés à financer leurs recherches. Elle donnera au total 275 000 dollars pour savoir quels investissements elle devra faire dans son réseau si les projets de l'AMT et de la STM vont de l'avant.

La STM a également plusieurs projets qui lui permettraient d'augmenter la part des modes de transport électrique dans son offre. Sa stratégie principale : continuer de développer le métro. "Le premier pas sera la prolongation de la ligne bleue vers l'Est, au moins jusqu'au boulevard Pie-IX", dit Yves Devin, directeur général. La STM songe aussi à se doter de trolleybus pour équiper ses lignes en voies réservées, comme celle qu'elle compte aménager sur le boulevard Pie-IX. Le tout, à condition que Québec veuille bien payer...

La ministre des Transports, Julie Boulet, attend une lettre d'entente des maires de Montréal, de Longueuil et de Laval, qui doivent tous trois s'accorder sur "un seul projet porteur". "Les maires m'ont dit qu'ils sont convenus que le prolongement du métro était la priorité." À long terme, les plans de prolongement du métro comprennent aussi de nouvelles stations dans l'arrondissement de Saint-Laurent, à Laval et à Longueuil.

En outre, l'électrification des lignes de l'AMT doit aller de l'avant, selon la ministre des Transports. "Nous y croyons : le Québec est riche en électricité, dit-elle. J'ai bon espoir que les travaux commenceront pendant le mandat du gouvernement actuel."

Une chose est sûre : les Montréalais pourront bientôt se familiariser avec les autobus hybrides. Au cours des dix prochaines années, la STM a décidé d'en acheter "entre 200 et 300 pour les lignes à arrêts fréquents", sur les 1 000 à 1 200 autobus qu'elle devra se procurer, selon Yves Devin. Ils coûtent toutefois beaucoup plus cher : 650 000 dollars au lieu des 450 000 dollars des véhicules traditionnels.

Nova Bus, une filiale de Volvo, construit ces véhicules dans ses usines de Saint-Eustache et de Saint-François-du-Lac. Mais nul n'est prophète en son pays. Des quelque 160 commandes passées, seulement une dizaine étaient destinées au Québec, selon la porte-parole de Nova Bus, Nadine Bernard. La Ville de Vancouver achète la majeure partie de la production : elle en a commandé 140 en prévision des Jeux olympiques d'hiver de 2010.

Biocarburant recyclé

L'électrification des transports publics les rendrait plus propres encore. Mais le problème resterait entier pour la majeure partie des véhicules utilisés au Québec, soit les voitures et les camions. Le gouvernement fédéral s'y attaque en exigeant que dès 2010, l'essence contienne 5 % d'éthanol (voir le texte en page 23).

Quant au diesel, davantage utilisé pour les camions, il devra contenir 2 % de carburant renouvelable, du biodiesel. D'où viendra-t-il ? La question est de taille, puisque les distributeurs devront en acheter plus de 100 millions de litres par an pour satisfaire aux exigences fédérales. Avec les 37 millions de litres que produit actuellement la province, nous sommes loin du compte. Pour l'instant, toute la production québécoise vient... des friteuses des restaurants, des abattoirs et des usines de transformation de la viande ! Le plus grand producteur est Rotsay, une filiale du producteur de charcuterie Maple Leaf. Dans ses installations de Sainte-Catherine, en Montérégie, il récupère le gras animal de ses usines et y ajoute de l'huile végétale usée pour produire quelque 35 millions de litres de biodiesel par an. "Nous pourrions facilement doubler notre production", assure Todd Moser, vice-président de l'entreprise.

L'autre producteur québécois est beaucoup plus modeste. À Saint-Alexis-des-Monts, en Mauricie, Biodiesel Québec prévoit produire environ cinq millions de litres cette année, après avoir ajouté un troisième quart de travail. Mais, pour l'instant, la petite usine fonctionne avec neuf employés seulement. Devant le hangar où sont aménagés les équipements, deux d'entre eux inspectent le dernier chargement d'huile récupérée dans les restaurants. Une fois qu'on a fait rissoler frites, rondelles d'oignon, fish and chips et autres mets "santé", l'huile récupérée sera filtrée et transformée en biodiesel.

Le président insiste : pas question de s'approvisionner en huile directement issue de canola ou de soya cultivés à cette fin. "L'empreinte de carbone serait négative", assure Michel Cordeau. Les moissonneuses-batteuses consomment du pétrole, et il faut transporter le grain jusqu'ici... Sans compter la pollution des terres engendrée par les fertilisants. Et de toute façon, l'huile "vierge" est beaucoup trop chère pour son modèle d'affaires.

Pas question non plus de s'approvisionner plus loin. "Notre but, c'est d'établir une usine régionale, dit Michel Cordeau. Nous récupérons nos graisses dans un rayon de deux heures de route, et les trois quarts de la production sont vendus en Mauricie." Selon lui, environ 300 millions de litres de graisses végétales et animales usées sont produits chaque année au Québec. La ressource ne manque donc pas, mais plus souvent qu'autrement, elle finit à l'égout, dans la nourriture pour porcs ou dans les grandes usines de biodiesel américaines.

Michel Cordeau peine à trouver suffisamment d'huile usée pour augmenter sa production. C'est pourquoi il mène toutes sortes d'expériences pour diversifier ses sources d'approvisionnement. "Nous avons trouvé le moyen d'extraire jusqu'à 20 % d'huile à partir du marc de café récupéré dans les restaurants", dit-il. Il tente même de convaincre des agriculteurs de la région de produire des microalgues. Celles-ci pourraient fournir rapidement d'importantes quantités d'huile tout en exigeant moins d'énergie et de fertilisants.

Sus au mazout !

Les usines doivent aussi faire leur part. Le secteur manufacturier québécois consomme plus de 13 % du pétrole de la province. Si la grande industrie veut se passer d'or noir, elle devra trouver ailleurs le carburant qui lui permettra d'assouvir ses grands besoins thermiques.

L'industrie des produits forestiers et des pâtes et papiers est plutôt forte à ce jeu. Depuis 1990, elle est parvenue à réduire de 45 % son utilisation de gaz naturel et de mazout. Au cours de la même période, sa production a pourtant augmenté de 20 %.

Son secret : remplacer les hydrocarbures par des résidus forestiers et par des "liqueurs noires" issues de la production de pâte à papier chimique. Aujourd'hui, plus de la moitié des 45 usines de pâtes et papiers qui sont encore en exploitation possèdent des chaudières à la biomasse. L'usine Cascades de Saint-Jérôme brûle même les biogaz issus du dépotoir voisin de Waste Management, à Sainte-Sophie. "Chaque année, l'industrie forestière remplace par de la biomasse l'équivalent de près de deux millions de tonnes de pétrole", dit Pierre Vézina, vice-président du Conseil de l'industrie forestière du Québec. Si elle devait s'en passer, elle devrait plus que doubler sa consommation d'hydrocarbures, qui s'élève actuellement à 1,3 million de tonnes d'équivalent pétrole !

Cependant, le secteur forestier laisse encore trop de biomasse en forêt au goût de Québec. C'est pourquoi le gouvernement a lancé un appel d'offres pour l'utilisation de la ressource disponible sur les parterres de coupe après le passage des machines. "D'ici la fin de l'année, nous voulons avoir attribué toute la biomasse répertoriée", explique Nathalie Normandeau, ministre des Ressources naturelles et de la Faune. Cela devrait permettre de multiplier les expériences comme celle de la Coopérative forestière de la Matapédia, en Gaspésie : cette entreprise fournira les résidus de bois nécessaires au chauffage de l'hôpital d'Amqui et des bâtiments de la municipalité.

Dans le domaine agricole, des expériences de mise en valeur commencent aussi à voir le jour. Bio-Terre Systems, de Sherbrooke, fournit des équipements pour brûler le méthane issu du lisier du bétail. Pour l'instant, son sys-tème est à l'essai sur deux terres québécoises. "Utilisé au Québec dans une ferme porcine de taille moyenne - 5 000 à 6 000 têtes par an -, il permet de remplacer l'équivalent de 10 000 dollars de propane par an pour le chauffage des installations", dit Richard Royer, vice-président de l'entreprise.

L'électricité sur la route

Sur le front de l'industrie de l'automobile électrique, TM4, une filiale d'Hydro-Québec, a signé une entente avec le géant indien Tata Motors afin d'intégrer la toute dernière version de son moteur électrique à la nouvelle Indica Vista.

Côté poids lourds, l'usine Paccar de Sainte-Thérèse construit des camions hybrides. "Nous en avons fourni 300 à Coca-Cola, précise Chakib Toubal-Seghir, directeur général. Ils vont rouler partout en Amérique du Nord." Selon lui, ces véhicules permettent de réaliser des économies de carburant de 30 à 50 % par rapport à des camions ordinaires. Une contribution non négligeable aux efforts du Québec pour se passer de l'or noir. Car les autorités auront beau électrifier les transports en commun et pousser les manufacturiers à diminuer leur consommation de gaz et de mazout, les transports routiers restent le nerf de la guerre, puisqu'ils engloutissent la moitié du pétrole importé au Québec.

hugo.joncas@transcontinental.ca

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