Pourquoi les exportateurs perdent du terrain

Publié le 27/02/2010 à 00:00, mis à jour le 07/10/2013 à 14:27

Pourquoi les exportateurs perdent du terrain

Publié le 27/02/2010 à 00:00, mis à jour le 07/10/2013 à 14:27

Par François Normand

Le Québec aura de la difficulté à créer de la richesse et des emplois à long terme en raison du déclin de ses exportations.

Les exportations sont cruciales pour notre économie. Elles représentent des " importations de capitaux ", qui servent ensuite à investir en R-D, à acheter des biens et des services locaux et à embaucher du personnel.

Une analyse du ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, " Économie du Québec : état de situation et vision ", dont nous avons obtenu copie, fait d'ailleurs état de trois tendances inquiétantes observées de 2000 à 2008.

Le volume des exportations internationales du Québec a reculé de près de 9 % au cours de cette période. Le nombre d'exportateurs de biens à l'étranger stagne. Et la part du marché américain le principal débouché pour nos produits et services dans les exportations québécoises a chuté de 57 à 42 %.

Le phénomène ne s'observe pas seulement aux États-Unis, où la vigueur du dollar canadien fait mal. " Nos expéditions vers d'autres marchés baissent aussi?", souligne Christian Desbiens, directeur de la direction de l'analyse économique au MDEIE.

Nos exportations sont en déclin à la fois dans l'ensemble des 21 pays de l'APEC (Coopération économique pour l'Asie-Pacifique) et des 30 pays de l'OCDE (le club des pays industrialisés). Nos expéditions augmentent dans certains marchés comme la France, le Mexique ou la Chine, mais globalement, nous assistons à un déclin du " processus d'internationalisation " des entreprises québécoises, peut-on lire dans l'analyse du MDEIE.

Le taux d'ouverture du Québec au commerce extérieur (c'est-à-dire, la part des

exportations et des importations par rapport au produit intérieur brut) confirme cette tendance. Ce ratio a atteint un sommet de 62 % en 2000, pour chuter à 55 % en 2008. Le Mouvement Desjardins estime qu'il pourrait reculer encore à 49 % en 2010.

Malgré tout, le taux d'ouverture demeure supérieur à ce qu'il était avant l'entrée en vigueur du libre-échange canado-américain en 1989 (45 %).

Le Québec évolue à contre-courant. De 2000 à 2005 (les données les plus récentes pour établir des comparaisons internationales), le taux d'ouverture des pays de l'OCDE est passé de 22 à 25 %, tandis celui des économies émergentes, y compris la Chine, l'Inde et certains pays africains, est passé de 35 à 40 %.

Le déclin des exportations québécoises tient en partie à l'envolée du huard, mais d'autres facteurs pèsent dans la balance, disent les experts.

Quatre facteurs qui expliquent le déclin des exportations québécoises.

1. Les entreprises ne sont pas assez productives

La productivité est le nerf de la guerre pour un exportateur. " Si une entreprise innove, mais qu'elle n'est pas capable de fabriquer un produit de façon efficace, elle ne pourra pas exporter ", dit Simon Prévost, président des Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ).

Or, les entreprises québécoises affichent un niveau de productivité inférieur à ses principaux partenaires économiques. Ainsi, en 2008, la production de biens et de services par heure travaillée au Québec s'établissait à 39,60 $ US, par rapport à 41,80 $ US en Ontario, à 44,80 $US au Canada et à 50,70 $ US aux États-Unis, selon le MDEIE.

Les entreprises québécoises affichent aussi un retard important en matière d'investissement dans les technologies de l'information et des télécommunications, de même que pour les machines et le matériel.

Par exemple, de 2000 à 2007, l'investissement dans la machinerie a progressé à un rythme annuel moyen de 3,8 % au Québec, mais de 5,5?%, en Ontario, et de 6 % dans l'ensemble du pays.

2. Beaucoup de R-D, commercialisation déficiente

Les entreprises québécoises sont celles qui font le plus de R-D au Canada, selon Statistique Canada. De 2000 à 2007, leurs dépenses en R-D en pourcentage du PIB ont été systématiquement supérieures à celles des sociétés des autres provinces. Les avantages fiscaux généreux au Québec expliquent en partie cette situation.

Le hic, c'est que les entreprises québécoises éprouvent souvent des difficultés à commercialiser leurs innovations, selon Claude Demers, président de l'Association de la recherche industrielle du Québec. " Par exemple, aux États-Unis, c'est difficile de vendre aux filières industrielles dans les secteurs militaire et de la sécurité civile ", dit-il.

Autre problème lié à la commercialisation : l'insuffisance " d'intelligence économique ". Trop d'entreprises fabriquent encore des produits sans savoir vraiment qui les achètera à l'étranger (pays, secteurs, entreprises), et surtout à quelles conditions (prix, caractéristiques des produits).

3. Environnement d'affaires défavorable

Le problème ne se situe pas sur le plan de la fiscalité des grandes sociétés. En 2009, le taux d'imposition du Québec (11,9 %) était inférieur à celui de l'Ontario (14 %), selon l'Institut C.D. Howe.

En revanche, celui des PME québécoises (8 %) est deux fois plus élevé que la moyenne canadienne, ce qui est problématique compte tenu du nombre élevé de PME exportatrices dans la province.

La réglementation représente un enjeu, selon Norma Kozhaya, directrice de la recherche et économiste en chef au Conseil du patronat du Québec (CPQ). " Les entreprises nous disent que l'environnement d'affaires est plus contraignant au Québec ", dit-elle.

Selon le CPQ, les entreprises québécoises paient par année plus de 15 milliards de dollars (G $) en taxes sur la masse salariale, soit plus qu'en Ontario, et ce, qu'elles soient rentables ou non. À titre comparatif, c'est trois fois plus que les 5 G$ d'impôts sur les sociétés versés au gouvernement du Québec.

4. Nos principaux secteurs d'exportation sont en déclin

Plusieurs de nos principaux secteurs d'exportation sont des secteurs dits traditionnels ou " mous ", où la demande est de moins en moins forte, et pas seulement en raison de la conjoncture économique.

Le papier journal en est un bon exemple. Ce secteur est frappé de plein fouet par la révolution numérique. D'autres secteurs sont aussi en déclin, comme le meuble, notamment en raison de la concurrence des pays émergents.

Cela dit, une transition s'est amorcée de 1998 à 2008, selon les MEQ. Ainsi, les produits à faible intensité technologique (textile, bois, papier) occupent une part moins importante dans nos exportations, tandis que ceux à moyenne intensité sont en progression (aliments, pièces automobiles, métaux transformés).

Les produits à haute intensité, comme les avions et autres véhicules aériens, sont demeurés relativement stables, représentant toujours près de 20 % des exportations totales.

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