Pour l'amour du risque


Édition du 26 Janvier 2019

Pour l'amour du risque


Édition du 26 Janvier 2019

«Seuls ceux qui prennent le risque d'échouer spectaculairement réussiront brillamment», a dit Robert F. Kennedy. Plus le risque est grand, meilleure est la récompense. Pourtant, dans l'univers de la gestion des ressources humaines, c'est une notion très relative. Si on s'entend généralement sur le fait que les meilleurs leaders sont ceux qui ont le courage de prendre de beaux risques, force est de constater que ceux qui s'exposent le plus dans leur carrière sont des bêtes rares. De plus, les organisations rechignent souvent à promouvoir un individu qui ne détient pas toutes les compétences requises dans une description de poste aussi ambitieuse qu'illusoire tant la liste des prérequis est longue et même parfois contradictoire. Avez-vous déjà rencontré un leader qui sait faire preuve autant de vision que d'un sens du détail acharné ? D'une capacité à innover tout en restant conservateur en protégeant les acquis ?

Au sein des comités de direction comme des conseils d'administration, on récompense seulement la prise de risque lorsqu'elle mène au succès, mais on la sanctionne si elle conduit à l'échec. Du coup, à la longue, le courage se fane, l'ambition s'étiole et la peur s'installe insidieusement et jette de l'ombre sur un monde de possibilités. Le PDG ou les membres du comité de direction font plaisir à leurs administrateurs et aux actionnaires et taisent leurs idées folles. Ils savent qu'ils risquent trop gros. Leur job. Leur carrière. Leur réputation. Et ils jettent aux poubelles des projets porteurs et innovateurs. Ils sacrifient leurs rêves au profit de la sacro-sainte performance trimestrielle.

La recruteuse que je suis se demande souvent : pourquoi faut-il toujours avoir été avant d'être ? Pourquoi favorise-t-on toujours les candidats «qui l'ont déjà fait» ? Il y a bien toujours une première fois, n'est-ce pas ? Pas le droit à l'erreur me répondrez-vous. Pourtant, prendre des risques est garant de l'innovation. C'est la peur de l'échec qui nous empêche d'avancer. Or, l'erreur est humaine et c'est dans les échecs que l'on apprend. Au lieu de tout vouloir paramétrer, systématiser, on oublie qu'il y a dans l'acte de recrutement une part d'inconnu, un pari à prendre sur un individu. Reconnaître le talent, flairer le potentiel est un art qui se développe et se maîtrise quand on regarde au-delà du court terme. Mais parce que nos organisations évoluent dans du «court-termisme», on ne s'autorise pas à voir plus loin que le bout de notre nez.

Je relis régulièrement l'excellent Feel the fear and do it anyway, de Susan Jeffers, publié en 1987. J'aime particulièrement quand elle écrit : «Rappelez-vous que toutes nos peurs sont nourries par un manque de confiance en nous-mêmes.» Tout est là. La prise de risque autant pour un individu que pour une organisation repose sur la confiance qui nous habite et que l'on fédère. À ce chapitre, mes amis financiers, friands de formules scientifiques pour calculer les risques, aimeront cette formule. C'est l'indice pour calculer votre facteur de crédibilité et de confiance, qui vous mènera au succès dans vos prises de risques :

E = CONFIANCE+FIABILITÉ+PROXIMITÉ

Intérêt personnel

Notez-vous de 1 (pas du tout) à 100 (excellent) pour chaque item en vous demandant si vous inspirez confiance, si vous êtes fiable et si vous êtes accessible (c'est-à-dire proche de vos clients, de vos employés, de vos partenaires, etc.). Ensuite, divisez la somme des trois composantes par le dénominateur commun de votre propre intérêt personnel entre 1 (très bas) et 100 (très haut). Le score parfait doit se rapprocher de 300.

Si ce dernier est quasiment impossible à atteindre, sachez, chers lecteurs, que plus vous vous en rapprochez, plus vous inspirerez confiance, vous serez crédible, et surtout... plus vous prendrez les bons risques pour vous et pour les autres. Le secret est de laisser votre ego de côté. C'est lui qui vous met à risque de craindre l'échec.

Alors, pour l'amour du risque, accepterez-vous de vous laisser aller à un peu d'altruisme et d'authenticité ?

À propos de ce blogue

Nathalie Francisci est présidente exécutive pour le Québec chez Gallagher. Elle oeuvre en recrutement de cadres depuis 25 ans. Entrepreneure, experte en gestion des talents, elle est reconnue comme l’une des références au Québec. Femme d’affaires engagée, elle siège sur plusieurs CA. Conférencière et chroniqueuse, ses interventions font la différence par l’énergie et style direct qui s’en dégagent. Passionnée par nature, elle n’oublie jamais qu’elle travaille avec des gens, pour des gens. Elle partagera avec vous ses réflexions et expériences sur l’univers du recrutement et de la gestion des talents pour faire réfléchir autant les individus que les organisations. Nathalie Francisci a été Finaliste au Concours des Mercuriades en 2001, elle a reçu le Prix «Nouvelle Entrepreneure du Québec» en 2001 et «Entrepreneure – petite entreprise» en 2007 décerné par le RFAQ et elle a remporté le Prix Arista en 2008. Elle porte les titres de CRHA et de IAS.A.

Nathalie Francisci
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