Pierre Marc Tremblay : une expansion qui a du piquant

Publié le 01/03/2009 à 00:00

Pierre Marc Tremblay : une expansion qui a du piquant

Publié le 01/03/2009 à 00:00

Au lieu d'amorcer son expansion hors Québec en Ontario, le président de la chaîne de restaurants italiens Pacini met le cap sur Calgary. Une décision qui étonne les experts.

Pierre Marc Tremblay prévoit investir de 1,5 à 2 millions de dollars pour inaugurer une franchise dans la capitale canadienne du pétrole d'ici la fin de l'été 2009. Ce premier établissement Pacini hors Québec doit donner le ton pour ceux qui suivront. Il est situé à proximité de plusieurs hôtels et, si tout se déroule comme prévu, il devrait générer des revenus annuels de 3,25 à 5 millions de dollars. En tenant compte des autres ouvertures prévues au Québec, l'effectif de Pacini (700 employés) grimpera de 10 à 20 % en 2009.

Ce qui étonne au premier coup d'oeil, c'est l'endroit où se fera cette première percée hors Québec. Pourquoi ne pas commencer par l'Ontario, comme l'a fait Cora, la chaîne de restaurants spécialisés dans les petits-déjeuners, il y a quelques années ?

Selon Pierre Marc Tremblay, le style de cuisine italienne moyen et haut de gamme offert dans ses établissements - pâtes raffinées, huile d'olive maison, etc. - convient tout à fait au marché de Calgary. "Nous croyons que le multiculturalisme de l'Ouest rend cette région très ouverte à notre produit. On y trouve énormément d'étrangers et de Québécois, deux clientèles qui nous sont déjà acquises." Il ajoute que "Pacini adopte une approche plus européenne que la plupart des chaînes que l'on trouve en Ontario, comme Olive Garden et Boston Pizza, qui affichent un style plutôt américain".

Cette croissance vers l'Ouest ne sert pas que des visées expansionnistes. Elle vient aussi appuyer le virage amorcé par Pacini, d'une restauration de type familial vers des établissements plus raffinés. "Nombre de gens ne connaissent pas encore le nouveau Pacini. Dans l'Ouest, nous arrivons dans un marché vierge avec notre nouvelle approche. Par exemple, en même temps que nous inaugurerons notre premier restaurant, nous vendrons nos huiles et nos épices dans les supermarchés. Les clients découvriront tout d'un seul coup. Nous voulons les initier à la pureté du concept Pacini."

Le concept "pureté-qualité" de Pacini se concrétise entre autres dans l'offre d'aliments sains. La composition du menu a d'ailleurs été revue il y a quelques années déjà. Une décision qui pourrait rapporter gros auprès de la clientèle de Calgary. "Là-bas, une loi limite à 2 % la teneur en gras trans des huiles et des margarines utilisées dans les restaurants. Nous faisons encore mieux que cela, car nos ingrédients ne contiennent aucun de ces gras. Du coup, nous bénéficions d'un avantage indéniable dans ce marché."

Va pour le style de vie. Encore faut-il que la stratégie soit solide sur le plan de l'exploitation. Le PDG estime que ce marché ciblé, peu saturé, le servira bien. "En ouvrant un Pacini à Calgary, je propose une approche presque totalement nouvelle. Cette ville compte moins de restaurants indépendants que l'Ontario. La croissance économique rapide et chère liée au boom pétrolier a fait que ce sont surtout les grandes chaînes qui ont réussi à s'y installer."

Ce nombre limité de concurrents donne d'ailleurs un autre argument à Pierre Marc Tremblay pour justifier son choix géographique : "Le secteur de la restauration moyen et haut de gamme est beaucoup moins développé en Alberta. Nous serons parmi les premiers, ce qui constitue un avantage certain. De plus, en Ontario, le marché des épiceries aurait été plus difficile à percer pour nos produits maison".

Et puis, le grand chef de Pacini ne se sent pas seul dans sa ruée vers l'Ouest. Il a des alliés grâce auxquels il se sent bien entouré. "Notre distributeur est le même qu'au Québec : il s'agit de Gordon Food, une société américaine. Un de nos fournisseurs est Gadoua, dont les produits sont fabriqués par Weston, une entreprise bien établie dans l'Ouest. Nos franchisés locaux possèdent des hôtels. Ce sont des gens d'expérience qui connaissent la population. Et nous construisons déjà la structure nécessaire pour développer tout un réseau."

L'ambition aura toutefois son prix, admet Pierre Marc Tremblay. "Nous ferons moins de profits en ouvrant un restaurant à Calgary qu'en le faisant ici. Mais nous préparons le terrain pour mieux revenir vers l'Ontario. Et lorsque nous aurons acquis de la notoriété ailleurs au Canada, les Ontariens nous reconnaîtront."

Si tout va bien, Pacini déploiera aussi sa bannière végétarienne Commensal à l'extérieur du Québec. "À notre avis, elle a un potentiel extraordinaire", affirme le dirigeant.

Croître en pleine crise économique peut sembler risqué. Pas selon Pierre Marc Tremblay. Il considère plutôt que la fin du boom pétrolier présente des avantages. "Nous passons d'une période de surchauffe à une économie plus normale et non à une récession, comme c'est le cas ailleurs au pays. Il est plus facile de trouver des employés. Mes partenaires me disent qu'ils observent une pression à la baisse sur les prix et une augmentation de l'espace disponible et des ressources pour construire. Plus le ralentissement sera marqué, plus notre implantation se fera rapidement ! Il n'y aura peut-être pas 22 nouveaux restos à Calgary cette année, et faire partie de ceux qui s'installent est une bonne chose."

S'il fallait résumer en un mot la réaction des deux experts consultés sur cette stratégie d'affaires, le plus approprié serait l'étonnement.

"S'installer à Calgary est une bonne idée, mais je ne comprends pas pourquoi ils ne vont pas à Toronto d'abord, lance Richard Fontaine, professeur au Département des sciences comptables à l'Université du Québec à Montréal. Quand j'étais vice-président chez Cora, nous avons ouvert des établissements en Ontario. Logiquement, nous visions les Maritimes et l'Ontario avant l'Ouest. Pacini réussira bien à Calgary, mais je ne suis pas d'accord avec leur décision de sauter par-dessus l'Ontario."

Le professeur adhère peu à l'idée que des différences culturelles favorisent l'Ouest et il craint que la distance nuise à Pacini. "Les Canadiens ne sont pas si différents les uns des autres. De plus, un franchisé a besoin de soutien, et gérer des franchises à distance n'est pas évident. Envoyer l'équipe de soutien coûtera plus cher."

Harold Simpkins, qui enseigne la publicité et les communications intégrées à l'École de gestion John-Molson de l'Université Concordia et qui travaille comme consultant à des mandats en restauration et en alimentation, ne cache pas non plus sa surprise. "De prime abord, cela me paraît étrange. Normalement, on commence à prendre de l'expansion en s'implantant à Ottawa, puis à Toronto, Hamilton, dans les Maritimes et le Manitoba, et on pousse ensuite vers l'Ouest."

Les Ontariens sont-ils trop américanisés pour apprécier une chaîne de restaurants qui se veut plus européenne ? "C'est la première fois que j'entends cela, répond Harold Simpkins. Je crois que Calgary aussi est une ville américanisée, du moins comparativement au Québec. Au contraire, Toronto a une importante population d'origine italienne récemment immigrée ou pas, ce qui assure un potentiel."

Malgré ces bémols, les deux experts reconnaissent que la conjoncture économique joue en faveur de Pacini pour qu'elle s'installe en Alberta. "Cela constitue un avantage. L'expansion économique et la pénurie de main-d'oeuvre nuisaient à la restauration, indique par exemple le professeur Fontaine. Les pétrolières accaparaient les travailleurs non qualifiés, aux dépens des autres industries. Il sera aussi plus facile de trouver des franchisés. De plus, les clients veulent s'offrir de bons repas dans des restaurants à prix raisonnable, malgré le pessimisme ambiant."

Harold Simpkins souligne que Calgary procure à Pacini un atout sur le plan marketing. "Dans une ville plus petite, il est plus facile de faire circuler votre message. À Toronto, les médias sont beaucoup plus concentrés, et il est donc plus difficile de faire du bruit. C'est la même chose pour l'industrie de la restauration : la concurrence rend la croissance plus ardue."

Les raisons de douter du succès d'une telle entreprise sont nombreuses et l'occasion d'affaires est bien alléchante. Reste à voir si, dans un an et des poussières, Pierre Marc Tremblay dira "Tchin-tchin" ou "Ciao !" à Calgary.

Pierre Marc Tremblay

sera honoré en novembre 2009 au Gala du Commerce en compagnie des autres Audacieux. Les profits de ce gala serviront à remettre des bourses d'études.

finances@munger.ca

L'ENJEU

IMPLANTER

la chaîne de restaurants Pacini hors Québec.

LA STRATÉGIE

OUVRIR

un premier restaurant à Calgary au lieu de commencer par l'Ontario.

LE MONDE

RÉPANDRE

le style "cuisine italienne authentique" adopté récemment.

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