Menace de crise bancaire en Chine

Publié le 29/08/2009 à 00:00

Menace de crise bancaire en Chine

Publié le 29/08/2009 à 00:00

Par François Normand

La bulle du crédit qui prend forme en Chine inquiète de nombreux experts. Ils ne prévoient toutefois pas une catastrophe semblable à celle qui a frappé le système bancaire américain, il y a un an.

" Les banques chinoises ont certes des problèmes, mais cela n'a rien à voir avec ce que nous avons vu aux États-Unis ", dit Michel Lahaie.

Établi à Hong-Kong depuis près de 30 ans, le président d'Axiom Investment Management est bien au fait de la bulle du crédit qui prend forme en Chine. Mais selon lui, le système bancaire chinois ne risque pas de sombrer comme celui des États-Unis.

La crise américaine, dit-il, a été causée par la " connivence " entre les prêteurs (courtiers hypothécaires, banquiers), la Réserve fédérale et les agences qui garantissent les prêts hypothécaires, comme Fannie Mae et Freddie Mac, pour alimenter une croissance de façon " artificielle et démentielle ".

En Chine, ce sont les banques - la plupart sont contrôlées par l'État - qui sont à l'origine de cette bulle du crédit. Depuis novembre 2008, elles ont accordé massivement des prêts aux entreprises et aux particuliers pour stimuler l'économie, touchée par la chute des exportations et de l'investissement.

Au premier semestre de 2009, ces prêts ont atteint la somme record de 7 370 milliards de yuans (1 078 milliards de dollars américains), soit l'équivalent du PIB de l'Australie. Ce montant équivaut à trois fois le volume de prêts accordés au cours des six premiers mois de 2008.

La situation est préoccupante : les prêts irrécouvrables, qui ne pourront pas être remboursés, sont aussi plus nombreux, comme s'en inquiétait déjà en mai l'agence de notation Fitch.

Réserves accrues pour les pertes sur prêts

L'organisme de réglementation des banques chinoises est préoccupé : le 19 juillet, il a demandé aux prêteurs d'augmenter leurs réserves pour pertes sur créances (le ratio de couverture doit passer de 134 à 150 % d'ici la fin de 2009), en précisant que les risques s'étaient accrus avec l'explosion des prêts.

Robert C. Fauver, président de Fauver Associates, une firme-conseil américaine en économie, soutient que cette situation ne peut plus durer. " Un tel rythme de croissance du crédit est insoutenable dans n'importe quel pays ", soutient-il.

Ces prêts massifs créent aussi une bulle spéculative dans l'immobilier et sur les marchés boursiers. Depuis le début de l'année, l'indice de la Bourse de Shanghai a bondi de 77 %.

Selon M. Fauver, la probabilité d'une crise du crédit a beaucoup augmenté. Une telle crise ferait chuter l'investissement et la croissance économique. Ce serait une bien mauvaise nouvelle pour les entreprises canadiennes, au moment où elles tablent sur une reprise économique mondiale. " Il y aurait moins d'occasions d'affaires ", souligne Hendrix Vachon, économiste chez Desjardins, qui s'inquiète du risque d'inflation en Chine.

Le système bancaire chinois demeure solide

Beaucoup d'analystes exagèrent le risque d'une crise, croit cependant Kishore K. Sakhrani, directeur d'ICS Trust (Asia), une firme de Hong-Kong aidant les entreprises à s'établir en Chine.

" L'augmentation des pertes sur créances ne créera pas une crise financière. La majorité des banques sont contrôlées par le gouvernement; il possède d'importantes réserves financières, et il les utilisera pour qu'aucune banque ne fasse faillite. "

Même son de cloche du côté de Donald Brean, professeur de finance et d'économie à la Rotman School of Management. " Non, il n'y pas de risque d'assister à une crise comme aux États-Unis. "

Aux États-Unis, l'ensemble des institutions financières avaient cessé de se prêter de l'argent en raison des créances irrécouvrables. Or, en Chine, ce scénario est improbable, selon M. Brean.

" La structure du système bancaire chinois ne permet pas ce genre de chose ", dit-il. En Chine, les banques, les compagnies d'assurance et les caisses de retraite sont beaucoup moins interdépendantes qu'aux États-Unis, ce qui réduit le risque.

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Montant, en milliards de dollars américains, des prêts accordés en Chine en première moitié de 2009.

C'est l'équivalent du PIB de l'Australie.

francois.normand@transcontinental.ca

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