Le virage entrepreneurial de Sherbrooke


Édition du 23 Novembre 2013

Le virage entrepreneurial de Sherbrooke


Édition du 23 Novembre 2013

Par Pierre Théroux

Sherbrooke revient de loin. Longtemps dépendante d'industries manufacturières traditionnelles, la ville a pris le virage de l'économie du savoir et de l'innovation. Résultat : après des années difficiles dans la décennie 1990 et au tournant des années 2000, Sherbrooke figure aujourd'hui parmi les villes les plus prometteuses et dynamiques en matière d'entrepreneuriat.

Établi à Sherbrooke depuis près de 20 ans, Mohamed Laaroussi en est à sa troisième entreprise.[Photo: Stéphane Lemire]

Mohamed Laaroussi est arrivé à Sherbrooke avec sa famille il y a près de 20 ans. Venu au Québec pour se lancer en affaires, le Marocain d'origine cherchait un endroit qui lui rappellerait la région française Rhône-Alpes, où il avait déménagé à 18 ans pour poursuivre des études universitaires.

«Je ne voulais pas vivre dans un grand centre urbain. Et je ne pense pas que j'aurais pu en faire autant dans une ville comme Montréal. Je préfère la proximité des réseaux, la rapidité des contacts», dit cet entrepreneur en série qui vient de lancer sa troisième entreprise, E2Metrix.

Sa première entreprise, Americam, spécialisée dans les applications de cartes à puce, a été fondée en 1996 et vendue en 2004 à l'entreprise informatique Isacsoft. Il a ensuite fondé Axes Network Solutions, une entreprise de systèmes de paiement sécurisés dans les casinos, dont il demeure actionnaire minoritaire après l'avoir vendue à des employés.

Puis, Mohamed Laaroussi a délaissé le secteur des technologies de l'information pour se consacrer aux technologies environnementales. Créée en 2011, E2Metrix s'affaire à développer et à fabriquer une technologie de traitement des eaux usées basée sur un procédé d'électrocoagulation, différent des procédés chimiques traditionnels.

«Nous comptons plusieurs brevets et nous sommes présentement en phase de commercialisation», dit M. Laaroussi. L'entreprise, qui cible d'abord le secteur de la transformation alimentaire, a développé des partenariats avec de grandes sociétés comme Olymel et Agropur.

E2Metrix est à l'image du nouveau paysage économique industriel de cette ville de plus de 150 000 habitants. Certes, le secteur manufacturier traditionnel y demeure le plus important, avec quelque 300 entreprises et 8 400 emplois (concentrés dans les domaines des produits métalliques, des produits en plastique et en caoutchouc, de la fabrication de machines ou de meubles, et des aliments et boissons). Mais Sherbrooke mise de plus en plus sur le savoir et l'innovation pour soutenir sa croissance.

«La diversification de l'économie va bon train et on en récolte les fruits», constate Josée Fortin, la nouvelle directrice générale de Sherbrooke Innopole, en précisant que l'organisme avait ciblé des secteurs qui comptaient déjà une masse critique d'entreprises ou un potentiel de développement important grâce à son bassin de chercheurs.

En 2007, dans la foulée d'un sommet économique tenu pour réfléchir à son avenir, la ville a reconnu les secteurs des sciences de la vie, des technologies propres, des technologies de l'information et des communications, et des micronanotechnologies, comme étant des filières clés pour son développement futur.

Pour bien marquer sa nouvelle stratégie économique, l'ancienne Société de développement économique de Sherbrooke a été rebaptisée Sherbrooke Innopole. Et l'organisme avait alors recruté à sa direction Pierre Bélanger, dont la feuille de route comptait la création de Laval Technopole et du Centre québécois d'innovation en biotechnologie.

Le filon des technologies propres

Aujourd'hui, ces secteurs rassemblent 230 entreprises et 6 100 emplois. Sherbrooke s'est même taillé une place importante dans le secteur en croissance des technologies propres. On y retrouve en effet la plus forte concentration au Québec d'entreprises oeuvrant dans le créneau des bio-industries environnementales (énergies verte et renouvelable, revalorisation des matières résiduelles, biomasse).

«Sherbrooke se démarque par la présence de pionniers comme Enerkem, mais aussi de plusieurs entreprises en démarrage qui suivent leurs traces», souligne Mme Fortin.

Comme la jeune société Immune Biosolutions, qui vient d'obtenir une aide de 250 000 $ de Développement économique Canada pour appuyer le lancement de sa production et de ses activités de commercialisation. L'entreprise se spécialise dans la fabrication d'anticorps à partir d'oeufs, destinés à la recherche biomédicale.

Le secteur des sciences de la vie n'est pas en reste. Des start-ups comme Imeka, qui oeuvre dans l'analyse et la visualisation d'images médicales, ou encore GCS Medical, qui a conçu l'aide chirurgicale AssistArm, témoignent aussi du dynamisme entrepreneurial qui anime Sherbrooke.

Une culture entrepreneuriale

Ces trois jeunes entreprises ont été lancées par des finissants de l'Université de Sherbrooke qui, outre ses programmes de formation, met l'épaule à la roue pour créer une culture entrepreneuriale. «L'université doit aussi favoriser la création d'entreprises», dit Roger Noël, pdg de l'Accélérateur de création d'entreprises technologiques (ACET) qui soutient le développement et le démarrage d'une trentaine d'entreprises, dont Immune, Imeka et GCS Medical.

«La recherche ne doit pas se faire en vase clos. Elle doit aussi contribuer au développement d'entreprises ou de produits», estime Josée Fortin.

L'ACET a été mis sur pied en 2011, à l'initiative de l'Université de Sherbrooke, afin justement de jouer un rôle de tremplin entre l'université et l'aventure entrepreneuriale. Lui-même entrepreneur en série, et ancien doyen de la Faculté d'administration de cette université, Roger Noël a même convaincu des entrepreneurs de renom comme Laurent Beaudoin, de Bombardier, de consacrer temps et argent à ce nouvel organisme.

Pour attiser la flamme entrepreneuriale chez les jeunes, Sherbrooke Innopole a mis en oeuvre la campagne Entreprendre Sherbrooke, qui lui a permis de rencontrer plus de 2 000 finissants des cégeps et universités de la région. «Nous voulions souligner que la création d'entreprises est une des options qui s'offrent à eux quand ils terminent leurs études», explique Marie-Ève Poliquin, directrice des communications de Sherbrooke Innopole.

Du labo à l'entreprise

Les centres de recherche représentent d'ailleurs un terreau fertile à la création. L'un d'eux est le nouvel Institut interdisciplinaire d'innovation technologique (3IT), implanté dans le Parc Innovation de l'Université de Sherbrooke. Le 3IT travaille aussi à l'accélération des transferts technologiques dans les secteurs des technologies médicales, des technologies de l'information et de la communication, de même qu'en transport et en énergie.

Le Centre de recherche clinique Étienne- Le Bel du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS), qui doublera sa superficie d'ici 2014, est aussi appelé à contribuer à l'essor entrepreneurial. Sa présence ainsi que le développement d'un secteur des sciences de la vie ne sont pas étrangers à l'arrivée des Laboratoires Charles River en 2009, à un jet de pierre du CHUS.

La multinationale américaine de Boston, qui teste des médicaments pour l'industrie pharmaceutique, devait accroître ses activités de recherche préclinique déjà implantées dans la région montréalaise.

«Nous avions besoin d'un nouveau bassin de main-d'oeuvre spécialisée, et Sherbrooke, avec son expertise technique et scientifique dans les sciences de la vie et ses institutions d'enseignement, s'est imposée comme un choix logique», dit Michael Broadhurst, directeur général du site sherbrookois.

Le secteur manufacturier traditionnel, qui occupait de 20 à 25 % des travailleurs de la région métropolitaine de Sherbrooke il y a 10 ans comparativement à environ 13 % aujourd'hui, n'est pas pour autant délaissé. Des initiatives comme Défi Innovation Estrie ont été mises sur pied pour aider ces entreprises à «prendre le virage innovation, à développer des produits ou des procédés qui améliorent leur compétitivité», explique François Crevier, directeur adjoint de ce service d'accompagnement créé en 2009.

L'entreprise Portable Winch, un fabricant de treuils portables qui exportent dans une trentaine de pays, a fait appel aux services de Défi Innovation Estrie pour implanter une telle culture chez tous les employés. «Nous avons mis en oeuvre des processus de création et de développement de produits qui se faisaient avant de façon plus ou moins organisée», explique le vice-président de l'entreprise, Christian Pelletier.

Anik Beaudoin, du resto-bistro Auguste [Photo: Stéphane Lemire]

Un centre-ville au goût du jour

Le nouveau dynamisme économique de Sherbrooke et l'émergence de jeunes entreprises du savoir se reflètent aussi dans la revitalisation de son centre-ville. Au printemps 2008, le chef Danny St-Pierre et sa compagne Anik Beaudoin quittaient Montréal pour y ouvrir le resto-bistro Auguste.

«On sentait bien l'effervescence de la ville et la volonté des gens de se réapproprier le centre-ville», explique Mme Beaudoin, qui a saisi l'occasion d'y ouvrir un bistro de quartier sur la rue Wellington, devenue plus accueillante et animée.

La Sherbrookoise d'origine, dont le père possédait des immeubles commerciaux dans le centre-ville, se rappelle en effet une époque où le «centre-ville faisait peur», avec ses nombreux commerces abandonnés et vitrines placardées.

Avec un chômage inférieur à la moyenne provinciale (7,3 % comparativement à 7,6 % pour septembre), Sherbrooke affiche aujourd'hui un tout autre visage.

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