Gérer sa ville comme une entreprise

Publié le 01/11/2009 à 00:00

Gérer sa ville comme une entreprise

Publié le 01/11/2009 à 00:00

Les maires de Québec et de Vancouver gèrent leurs villes comme des entreprises. Et ça marche. Le prochain maire de Montréal devrait-il s'inspirer d'eux ?

Le 1er novembre prochain, toutes les municipalités du Québec choisiront leur nouveau maire. À Montréal, le gagnant n'aura pas l'occasion de célébrer bien longtemps. Il a du pain sur la planche. Selon une étude des villes les mieux gérées et des villes les moins bien gérées au Canada publiée récemment par le magazine Maclean's, Montréal se classe 21e, dépassée par des villes telles que Longueuil (5 e), Saskatoon (2 e), Gatineau (12e) et même Sudbury (13 e). Vancouver (4 e) et Québec (9 e) se placent loin devant. Depuis les défusions municipales de 2006, la deuxième ville du pays détient la réputation d'être ingérable et dépassée. Qui pourra lui redonner son panache ? Peut-on trouver l'inspiration ailleurs au pays ?

Le maire de Vancouver, Gregor Robertson, élu en novembre 2008, se propose de faire de sa ville la cité la plus verte du monde d'ici 2020. Et à Québec, Régis Labeaume, maire indépendant élu en décembre 2007, a mené les fêtes du 400 e anniversaire de la ville à un succès inattendu, et semble se diriger facilement vers un deuxième mandat.

Si Gregor Robertson fait partie de cette nouvelle génération d'écologistes ouverts sur le monde et branchés sur les nouvelles technologies, Régis Labeaume représente pour sa part une tradition d'entrepreneuriat qui a fait ses preuves. Malgré leurs différences, l'un et l'autre partagent la même vision de la chose municipale : une ville doit être gérée comme une entreprise. Ils démentent les propos de ceux qui considèrent que la politique municipale se résume à la gestion des déchets et à la réparation des routes.

L'effet Robertson

À l'hôtel de ville de Vancouver, depuis un an, on carbure aux rapports et aux études de faisabilité pour faire de Vancouver la ville la plus verte d'ici 2020 et pour régler le problème de l'itinérance d'ici 2015. C'est que le maire Gregor Robertson, partisan d'une approche globale qui inclut économie, environnement et justice sociale, a décidé d'en faire ses priorités. "Mon rôle est d'offrir des objectifs clairs et une vision pour le futur qui engagera les citoyens", explique-t-il à Commerce.

Un an plus tôt, l'homme d'affaires devenu politicien était accueilli en sauveur par les Vancouvérois. Il faut dire que son arrivée tombait à pic : son prédécesseur, Sam Sullivan, le premier maire paraplégique du Canada, était mêlé à une grève des employés municipaux de trois mois et à une guerre intestine au sein de son parti. Traité de "néophyte de la politique municipale" par ses détracteurs, Gregor Robertson parvient rapidement à s'imposer à Vision Vancouver et à développer une alliance avec d'autres partis municipaux. Le 15 novembre 2008, c'est le raz-de-marée ! Gregor Robertson est élu, et la coalition qu'il dirige remporte neuf des 10 sièges du conseil municipal.

Gregor Robertson lui-même ne se perçoit pas comme un amateur : "Sur plusieurs plans, la politique municipale ressemble beaucoup plus à la gestion d'une entreprise qu'à un régime de démocratie parlementaire", explique le maire, rencontré dans son bureau, situé à proximité de la rue Cambie. "C'est utile de pouvoir apporter mon expérience des affaires à la ville, ajoute-t-il. Et puis, le développement et l'entrepreneuriat n'ont pas été les forces du conseil municipal de Vancouver ces dernières années."

Né à Vancouver, Gregor Robertson a eu un parcours atypique. Dans les années 1980, en quête de lui-même, il parcourt l'océan Pacifique pendant 18 mois avec sa femme Amy. À leur retour, ils achètent une ferme laitière à l'est de Fort Langley et la convertissent en ferme biologique. En 1992, Gregor Robertson et un ami du secondaire fondent Happy Planet Foods Inc., une entreprise qui compte aujourd'hui une cinquantaine d'employés et qui vend du jus biologique dans tout le Canada. En 2005, inspiré par les manifestations contre l'Organisation mondiale du commerce (OMC) de Seattle, il se lance en politique provinciale. En tant que politicien, on le dit sincère, amateur de consensus, mais peu loquace avec les médias et peu charismatique. Pourtant, il twitte, joue du tuba, se rend au travail en vélo et plaît aux générations X et Y.

Sa première année au pouvoir se résume à de petits gestes qui montrent que son administration n'oublie pas ses engagements électoraux. "Nous avons connu plusieurs succès rapidement et cela nous a donné un certain momentum", explique Gregor Robertson. En décembre 2008, le maire négocie avec le premier ministre Gordon Campbell, son ancien opposant politique, pour dégager des fonds destinés à la création d'abris temporaires pour les sans-abris. En l'espace de quelques jours, cinq de ces abris sont aménagés. En juillet, c'est l'ouverture d'une nouvelle piste cyclable sur le pont Burrard, utilisé par les cyclistes et les habitants de Kitsilano, un quartier qui compte une forte proportion d'écologistes.

Cependant, les véritables transformations ont lieu au sein de l'administration municipale. En août dernier, la ville annonçait l'embauche de Sadhu Johnston à titre d'adjoint au directeur de la ville. Cet homme, jusque-là le tsar environnemental de Chicago, est ainsi devenu le premier haut-fonctionnaire de la Ville à s'intéresser vraiment à la question environnementale. Pour Gregor Robertson, c'est plus qu'une question d'environnement : "Des milliards de dollars sont maintenant alloués à l'économie verte. Il faut que nous soyons compétitifs et que nous profitions de ces occasions", dit-il.

La coqueluche des médias

À 5 000 kilomètres de là, Régis Labeaume goûte depuis deux ans à la vie tumultueuse de la mairie de Québec. L'ancien homme d'affaires reconverti en politicien est vite devenu la coqueluche des médias québécois. Régis Labeaume a une opinion sur tout, et il adore la partager. Le maire de Québec a plus d'une raison d'être fier de sa ville. Grâce à un taux de chômage de 5 %, à une des mains-d'oeuvre les plus scolarisées du pays, à des parcs industriels qui affichent complet et à une économie fondée sur le savoir et la créativité, Québec est bien placée pour prospérer au sein de la nouvelle économie. Pour Régis Labeaume, le rôle de maire se résume à peu de choses : "La prise de décision ne me fait pas peur, clame-t-il. J'ai un plan, je l'exécute, je m'explique. Il y a beaucoup de pédagogie collective..."

C'est après que sa fille lui a annoncé qu'elle ne voulait pas revenir à Québec après ses études que Régis Labeaume, un homme d'affaires accompli, a décidé de se lancer en politique. "Elle avait raison. C'était une ville homogène, vieillissante, qui offre peu d'activités culturelles", dit-il. Après une première tentative ratée en 2005, il tente de nouveau sa chance à la suite du décès soudain de la mairesse Andrée Boucher. Le 2 décembre 2007, il rafle 59 % des votes aux élections, à titre d'indépendant !

Dès le départ, le maire fait face à un défi de taille : les fêtes du 400 e anniversaire posaient des problèmes d'organisation. "L'événement fonçait dans un mur. Nous avons retourné la situation", dit-il fièrement. Après avoir nommé l'administrateur Daniel Gélinas à la direction de l'organisme responsable des fêtes du 400 e, le vent tourne. Les fêtes sont une réussite, notamment grâce au passage de Paul McCartney, à celui de Céline Dion, et au Moulin à images de Robert Lepage. "Ces succès nous ont permis de croire que tout était possible", explique le maire.

Son objectif ? Continuer à concentrer les efforts économiques de la Ville vers les arts et les technologies. "Le Moulin à images, c'est l'union de la technologie et de la culture dans sa quintessence, telle que nous voulons l'accomplir", affirme-t-il. À long terme, Régis Labeaume veut faire de Québec la ville la plus attrayante du pays. Mais pour y parvenir, il faut aussi la réorganiser. "Nous avons tellement de territoire que chez nous, le phénomène du bungalow est plus fort qu'ailleurs. Nous devrons entrer dans une ère de densification", continue-t-il.

Québec est aussi la deuxième ville du Canada qui compte le plus de personnes âgées. Pour accueillir des grandes entreprises, elle doit rajeunir sa population. Citant Richard Florida et son livre The Rise of the Creative Class (2002), Régis Labeaume mise sur l'émergence d'une "classe créative" pour attirer une population jeune et dynamique : "Chaque fois que je prends une décision, je me demande si elle me permettra d'attirer de jeunes couples".

À court terme toutefois, Régis Labeaume doit se faire réélire. Cette fois-ci, il a une équipe à ses côtés. "En tant qu'indépendant, j'ai réussi à faire des choses à coups d'astuces et avec l'appui de la population. Je déteste la règle de parti, mais un parti politique génère de la stabilité", reconnaît-il.

Quel avenir pour Montréal ?

Dans l'Ouest comme dans l'Est du pays, les maires affrontent les mêmes défis : capacités de financement restreintes et pouvoirs limités par rapport à ceux des maires américains, qui peuvent agir en rois et maîtres. Malgré des moyens et un pouvoir limités, l'époque où la gestion d'une ville se résumait à gérer des déchets, à réparer des routes et à installer des feux de circulation est révolue. Les maires d'aujourd'hui doivent donner l'exemple en économie, en environnement et sur le plan des services sociaux pour rendre leur ville accueillante. Car dans le monde municipal comme dans le monde des affaires, la concurrence est mondiale. Le prochain maire de Montréal en aura lourd sur les épaules.

francisplourde@mac.com

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