Cinq expatriés saluent la culture entrepreneuriale du Québec


Édition du 09 Décembre 2017

Cinq expatriés saluent la culture entrepreneuriale du Québec


Édition du 09 Décembre 2017

Par Matthieu Charest

Selon l'indice entrepreneurial 2016 du Réseau M, 17,5 % des immigrants ont déjà entamé des démarches entrepreneuriales, contre 9,8 % de la population en générale. Pourquoi les immigrants se lancent-il en affaires ? Quelles sont les différences qu'ils ont remarquées entre leur terre d'accueil et leur terre natale ? Nous avons pris le pouls de cinq expatriés de partout dans le monde, devenus entrepreneurs au Québec.

Marie-Gabrielle Ayoub

Pays d'origine : France
Née à : Sucy-en-Brie (près de Paris)
Âge : 40 ans

Née en région parisienne, Marie-Gabrielle Ayoub effectue un échange scolaire à Bristol, au Royaume-Uni, afin d'apprendre l'anglais. Plus tard, elle part travailler à Los Angeles et dans la Silicon Valley avec son conjoint, avant de retourner en France. Sitôt rentrés, ils ne cessent de penser à repartir à l'aventure. Elle obtient un PVT (permis vacances-travail) et se prépare à partir pour le Québec. Elle débarque en octobre 2004, et c'est le coup de foudre. «C'est extraordinaire à quel point les gens savent accueillir. Ici, j'ai découvert ce qu'était la bienveillance. Les gens me semblent plus heureux, plus avenants, plus souriants.» Cela posé, elle reconnaît qu'il est plus difficile de se faire des amis québécois, car il est très complexe de tisser des liens serrés. Pour s'intégrer, pas de recette miracle. «Il faut sortir, joindre des groupes, s'adonner à des activités. Au Québec, l'importance de bâtir et d'entretenir ton réseau, c'est capital.» Sur le plan professionnel, cependant, elle trouve que la hiérarchie est beaucoup moins présente qu'en France. «Les gens veulent t'aider. Ça te donne envie de te dépasser.» Elle travaille près de 10 ans en communications à l'Institut Douglas, avant de se lancer en affaires. Avec son frère Antoine, elle importe d'Europe le concept du Wagon, une école de formation intensive de programmation informatique. «C'est le Québec qui m'a donné l'envie et l'impulsion d'entreprendre. Ici, si tu échoues, ce n'est pas la fin du monde. Tu te relèves et tu réessayes.» Le concept de conciliation travail-famille, qu'elle trouve très avancé ici, rend possible le fait d'entreprendre, croit-elle. Je travaille beaucoup, oui, mais j'ai le temps de m'occuper de mes deux enfants, car je peux quitter le travail à 17 h sans me faire juger.»

Scott Roberts

Pays d'origine : Australie
Né à : Brisbane
Âge : 38 ans

«Comme tout bon Australien, je suis parti faire le tour du monde», raconte Scott Roberts, sourire aux lèvres. Après douze mois à l'extérieur de son île natale, il revient dans la ville où il a été élevé, Sydney, et étudie en design. Une fois son diplôme en poche, il part travailler à Londres, au sein d'une petite agence de publicité où il s'occupe de l'image d'une poignée de marques de luxe. Dans la capitale britannique, il rencontre Roxanne, une Québécoise dont il tombe amoureux. Après quelques années, il accepte de la suivre à Montréal. «Je ne connaissais rien du Québec. À part la neige (rires) et la dualité culturelle.» Qu'à cela ne tienne, il débarque ici et entame au plus vite des cours intensifs de français. «J'ai suivi des cours de français pendant huit mois. C'est à peu près gratuit, et c'est impératif, dit-il. Le fait de ne parler qu'anglais est un obstacle, surtout en affaires. Et si les gens voient que tu essayes, ils apprécient beaucoup, et cela fait une énorme différence dans les relations interpersonnelles.» Outre la langue, «qui est la plus grande difficulté», il y a aussi le défi de l'intégration. Pour s'ouvrir sur sa société d'accueil, il s'assure de vivre dans l'est de la métropole, à Rosemont, où le français domine. Pour tisser des liens, il met sur pied une équipe de rugby. Une façon aussi d'importer des traditions australiennes au Québec. Sur le plan professionnel, il crée sa propre agence de design, Studio Helm, qui compte d'anciens clients qui l'ont suivi, et de nouveaux, qu'il a trouvés au Québec. «C'est un bon endroit pour démarrer une TPE, dit-il, mais encore une fois, mieux vaut parler français. Quand tu appelles Revenu Québec, ils exigent presque que tu leur parles en français. Ça m'a beaucoup surpris. Les côtés positifs du démarrage d'entreprise ici surpassent toutefois les obstacles», pense-t-il. D'abord, la qualité de vie est supérieure. «Ici, ta vie professionnelle n'empiète pas sur ta vie personnelle, les gens respectent ça, ils ne travaillent pas, en général, comme des fous.» C'est aussi plutôt simple sur le plan administratif de démarrer une entreprise, et surtout, souligne Scott Roberts, les Québécois sont très créatifs. «C'est très inspirant pour un designer.»

Mérichel Diaz

Pays d'origine : Mexique
Née à : Mexico
Âge : 33 ans

C'est en 2010 que Mérichel Diaz arrive au pays. Elle y était déjà venue pour étudier, elle y avait donc déjà développé un réseau. Cependant, si cette fois elle quitte son pays natal, c'est d'abord par amour et pour y poursuivre sa carrière en import-export. Après quelques années dans cette industrie, elle en a assez. «Je ne pouvais pas imaginer continuer dans ce domaine pour toujours. Je savais que j'étais une entrepreneure. Quand je me suis sentie bien intégrée, notamment grâce à un programme de francisation à l'UQAM, j'ai fait le saut.» Loin de son pays, de sa famille, de sa culture, sa présence ici doit en valoir la peine, pense-t-elle. Elle quitte son emploi et trouve du soutien auprès de Futurpreneur, du SAJE, du Réseau M et de l'incubateur Entreprism de HEC Montréal. Son hobby, fabriquer des savons, devient alors son gagne-pain. Son entreprise de savonnerie, Maya Mía, utilise plusieurs ingrédients importés du Mexique, où elle tient à encourager les producteurs locaux. Dans son pays d'origine, toutefois, «il n'y a qu'une façon de faire des affaires. C'est très formel. Ici, je sens que je peux être moi-même. Et j'aime ce pays. Je m'y sens en sécurité. J'aime le style de vie.» Contrairement au Mexique, elle trouve le processus de démarrage d'entreprise très simple. Il y a un chemin tracé à l'avance, il n'y a qu'à le suivre. «Tout est bien organisé. Ici, j'ai confiance dans les institutions gouvernementales et dans les processus administratifs», dit-elle. Quant à la question de l'intégration, «la clé, c'est d'apprendre le français. Mais je m'intègre aussi grâce à mon entreprise. C'est sûr que c'est gênant de discuter dans une autre langue que la tienne, c'est stressant. Mais avec le temps, ça s'améliore».

Ingrid Agbato

Pays d'origine : Bénin
Née à : Cotonou
Âge : 39 ans

Ingrid Agbato quitte son Bénin natal à 26 ans pour poursuivre ses études scientifiques au Québec, pendant deux ans, tout au plus, pense-t-elle alors. À l'Université de Montréal, elle étudie à la maîtrise, puis au doctorat, en sciences biomédicales. Cependant, son directeur de recherche perd les fonds octroyés à son laboratoire et n'a plus le temps ni les ressources pour corriger sa thèse. S'ensuit une période de vide dans son parcours. «J'avais soudainement beaucoup de temps. Je me sentais désoeuvrée. Alors, je me suis dit que je ne pouvais pas rester là, dans l'attente. Je devais essayer autre chose.» Petit à petit, elle se met à concevoir des vêtements et des articles de mode, pour passer le temps et habiller sa fille. Autour d'elle, cependant, la demande pour ses produits grandit. Elle se met donc à bâtir son entreprise, Coo-Mon, qui conçoit et distribue des articles de mode inspirés de tous les continents. «Je n'avais rien à perdre, dit-elle. Si je reculais, je fonçais dans un mur. J'ai donc suivi une formation de démarrage d'entreprise au SAJE et j'ai foncé.» Ces cours et ces formations lui ont aussi permis d'interagir, d'échanger avec d'autres et d'enrichir ses idées. «Au Bénin, les gens gardent leurs attentes et leurs projets pour eux. Ici, il faut parler de ses buts au plus grand nombre possible, tu ne sais jamais qui pourra t'aider.» Au Québec, elle déplore que trop souvent, l'aide aux entrepreneurs soit souvent destinée aux jeunes seulement. «Pourtant, plusieurs personnes veulent se lancer en affaires pour la suite de leur carrière.» Le Québec est aussi trop frileux quant au goût du risque, qu'elle trouve plus développé dans le reste de l'Amérique du Nord, ou même en Afrique, bien que ce soit souvent par nécessité. Le rapport à l'argent est aussi «très tabou ici», s'étonne-t-elle. Au final, toutefois, «j'ai appris à cesser de comparer les cultures du Bénin et du Québec. Ce sont deux codes différents et c'est bien comme ça. Comme immigrante, tu dois faire un effort pour aller à la rencontre de l'autre, le saluer. C'est trop facile de s'isoler».

Renaud Margairaz

Pays d'origine : Suisse
Né à : Lausanne
Âge : 29 ans

Fan «fini» de la musique québécoise, notamment des Cowboys Fringants et des Colocs, Renaud Margairaz participe à un échange étudiant à HEC Montréal en 2008. «Je ne savais pas du tout dans quoi je m'embarquais !» Très vite, il est frappé par les différences culturelles. «D'abord, j'étais très surpris que mon prof se mette à me tutoyer, et puis la culture entrepreneuriale m'a épaté. J'ai l'impression qu'ici, c'est valorisé de prendre des risques. Au pire, ça ne fonctionne pas; le monde ne s'arrêtera pas de tourner. Et puis, en Suisse, pourquoi prendrais-tu des risques alors que si tu as fait les bonnes écoles, tu peux devenir cadre chez Nestlé pour un salaire dans les six chiffres ?» Il quitte le Québec après son échange universitaire, termine sa scolarité et part travailler en Asie et au Mexique. Il retient cependant du Québec l'idée d'une terre où tout est possible. Son réseau y est déjà développé, et il sent qu'il pourra y atteindre son plein potentiel : il choisit d'y revenir en 2014 après avoir obtenu un visa de travail. En quelques semaines, il obtient un emploi dans une boîte spécialisée dans les stratégies de marque. Au sein de cette entreprise, il développe sa propre offre, une firme de stratégie de marque personnelle. Au fil du temps, il crée sa propre entreprise, Panache, qui se spécialise dans le développement de l'image de marque des personnes, et non des objets ou de grandes marques. «Le branding personnel, ça intéresse beaucoup les Nord- Américains, alors qu'en Suisse, on n'aime pas trop les têtes qui dépassent. Et puis, c'est très simple de démarrer une entreprise ici. J'ai communiqué avec un petit cabinet d'avocats, et quelques heures et quelques centaines de dollars plus tard, j'avais mon entreprise. En Suisse, ça prend des milliers de francs simplement pour ouvrir un compte bancaire.» Autre «choc culturel», les relations interpersonnelles. «Les gens sont très faciles d'accès ici, dit-il, ils t'accueillent les bras ouverts, mais ça prend dix ans avant qu'ils ne les referment. C'est très difficile de te faire de vrais amis. Aussi, les gens évitent de te confronter, ils ne veulent pas te dire "non" même si ça ne les intéresse pas. Ça fait en sorte que c'est très complexe de jauger ton offre et la valeur de ton entreprise.»

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