Célébrer l'échec, le secret de l'innovation dans l'univers des start-ups


Édition du 15 Mars 2014

Célébrer l'échec, le secret de l'innovation dans l'univers des start-ups


Édition du 15 Mars 2014

«Je pense que c'est important que des gens comme moi n'aient pas peur de parler de leurs échecs» - Jean-Sébastien Cournoyer

On ne peut pas plus faire des omelettes sans casser des oeufs qu'innover sans connaître l'échec. Pourtant, à l'extérieur de la Silicon Valley, les innovateurs parlent avant tout de leurs réussites. On n'apprend donc pas de leurs erreurs et on a tendance à sous-estimer la difficulté de ce qu'ils ont accompli.

C'est pour mettre un terme à ce cercle vicieux qu'a été organisé FailCamp MTL, un colloque sur l'échec, à la fin de février à Montréal.

«Je pense que c'est important que des gens comme moi n'aient pas peur de parler de leurs échecs», explique Jean-Sébastien Cournoyer, qui a confié durant FailCamp avoir fondé huit start-ups, dont six ont été des échecs. Il est aujourd'hui associé du fonds en capital de risque Real Ventures, et son travail consiste à inciter la nouvelle génération d'entrepreneurs à «échouer rapidement», une expression consacrée dans le milieu des start-ups.

«Pourchasser l'échec»

Les investisseurs comme Jean-Sébastien Cournoyer n'investissent dans une entreprise que s'ils croient à son potentiel de changer le monde, bref, de devenir le prochain Facebook. Bien que la plupart des jeunes entreprises qu'ils financent échouent, ces investisseurs s'attendent à reprendre leur mise grâce à celles qui réussiront à aller au bout de leur rêve : «Nous, quand on rencontre un entrepreneur, on ne lui demande pas comment il peut réduire le risque, mais comment il peut maximiser l'occasion en prenant plus de risques... On incite les entrepreneurs à pourchasser l'échec», explique Jean-Sébastien Cournoyer.

Pour une entreprise en démarrage, échouer rapidement ne signifie pas abandonner facilement, bien au contraire. Dans les faits, une même start-up teste souvent plusieurs produits ou modèles, qu'elle abandonne rapidement en cas d'échec. Si rien ne fonctionne, ultimement, la start-up ferme ses portes, mais la carrière de son fondateur, elle, est tout sauf terminée : «C'est en se heurtant à ses limites qu'on se dépasse, qu'on découvre son plein potentiel», soutient Jean-Sébastien Cournoyer, qui préfère investir dans la start-up d'un entrepreneur qui a déjà échoué que dans celle de quelqu'un qui n'a jamais essayé.

«Je souhaite que les entrepreneurs soient à l'aise avec l'idée d'échouer, qu'ils fassent fi de leur orgueil et qu'ils n'hésitent pas à changer de stratégie quand ce qu'ils font ne fonctionne pas.» - Claude G. Théorêt

Deuxième chance à Montréal

L'entrepreneur Claude G. Théorêt, pour sa part, considère que le Québec est l'un des rares endroits sur la planète où tout le monde a droit à une deuxième chance. «L'histoire coloniale du Québec est une succession d'échecs ; le Québec n'a jamais gagné une guerre et a toujours échoué à devenir un pays et, pourtant, les Québécois n'ont jamais lâché.»

Claude G. Théorêt, qui a parlé de ses échecs à l'occasion de FailCamp, est justement venu à Montréal afin de profiter d'une deuxième chance... en y bâtissant Nexalogy, une start-up offrant des outils d'analyse des médias sociaux. Lorsqu'il était chercheur au Collège de France, l'astrophysicien d'origine franco-ontarienne était au sommet de sa profession... avant qu'une chaîne d'événements l'amène à devenir temporairement un sans-abri à Paris.

Parler ouvertement de ses échecs

Parmi les causes de ses revers, l'ancien chercheur confie avoir été trop fier pour consulter un médecin, une décision qui lui a presque coûté une jambe. Aujourd'hui à la tête d'une jeune entreprise en croissance, Claude G. Théorêt dit parler ouvertement de ses échecs afin d'éviter aux jeunes entrepreneurs de faire les mêmes erreurs : «Je souhaite que les entrepreneurs soient à l'aise avec l'idée d'échouer, qu'ils fassent fi de leur orgueil et qu'ils n'hésitent pas à changer de stratégie quand ce qu'ils font ne fonctionne pas.»

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La culture de l’échec dans la Valley

Dans la Silicon Valley, on ne se contente pas d’embrasser l’échec : on le célèbre. Les événements mettant à l’honneur les échecs y sont nombreux, mais surtout, parler de ses échecs y est tout naturel. Guy Kawasaki, qui fait carrière dans la Valley, d’abord en tant qu’évangéliste en chef d’Apple, puis en tant qu’entrepreneur et investisseur, ne fait pas exception à la règle.

De passage à Montréal le 27 février, l’homme d’affaires a donné une conférence sur l’innovation, durant laquelle il a relaté avoir refusé de passer une entrevue pour le poste de pdg de Yahoo alors que l’entreprise en était encore à ses débuts. « Je n’avais pas encore compris l’importance d’Internet », a-t-il reconnu.

Guy Kawasaki a soutenu qu’il serait probablement devenu milliardaire s’il était alors devenu pdg de Yahoo. Bien qu’il ait pris plusieurs mauvaises décisions au cours de sa carrière, Guy Kawasaki n’en est pas moins respecté par ses pairs. «Il y a de nombreuses personnes, dans la Silicon Valley, qui ont échoué une première, deuxième et troisième fois avant de connaître le succès, explique Guy Kawasaki. Je pense qu’ailleurs dans le monde, ces gens seraient aujourd’hui au chômage, qu’on ne leur aurait pas pardonné.»

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