Atteindre les sommets, façon Rad Hourani


Édition du 09 Novembre 2013

Atteindre les sommets, façon Rad Hourani


Édition du 09 Novembre 2013

Par Marie-Claude Morin

Rad Hourani

Rad Hourani est non seulement le premier designer canadien à devenir membre invité de la Chambre syndicale de la haute couture, mais c'est l'institution parisienne elle-même qui lui a proposé de joindre ses rangs ! Pistonné, le jeune trentenaire ? «Pas du tout !» assure en éclatant de rire ce Jordanien d'origine, arrivé à Montréal à 16 ans et installé à Paris depuis 2005.

Pour utiliser l'appellation «haute couture», juridiquement protégée depuis 1945 en France, il faut obtenir l'approbation de la Chambre syndicale de la haute couture. Un club sélect composé de maisons comme Chanel, Dior, Jean Paul Gaultier, Versace...

«Une percée comme celle de Rad Hourani est rare», assure Chantal Durivage, coprésidente du Groupe Sensation Mode. Michèle Beaudoin, professeure à l'École supérieure de mode de Mont-réal, la qualifie même d'«exceptionnelle». «Oui, c'est big ce qu'il a fait. Il devient un acteur important sur la scène internationale, dans un réseau très, très fermé.»

Le milieu de haute couture parisien utilise des critères sévères. Il faut, par exemple, produire à la main dans des ateliers maison, avoir un minimum de deux ateliers, présenter au moins une trentaine de pièces par collection et défiler au moins deux fois par année.

«Comme toute la crédibilité de la haute couture française repose sur ce sérieux, les membres ne veulent surtout pas le compromettre», explique Mme Durivage.

Lorsque Rad Hourani a rencontré les gens de la Chambre syndicale pour la première fois, il souhaitait participer à un défilé dans le cadre de la semaine du prêt-à-porter. Didier Grumbach, le président, lui a alors suggéré de se joindre à l'institution créée en 1868. «Il m'a dit qu'il considérait mon travail comme de la haute couture. Je ne m'attendais absolument pas à ça !»

Pour être admis, le jeune designer, reconnu pour ses vêtements unisexes, devait toutefois être parrainé par un membre de la Chambre syndicale. Pour ce faire, il a envoyé son dossier à Sydney Toledano, pdg de Christian Dior Couture. Un membre de l'équipe de M. Hourani avait un contact dans cette maison française, mais les deux hommes ne s'étaient jamais rencontrés. Cela n'a pas empêché M. Toledano d'envoyer rapidement une lettre à la Chambre pour soumettre la candidature du designer canadien, proposition qui a reçu l'accord de la quinzaine de maisons membres permanents en novembre 2012.

M. Hourani est membre invité pendant quatre ans, après quoi il pourra devenir membre permanent s'il répond aux critères. «Pour ça, il faudra travailler encore plus. Plus on réussit, plus il y a du travail.» Parce que, non, le designer n'a pas percé en buvant des tas de cocktails avec le gratin de la mode. «On n'entre pas dans la haute couture par connexions, sinon il y aurait plein de monde», dit-il. Le créateur attribue plutôt son succès à son originalité, sa démarche logique et sa persévérance, précisant ne pas avoir bénéficié des largesses d'une famille fortunée ou d'un riche investisseur. «Si on se donne vraiment à 100 % et qu'on s'assure de ne pas brûler les étapes, c'est là qu'on se fait proposer ce genre de truc.»

Élaborer une vision

Rad Hourani parle avec émotion du moment où la direction de la Chambre lui a annoncé qu'il était, dans l'histoire de la mode, le premier designer unisexe de haute couture. «Ça m'a touché. J'ai mon propre style : je n'essaie pas de copier ou de recycler ce qui a déjà été fait.»

À ses débuts, en 2007, personne ne comprenait comment ses vêtements pourraient être portés tant par les hommes que les femmes. Qu'à cela ne tienne, après avoir étudié le corps des deux sexes, il décide alors de transcender les genres et les conventions.

«On reconnaît ses collections, sa signature. Il s'est créé un ADN propre, ce qui est très positif pour lui», dit Chantal Durivage. Cela lui a permis de capter l'attention du milieu et des médias. «Quand Lady Gaga porte un de tes vêtements et que ça fait la Une des magazines, ça aide à se faire connaître», souligne Mme Beaudoin.

La collection prêt-à-porter Rad by Rad Hourani est maintenant distribuée dans 130 boutiques dans le monde. Le créateur vend environ 5 000 morceaux par saison, tous produits à son atelier de Montréal. «C'est rentable et sans dette», dit-il, refusant toutefois de dévoiler son chiffre d'affaires.

Ne pas sauter d'étapes

Au secondaire, Rad Hourani était passionné par les arts plastiques et... les mathématiques. «Les maths, c'est de la logique. On ne peut pas vraiment réussir comme artiste sans comprendre la commercialisation. Sans être une fin en soi, l'argent est nécessaire pour avancer, pour accomplir sa vision.»

Il n'était donc pas question pour lui de sauter d'étapes. Après avoir élaboré sa vision et créé ses propres tailles [de 0 à 5], il a déployé sa distribution petit à petit. «Je voulais m'assurer de contrôler la production et d'établir une clientèle qui se reconnaisse dans ce que je fais.»

Progressivement, M. Hourani a étoffé son équipe. Il continue d'assurer seul la création, mais peut déléguer à une vingtaine de personnes la production, la commercialisation, la gestion, etc.

Cela lui permet d'exprimer sa vision sur plusieurs supports. Bientôt, espère-t-il, s'ouvriront à New York et à Montréal des galeries semblables à celle qu'il a à Paris. Lui qui fait de la photo souhaite explorer le cinéma, la musique, la danse, la peinture... voire dessiner des immeubles et du mobilier !

Pour faire tout ça, il compte sur les conseils de trois comptables... mais jure ne jamais faire de budgets. «Je fais ce qui a du sens et qui est nécessaire pour me rendre à quelque chose de logique pour moi, sans jamais aller dans l'exagération.»

Courtisé à New York et en Europe, il jongle avec l'idée de s'allier à des investisseurs.

Avoir les moyens de mener plus de projets l'attire, mais les contraintes potentielles l'effraient. Jusqu'ici, il a toujours refusé. «Ça ne m'intéresse pas d'être contrôlé dans ma créativité pour de l'argent. Je veux garder une certaine liberté sur ma marque. C'est mon nom, ma vie.»

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