Apprendre à innover


Édition du 31 Octobre 2015

Apprendre à innover


Édition du 31 Octobre 2015

Il y a un mythe assez prévalent par rapport aux entrepreneurs à succès : que ceux-ci sont « nés » entrepreneurs. On parle souvent de « fibre entrepreneuriale » ou d'« ADN d'entrepreneur » à propos de ceux qui auraient une meilleure tolérance au risque et un pouvoir accru d'exécuter une vision. J'ai entendu ces expressions à maintes reprises de la bouche de certains leaders d'affaires et politiciens. Je suis catégoriquement de l'avis contraire : l'entrepreneuriat, ça s'apprend avec le temps. Et ça commence dès le primaire.

En octobre, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) a lancé l'initiative « Devenir entrepreneur » pour promouvoir l'entrepreneuriat au Québec, en collaboration avec la Banque Nationale et Desjardins. Comme entrepreneur, je trouve qu'il est encourageant de voir nos grandes institutions financières et des organisations privées prendre le leadership sur cet enjeu.

Le premier volet clé de « Devenir entrepreneur » comprend une campagne médiatique qui vise à sensibiliser le public à l'entrepreneuriat en illustrant les moments de « déclic » qui ont mené au démarrage d'entreprise. Notre entreprise Busbud, une plateforme de réservation de billets d'autobus interurbains, a été l'une des deux entreprises mises en avant dans cette campagne, avec le fabricant de ski québécois Raccoon. J'ai grand espoir que cette campagne saura amorcer ou renouer un dialogue dans tous les domiciles à l'échelle du Québec relativement à l'entrepreneuriat.

Lors de l'annonce, la CDPQ a aussi insisté sur un deuxième volet à venir : l'idée de promouvoir l'entrepreneuriat chez les jeunes, notamment dans le milieu éducatif. Selon moi, c'est une dimension essentielle de cet enjeu.

Encore à ce jour, je me considère comme un entrepreneur « étudiant », en ce sens que j'ai démarré mon premier projet d'entreprise quand j'étais encore sur les bancs d'école. En fait, mon éveil à l'entrepreneuriat s'est produit assez tôt, alors que des représentants de l'organisation Jeunes Entreprises étaient venus proposer une activité de démarrage d'entreprise à mon école secondaire. C'est ainsi que j'ai développé les compétences, et surtout la confiance, qui m'ont permis de démarrer Busbud au moment où j'ai eu le déclic, plusieurs années plus tard.

Implication collective

La bonne nouvelle est qu'il y a déjà une myriade de beaux projets déjà implantés activement dans nos communautés. Il faut maintenant les soutenir ! Voici cinq exemples à propos desquels j'ai eu la chance d'en apprendre plus dans les dernières années.

1) Le Camp entrepreneurs en devenir (CEED) de l'École d'entrepreneurship de Beauce (EEB) accueille les jeunes de 15 ans et plus provenant de toutes les régions du Québec. En trois ans, le Camp a accueilli 79 ados, et le programme est une véritable réussite appelée à prendre de l'expansion.

2) Le Défi Technovation est une compétition internationale de création d'applications mobiles, destinée aux jeunes filles de 10 à 18 ans. Chaque équipe est accompagnée par des professionnels de start-up montréalaises. Parmi les mentors : Kids Code Jeunesse, Breather, E-180 et YES Montreal. Les deux premières éditions ont eu lieu à l'espace collaboratif La Gare dans le Mile-End.

3) Le camp d'été Laurus, qui se tient à l'école Sacré-Coeur de Montréal, offre un programme de leadership pour les jeunes de 12 à 15 ans. Une des activités invite les adolescents à proposer une idée d'affaires à développer. J'ai eu le plaisir l'été dernier d'être l'un des mentors. Parmi les idées des jeunes, un tube spécial pour étendre la bonne quantité de crème solaire : wow ! Cette année, un partenariat avec l'incontournable International Startup Festival de Montréal a permis aux jeunes de présenter leurs idées sur scène au grand public.

4) La grande journée des petits entrepreneurs, pour les enfants de 5 à 12 ans, a vu le jour à Québec et prend de l'expansion partout au Québec, avec plus de 2 000 jeunes participants. Le but est de constituer une petite entreprise d'un jour dans la cour avant de leur résidence.

5) Fusion Jeunesse, sous le leadership inspirant de Gabriel Bran-Lopez et de Sarah Houde, est un organisme de bienfaisance qui vise à contrer le décrochage scolaire en créant des liens continus entre le système scolaire et la communauté. L'organisation offre depuis quelques années des programmes centrés sur l'entrepreneuriat qui invitent les étudiants à démarrer des projets d'entreprises dans leurs écoles.

Façonner le futur

Les bénéfices éventuels pour les jeunes sont autant personnels que professionnels. Ces programmes leur permettent en effet d'améliorer leur connaissance d'eux-mêmes, leur leadership, leur confiance en eux, leur sens de la persévérance, leur volonté de se dépasser, leur aptitude à collaborer et leur réseau d'amis.

Ce qui m'excite le plus personnellement, c'est que ces programmes invitent les jeunes à être des créateurs et des producteurs, plutôt que des consommateurs. Ils se rendent compte qu'ils peuvent façonner leur environnement et leur futur. Qu'ils peuvent créer des produits, des expériences, des services et des organisations. Vivement l'idée d'avoir des milliers de nouveaux entrepreneurs dans les prochaines années qui tous à l'unisson améliorent notre société par leurs innovations.

Petit bémol important. Si on stimule l'entrepreneuriat dans les écoles, il ne faut pas pour autant délaisser la promotion des disciplines comme la science, la technologie, le génie et les mathématiques (réunies aux États-Unis sous l'acronyme « STEM »). Nous avons aussi besoin de développeurs et d'ingénieurs en grand nombre. Si ces programmes et ces camps d'été viennent à former un seul entrepreneur de la trempe des Mark Zuckerberg et Jeff Bezos, ils pourraient avoir besoin un jour de 10 000 à 50 000 ingénieurs chacun ! C'est un ratio qu'il ne faut jamais oublier si nous voulons créer de grands fleurons au Québec.

LP Maurice est le pdg et cofondateur de Busbud, une entreprise de commerce électronique spécialisée dans le voyage en autobus interurbain partout dans le monde. Il a été le lauréat du prix Arista « Entrepreneur de l'année » (démarrage) en 2014. Précédemment, M. Maurice a travaillé à Silicon Valley chez Yahoo et LinkedIn, et possède un MBA de l'université Harvard. LP Maurice est un ange investisseur et un mentor actif dans la communauté start-up montréalaise. Il est aussi associé de Credo, un accélérateur de projets, ainsi qu'un des instigateurs de La Gare, un espace collaboratif dans le Mile-End, à Montréal.

Suivez LP Maurice sur Twitter @lpmo

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