Une cause phare définit le harcèlement psychologique

Publié le 30/05/2009 à 15:23

Une cause phare définit le harcèlement psychologique

Publié le 30/05/2009 à 15:23

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Trois décisions, dont une en particulier, ont marqué les cinq premières années de l'inclusion des dispositions sur le harcèlement psychologique dans la Loi sur les normes du travail du Québec, qui remonte au 1er juin 2004. Dans ces trois cas, la plainte a été rejetée.

Pour plusieurs avocats interrogés, il ressort que la cause phare de ces premières années d'application des dispositions 81.18 à 81.20 de la Loi est celle de Lisette Gauthier contre son employeur, le Centre hospitalier régional de Trois-Rivières. Dans une décision sévère rendue le 5 janvier 2006, l'arbitre François Hamelin non seulement rejette la plainte de harcèlement de Mme Gauthier, mais écrit qu'elle " a provoqué et systématiquement entretenu la situation dont elle se plaint ".

 

 

" L'arbitre Hamelin est clair : ce n'est pas parce qu'une personne se sent harcelée qu'elle l'est nécessairement ", explique Lyne Thériault, avocate chez Joli-Coeur Lacasse, à Québec.

" Cette décision étayée est la première à préciser ce qui est et ce qui n'est pas du harcèlement psychologique ", dit pour sa part Louise Béchamp, avocate chez Fasken Martineau.

Quant à Stéphane Fillion, avocat chez Heenan Blaikie, cette décision et quelques autres amèneront sans doute les employés à être plus rigoureux avant de porter plainte pour harcèlement.

Cinq éléments à considérer

Dans l'affaire du Centre hospitalier de Trois-Rivières, les problèmes ont commencé après la fusion de deux services d'endoscopie. Dans celui de Mme Gauthier, un manque évident de supervision lui avait permis de s'octroyer des privilèges, comme une charge de travail allégée et des heures supplémentaires non justifiées. Après la fusion, sa nouvelle patronne a voulu y mettre fin, ce à quoi Mme Gauthier s'est opposée avec obstination.

Dans sa décision de 82 pages, l'arbitre Hamelin apporte plusieurs précisions sur ce qui constitue du harcèlement psychologique, en commençant par dégager les cinq éléments de la définition législative du harcèlement psychologique : une conduite vexatoire qui se manifeste de façon répétitive et de manière hostile ou non désirée, qui porte atteinte à la dignité ou à l'intégrité du salarié, et qui crée un milieu de travail néfaste.

On apprend dans cette décision qu'il " n'est pas nécessaire que les gestes, actes et paroles vexatoires soient graves " et qu'il " n'est pas pertinent de s'interroger sur l'intention malicieuse du harceleur ".

Au sujet des conflits de personnalités, l'arbitre Hamelin estime qu'ils ne peuvent être considérés comme du harcèlement : " Dans les sociétés fondées sur le libéralisme, les conflits sont normaux et remplissent une fonction sociale nécessaire ", écrit-il. Il met aussi en garde contre le piège des personnes qui se complaisent dans une position de victime et ne cherchent pas d'issue à leur situation, et celles, paranoïaques, qui ne doutent de rien et accusent.

Enfin, si M. Hamelin reconnaît à l'employeur le droit de direction (ou de gérance), c'est-à-dire d'établir et de faire respecter les procédures de travail, les règles et les usages du milieu de travail, d'évaluer le rendements des salariés et de contrôler la qualité de leur travail, il lui rappelle son obligation d'intervenir pour prévenir ou faire cesser tout harcèlement dans son entreprise.

" Les employeurs ont clairement intérêt à faire de la prévention, parce que ce sont des causes qui coûtent cher, prévient Marie-Hélène Jetté, avocate chez Ogilvy Renault. Il faut en général de 5 à 10 jours d'audition, soit quelque 20 000 $ en honoraires d'avocats. Les employeurs règlent souvent à l'amiable parce que c'est trop onéreux. "

" Sans compter les réclamations à la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour dépression et anxiété, fréquentes dans les causes de harcèlement, qui peuvent déboucher sur une contestation à la Commission des lésions professionnelles. Ce sont alors deux procès pour une même cause, ajoute Éric Latulippe, avocat au bureau de Québec de Langlois Kronström Desjardins. Et on ne parle pas du climat de travail pourri. "

Les deux autres décisions importantes mentionnées par les avocats contactés, soit Neal Bangia c. Nadler Danino (24 août 2006) et Mario Breton c. La Compagnie d'échantillons National (5 décembre 2006), s'inspirent largement de la précédente.

LE QUART DES DÉCISIONS SONT EN FAVEUR DU PLAIGNANT

" Depuis l'entrée en vigueur des dispositions sur le harcèlement psychologique, les plaintes diminuent chaque année, affirme Robert L. Rivest, directeur des affaires juridiques à la Commission des normes du travail (CNT). Et nous prévoyons qu'elles continueront à baisser. "

Il y a eu 2 700 plaintes déposées à la CNT en 2004-2005 (par des travailleurs non syndiqués, puisque celles des travailleurs syndiqués sont traitées par leur syndicat). En 2008-2009, 1 598 plaintes ont été déposées à la CNT, soit 183 de moins que l'année précédente.

La CNT est chargée d'évaluer le bien-fondé des plaintes. Environ 80 % de celles-ci sont soit rejetées, soit réglées à l'amiable. En cinq ans, la Commission des relations du travail, qui fait office de tribunal, a rendu 80 décisions, dont seulement 22 étaient favorables au plaignant.

dominique.froment@transcontinental.ca

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