Les relations employeurs-employés à l'ère d'Uber


Édition du 05 Septembre 2015

Les relations employeurs-employés à l'ère d'Uber


Édition du 05 Septembre 2015

Employeur, contractant, intermédiaire de communication... difficile de situer une entreprise comme Uber dans les critères traditionnels du monde du travail. La firme qui se réclame de l'économie collaborative bouleverse les modèles et pose une foule de questions d'ordre juridique. Qu'est-ce que cela signifie en matière de droit du travail ?

Uber se définit comme une entreprise de communication qui permet à des particuliers d'échanger directement des services par l'intermédiaire de son application mobile. Elle pose son fondement sur l'indépendance des quelque 160 000 chauffeurs volontaires qui l'utilisent dans le monde. Ainsi, la firme n'aurait, de son propre avis, aucun rôle à jouer dans le contrat civil convenu au début d'un trajet entre un travailleur autonome, le chauffeur, et son client, le passager.

«La question du transport de personnes est fondamentale dans le flou juridique qui entoure Uber : qui, d'elle ou des chauffeurs, fournit ce service aux passagers ?» interroge Mark Turcot, avocat en droit du travail chez Delegatus.

«Si, comme le prétend l'entreprise, le chauffeur est celui avec qui le passager convient d'un contrat de service, le conducteur ne saurait être un employé d'Uber. Toutefois, si un tribunal déterminait que c'est Uber qui fournit des conducteurs, l'entreprise devient soit un employeur, soit le contractant d'un réseau de travailleurs autonomes réunis sous son enseigne.»

Par ailleurs, le contrat auquel souscrivent les chauffeurs au moment de leur inscription sur Uber concerne uniquement le droit d'utilisation de l'application, pour lequel est prélevé en moyenne 20 % du montant de chaque course. Puisque l'entreprise n'endosse qu'un rôle d'intermédiaire neutre de communication, il ne saurait être question d'un contrat de travail ou de prestation de service entre Uber et les chauffeurs, présume Mark Turcot. Toutefois, cette autoproclamation ne fait pas l'unanimité au regard du droit du travail.

Un monde du travail évolutif

Depuis le lancement d'Uber en 2010, des tribunaux américains en Géorgie, en Pennsylvanie, au Colorado, au Texas, en Illinois et à New York, de même que la commission des normes du travail de Californie, se sont déjà penchés sur des questions de droit du travail et ont tranché en faveur de l'interprétation d'Uber, qui mise sur la liberté d'action des chauffeurs. Cependant, le même tribunal californien a conclu le contraire en mars dernier : l'analyse faite par le juge de la relation réelle entre une conductrice et Uber l'a amené à considérer la plaignante non pas comme une travailleuse autonome, mais comme une employée.

«Ce n'est pas la première fois que les juges et les commissaires en droit du travail doivent s'adapter à un monde du travail évolutif», souligne Justine Laurier, avocate en droit du travail et de l'emploi chez Borden, Ladner, Gervais. «La Cour suprême s'est posé la question en 1997, lors de l'avènement des agences de placement : qui, de ces dernières ou de l'établissement qui retient le service d'un tiers, est l'employeur ?»

Dans ce type de relation de travail, désormais qualifiée de «tripartite», la détermination du véritable employeur se fait au cas par cas, selon une foule de critères. Par exemple, la subordination juridique permet de préciser qui, de l'agence ou de l'entreprise, exerce le plus grand contrôle sur les modalités de travail de l'individu. «Cette relation a depuis été intégrée comme un modèle d'affaires parmi d'autres. C'est au tour d'Uber, une entreprise de l'économie de collaboration, de nous déstabiliser avec son modèle d'opération méconnu. Toutefois, cette nouvelle réalité s'insère très bien dans les concepts d'analyse préalablement établis en droit du travail», poursuit Justine Laurier.

Car, au-delà des termes d'un contrat, au regard du droit du travail, c'est la nature réelle de la relation entre les parties qui prévaut.

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