Le bras de fer fait place à la médiation

Publié le 07/12/2013 à 00:00

Le bras de fer fait place à la médiation

Publié le 07/12/2013 à 00:00

À l'usine Bridgestone, à Joliette, le syndicat et la partie patronale collaborent depuis plusieurs années à une réorganisation du travail dictée par les pressions de la mondialisation. «Il y a là un véritable dialogue social permettant de maintenir des emplois de qualité», dit le président de la CSN, Jacques Létourneau.

Dans cette usine, des équipes semi- autonomes débattent de la productivité de l'entreprise et des moyens pour augmenter l'efficience et l'efficacité du travail tout en respectant la santé et la sécurité des travailleurs. L'entreprise a par ailleurs instauré un système de bonus pour répartir cette augmentation de la productivité.

L'illustration d'une nouvelle mentalité ? Tant du côté des négociations collectives que des griefs individuels, l'heure est moins à l'affrontement qu'à la médiation et à l'arbitrage. Mais on voit surgir de nouvelles sources de conflit.

En juin, un sondage commandé par la section québécoise du Syndicat canadien de la fonction publique révélait que 59 % des jeunes travailleurs et étudiants de 18 à 34 ans privilégiaient l'arbitrage aux moyens de pression pour régler un conflit de travail.

Cela témoigne d'un changement de culture face aux relations de travail, croit Guy-François Lamy, directeur, affaires juridiques au Conseil du patronat du Québec. «Les employeurs aussi ont changé, prétend-il. Ils sont plus ouverts au dialogue et à la collaboration.»

Lorsque ce type de dialogue ne suffit pas et que les deux parties se dirigent vers un conflit, la médiation est souvent tentée. Si elle réussit fréquemment, il y a aussi des cas où elle échoue.

Michel Grant, professeur associé à l'École des sciences de la gestion de l'UQAM, cite la médiation tentée par Normand Gauthier, ancien sous-ministre du Travail, lors du conflit dans la construction en 2013. «Ça n'a pas fonctionné parce que les parties étaient tout simplement trop éloignées, souligne-t-il. Quand un conflit n'est pas prêt à être réglé, il n'est pas prêt, c'est tout. Le meilleur médiateur du monde n'y changera rien.»

Des litiges bien de notre époque

Les relations de travail ne concernent pas que les négociations collectives. Toutes sortes de litiges peuvent surgir entre un employeur et un travailleur.

Chantal Lamarche, associée chez Heenan Blaikie, a une vaste expertise en matière de droit du travail et de l'emploi. Elle a noté au fil des ans une diminution du nombre de litiges qui se rendent jusqu'à l'arbitrage. «Il semble qu'il y ait moins de griefs qu'avant, ou alors qu'ils se règlent plus facilement entre l'employeur et le travailleur», avance-t-elle.

À cela s'ajoute le fait que les instances comme la Commission des normes du travail ou la Commission des relations du travail ont des services de médiation efficaces, venant à bout d'une grande part des litiges.

Toutefois, les griefs qui se rendent à l'arbitrage sont, de l'aveu de Chantal Lamarche, de plus en plus complexes. Leur nature évolue rapidement, notamment sous l'impulsion de l'omniprésence des nouvelles technologies. «Les nouveaux sujets de litige portent, par exemple, sur le droit à la vie privée, le droit à l'image ou les médias sociaux», explique l'avocate.

Elle cite en exemple la récente décision de la Cour suprême de l'Alberta, qui accorde aux employés syndiqués le droit de photographier, filmer et diffuser en ligne des images de gens traversant les piquets de grève pour aller travailler. «Ce n'est pas banal, et cela peut influencer le rapport de force dans un conflit de travail», indique-t-elle.

À l'inverse, les juges seraient de plus en plus sévères à l'endroit des travailleurs qui tiennent des propos déplacés au sujet de leur employeur sur les médias sociaux. «Les juges prennent la mesure de l'impact majeur que de tels propos, diffusés à grande échelle, peuvent avoir sur la réputation de l'employeur et ultimement sur le succès de son entreprise», conclut Chantal Lamarche.

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