«Complicité de crimes contre l'humanité»: Lafarge mis en examen

Publié le 28/06/2018 à 13:25

«Complicité de crimes contre l'humanité»: Lafarge mis en examen

Publié le 28/06/2018 à 13:25

L’usine Lafarge à Jalabiya, en Syrie, le 19 février [Photo: Delil souleiman/Getty Images]

C’est une décision « historique » selon les parties civiles : le cimentier français Lafarge a été mis en examen jeudi notamment pour une accusation rarissime de « complicité de crimes contre l’humanité » dans le dossier explosif de financement présumé du terrorisme en Syrie.

Les magistrats ont estimé avoir réuni des « indices graves et concordants » contre le cimentier pour ordonner sa mise en examen pour « complicité de crimes contre l’humanité », « financement d’une entreprise terroriste », « mise en danger de la vie » d’anciens salariés de son usine syrienne de Jalabiya au nord du pays et « violation d’un embargo », a appris l’AFP de source judiciaire.

Le groupe devra s’acquitter d’une caution de 30 millions d’euros (46 M$) dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

Après les mises en examen de huit cadres et dirigeants - dont l’ancien PDG de Lafarge de 2007 à 2015, Bruno Lafont - pour financement d’une entreprise terroriste et/ou mise en danger de la vie d’autrui, c’était au tour de l’entreprise en tant que personne morale, Lafarge SA (LSA), la holding actionnaire majoritaire de la filiale syrienne Lafarge Cement Syria, de s’expliquer devant les deux juges financiers Charlotte Bilger et Renaud Van Ruymbeke et le juge antiterroriste David de Pas. 

Le groupe LafargeHolcim, né de la fusion en 2015 du francais et du suisse Holcim, a aussitôt annoncé que sa filiale LSA saisirait la cour d’appel pour contester des « infractions qui ne reflètent pas équitablement (ses) responsabilités ».

La « décision historique » prise jeudi, « doit décider Lafarge à prendre ses responsabilités et à ouvrir un fonds d’indemnisation indépendant afin que les victimes voient leur préjudice rapidement réparé », a réagi l’ONG Sherpa, partie civile. « C’est la première fois dans le monde qu’une entreprise est mise en examen pour complicité de crimes contre l’humanité, ce qui marque un pas décisif dans la lutte contre l’impunité des multinationales opérant dans des zones de conflits armés », a-t-elle affirmé.

Des échos jusqu’au Québec

Rappelons que selon Le Monde, Paul Desmarais fils aurait été mis sous écoute et interrogé en décembre 2017 par les policiers belges, en compagnie de trois administrateurs du Groupe Bruxelles Lambert (GBL), contrôlé par Power Corporation. Leur ligne de défense durant ces auditions, selon le quotidien français, aurait été constante : GBL avait une approche strictement « financière » des activités du cimentier, et aucune information n'est remontée concernant ses agissements en Syrie.

Administrateur de LafargeHolcim, Paul Desmarais fils a affirmé par la suite que le CA du cimentier n'a jamais été au courant des gestes qui auraient été posés par d'ex-employés en Syrie visant à financer indirectement le groupe armé État islamique.

En marge d’une assemblée de Power Corporation à Montréal en mai dernier, Paul Desmarais fils avait plaidé l'ignorance du CA, affirmant que de nombreux «mécanismes de contrôle et de conformité» étaient en place.

Soupçons de vente de ciment au groupe armé EI

Le groupe LafargeHolcim est soupçonné d’avoir versé via sa filiale LCS près de 13 millions d’euros (environ 20 M$) entre 2011 et 2015 pour maintenir son usine en Syrie, alors que le pays s’enfonçait dans la guerre.

Ces sommes, qui ont bénéficié en partie à des groupes armés dont l’organisation djihadiste État islamique correspondaient notamment au versement d’une « taxe » pour sécuriser la circulation des salariés et des marchandises, à des achats de matières premières — dont du pétrole — à des fournisseurs proches de l’EI et à la rétribution d’intermédiaires chargés de négocier avec les factions, d’après l’enquête. 

A ces canaux de financement s’ajoutent désormais des soupçons sur la possible vente de ciment au groupe EI, apparus dans de récentes investigations, selon une source proche du dossier.

Contrairement à d’autres multinationales, le cimentier avait décidé de rester en Syrie, exposant ses salariés locaux aux risques de rapt alors que la direction du site avait, elle, déjà quitté l’usine et évacué ses expatriés. Lafarge a toujours qualifié la sécurité de ses équipes de « priorité ». Or, parmi les nombreux employés enlevés, un a été tué et un autre reste porté disparu, selon des témoignages recueillis sur place par l’AFP.

Que savait la direction à Paris de la situation sur place? Entre les dirigeants, les versions ont divergé. 

Lors de sa mise en examen en décembre 2017, l’ex-PDG Bruno Lafont a assuré n’avoir été au courant d’un « accord avec Daesh » (acronyme arabe de l’EI) qu’en août 2014, et avoir décidé à ce moment-là de la fermeture de l’usine. Quelques semaines plus tard, le 19 septembre, elle tombera finalement sous le pavillon noir de l’organisation d’Abou Bakr al-Baghdadi. 

Son ex-bras droit, Christian Herrault, ex-directeur général adjoint responsable de plusieurs pays dont la Syrie, a lui affirmé l’avoir informé beaucoup plus tôt. 

« Lafarge a sacrifié ses salariés et pactisé avec des entités terroristes en toute connaissance de cause: cette mise en examen pour complicité de crimes contre l’humanité était inéluctable », a déclaré à l’AFP Marie Dosé, avocate de Sherpa, dont la plainte de novembre 2016 visant notamment ce chef d’accusation avait déclenché l’ouverture de l’information judiciaire en juin 2017.

« La preuve est faite que rendre responsables ceux qui se refusent à l’être suppose que subsistent la menace et l’action du juge, c’est la seule dissuasion », a souligné William Bourdon, président de Sherpa.

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