L'humain, le facteur négligé des F&A


Édition du 12 Mai 2018

L'humain, le facteur négligé des F&A


Édition du 12 Mai 2018

[Photo: 123RF]

Au Canada, l'année 2017 a été marquée par une effervescence dans le domaine des fusions et acquisitions (F&A) : 2 274 transactions ont été recensées par PwC l'an dernier, un record depuis cinq ans. Pourtant, les risques d'échec restent toujours grands, notamment en raison des facteurs humains. Comment gérer ces derniers ?

Spécialisée notamment en approvisionnement à la ferme et en commercialisation des grains, la Division agricole de la Coop fédérée a depuis dix ans procédé à de nombreuses acquisitions, dont celles d'Agronomy Company of Canada en 2008, d'Agrico en 2011 et d'AFS en 2016. Son objectif : agrandir sa présence géographique au pays en plus d'accroître son expertise. L'acquisition annoncée en avril dernier de Standard Nutrition Canada, par exemple, une entreprise basée à Winnipeg qui offre des produits et services liés à la nutrition animale, devrait lui permettre de mieux s'ancrer dans l'Ouest et d'acquérir des expertises complémentaires.

Les facteurs humains sont au coeur de l'atteinte de ces objectifs, explique la vice-présidente des ressources humaines, Marie-Hélène Daigle. « En agriculture, les entreprises sont souvent familiales, alors la confiance, la réputation et la connaissance des individus et de la communauté restent très importantes. »

Si la Coop fédérée, par exemple, après avoir établi ses objectifs d'affaires, détermine que la clé d'une acquisition est la clientèle qu'elle ira chercher, elle doit donc s'assurer de continuer de bien servir celle-ci. Autrement, ce serait de se mettre des bâtons dans les roues. « Habituellement, qui est rattaché à la clientèle ? Les vendeurs. Si les vendeurs quittent après l'acquisiton, qu'arrivera-t-il de la valeur ajoutée ? », illustre Mme Daigle, qui sera conférencière le 6 juin à l'événement Fusions et acquisitions, organisé par le Groupe Les Affaires.

L'entreprise s'assure donc toujours de se demander à quels postes clés est rattachée la valeur ajoutée de la transaction.

Pour arriver à faire d'une F&A un succès, Mme Daigle estime ainsi que les RH doivent être impliqués autant que possible dans le processus, dès l'étape de la définition d'une cible. Les acteurs impliqués dans la décision doivent par ailleurs avoir une bonne complicité et se passer les renseignements stratégiques. « Si les RH déterminent que les vendeurs sont des éléments clés, il faudrait donc savoir comment ils verraient la transaction et déterminer s'ils resteraient dans l'entreprise, explique Mme Daigle. Si les RH sont incapables de trouver l'information, elles doivent en parler aux autres acteurs et aux dirigeants pour qu'ils tentent d'en savoir plus de leur côté. »

Andrew Papadopoulos, professeur du Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l'ESG-UQAM, spécialisé en fusions et acquisitions, estime toutefois que les RH ne prennent généralement pas la place qui leur est due dans le processus de F&A. « Ce sont elles, notamment, qui aident à transmettre et à vulgariser les nouvelles valeurs à l'entreprise acquise, dit-il. Les RH doivent donc absolument faire partie du plan stratégique d'intégration. »

Choc culturel

À la suite d'une F&A, les différences culturelles des deux entreprises peuvent causer bien des maux de tête. Comment éviter les problèmes ? Tout commence bien avant l'acquisition, répond Mme Daigle. La base, selon elle, consiste à acquérir des joueurs qui ont des valeurs fondamentales qui se ressemblent. Parce que même si une firme est plus ou moins structurée que l'autre, ou privilégie un type de processus plutôt qu'un autre, il est toujours plus facile de changer les choses lorsque deux firmes parlent le même langage et partagent les mêmes valeurs.

La Coop fédérée, par exemple, se dit axée sur les producteurs et sur la prospérité des entreprises familiales. Elle voudrait donc éviter d'acquérir une entreprise qui a des valeurs antagonistes, sans quoi le modèle d'affaires risquerait de n'être pas très durable.

Mme Daigle raconte, par exemple, avoir déjà entrepris des démarches d'acquisition lors desquelles des lumières rouges se sont allumées dès les premiers contacts. « On n'entendait pas parler du producteur, dit-elle. La culture et les dirigeants étaient très axés sur la profitabilité. On a laissé tomber. »

Une acquisition demande certes toujours un certain niveau d'uniformisation des pratiques, mais la façon de faire doit être bien réfléchie. La Coop fédérée, par exemple, refuse de parler de fusion de cultures. Elle dit préférer faire grandir sa culture. « Parfois, si une entreprise arrive à prospérer, c'est qu'il y a quelque chose d'unique à la culture qu'il faut comprendre et conserver », dit Mme Daigle. L'entreprise acquérante se nourrira donc de l'ADN de la firme qu'elle acquiert, mais lui donnera aussi un peu du sien parce que l'identité est importante pour les gens, qui veulent un sentiment d'appartenance. « Dans d'autres cas, la firme est vendue parce que ça va moins bien, alors il faut changer des choses, reconnaît Mme Daigle. On doit cependant toujours faire une bonne analyse avant de faire le ménage dans la maison de notre nouvelle famille. »

CONFÉRENCE : Fusions et acquisitions

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