Un comité autochtone dénonce le manque d’actions du CN envers la réconciliation

Publié le 11/12/2023 à 15:11, mis à jour le 11/12/2023 à 15:12

Un comité autochtone dénonce le manque d’actions du CN envers la réconciliation

Publié le 11/12/2023 à 15:11, mis à jour le 11/12/2023 à 15:12

Par La Presse Canadienne

Un blocus de la voie ferrée du CN est visible à Kahnawake, le 12 février 2020. (Photo: La Presse Canadienne/Ryan Remiorz)

Un comité composé de dirigeants autochtones chargés de conseiller la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) affirme que ses 12 membres démissionneront d'ici la fin de l'année.

Le groupe attribue les démissions en bloc à l'incapacité du transporteur ferroviaire à reconnaître les erreurs du passé et à suivre ses recommandations pour progresser vers la réconciliation. 

Les coprésidents du comité Murray Sinclair, ex-sénateur et ancien président de la Commission de vérité et réconciliation, ainsi que Roberta Jamieson, la première avocate des Premières Nations au Canada, affirment qu'ils ont tenté de collaborer avec l'entreprise afin d'établir les étapes nécessaires à la réconciliation.

Murray Sinclair et Roberta Jamieson jugent que l'entreprise, fondée il y a 104 ans, «a raté la cible» en matière de réconciliation. Ils demandent au CN d'accepter son passé et de poser des gestes concrets.

«Peu importe qui était aux commandes, le CN a joué un rôle dans l'oppression des peuples autochtones et il n'y a pas moyen de progresser sans cette reconnaissance», ont-ils déclaré dans un communiqué.

«Les trains et les wagons de marchandises représentent le véhicule de l'oppression au début de l'histoire du Canada», ajoutent-ils.

Le CN a officiellement reconnu, lundi, le rôle historique joué par les chemins de fer «en tant qu'instruments des politiques coloniales», et a souligné le tribut social, culturel et économique qu'ils ont fait subir à des générations de communautés autochtones.

«Le CN est déterminé à poursuivre son chemin vers la réconciliation. Ce voyage commence par une meilleure compréhension de l’histoire et des engagements réfléchis couplés à une gouvernance solide pour mesurer notre performance par rapport à ces engagements», a déclaré Olivier Chouc, vice-président responsable des relations avec les Autochtones.

Le CN a remercié les membres du conseil pour leurs contributions et a déclaré qu'il avait accepté leur démission.

Le transporteur ferroviaire a des opérations dans ou à proximité d'environ 230 terres de réserve au Canada.

 

Un regard historique

Des historiens estiment que la construction des chemins de fer canadiens a souvent entraîné la dépossession des terres et la famine pour les peuples autochtones. 

L'historien James Daschuk a écrit dans son livre «La destruction des Indiens des Plaines» que les trains amenaient des colons et étaient un «vecteur de maladie mortelle». Gord Hill, artiste et activiste Kwakwakwa’wakw, décrit les trains comme des «moteurs de colonisation» dans la bande dessinée «500 ans de résistance autochtone».

À la fin des années 1800, près de 5 000 autochtones ont été expulsés des collines Cypress, en Saskatchewan, en retenant leurs rations alimentaires, pour faire place au chemin de fer Canadien Pacifique. La Première Nation de Fort William, en Ontario, a réglé une revendication territoriale en 2016 à la suite d'un déménagement historique visant à construire le chemin de fer du Grand Tronc du Canada. 

Lorsque le conseil consultatif a été mis sur pied en 2021, le CN soutenait qu'il serait indépendant et composé de dirigeants autochtones, avec une représentation des Premières Nations, des Inuits et des Métis de chaque province et territoire.

Son mandat était de fournir des conseils, dans le but de renforcer la diversité et l'inclusion, ainsi que de favoriser des relations significatives et durables entre le transporteur ferroviaire et les peuples autochtones.

Murray Sinclair a répondu lors d'un entretien téléphonique que les discussions du conseil avec le CN étaient confidentielles, «mais en attendant, nous leur donnons la possibilité de faire leurs propres démarches». 

«Nous avons décidé que notre contribution au CN ne vaut plus les efforts que nous déployons et qu'ils doivent décider ce qu'ils doivent faire à ce sujet», ajoute-t-il.

En acceptant leurs rôles, Murray Sinclair et Roberta Jamieson voulaient faire du CN une meilleure entreprise. Ils estiment que l'entreprise comprenait que le succès dépendait de l'amélioration de ses relations avec les peuples autochtones.

Ils ont déclaré que le comité avait produit un rapport contenant des recommandations à l'intention de l'entreprise, notamment que le CN reconnaisse les préjudices passés causés aux peuples autochtones et mette en œuvre des démarches d'excuses.

«Après la publication du rapport, il est devenu clair pour nous que le CN n'avait aucune intention de reconnaître et d'accepter son rôle dans l'impact historique et présent sur les peuples autochtones», ont-ils déclaré.

Ils ont déclaré que le plan de réconciliation de l’entreprise échouerait s’il n’était pas basé sur une «pleine acceptation des responsabilités».

«Nous craignons que poursuivre notre travail plus longtemps n'induise les peuples autochtones en erreur quant à la sincérité et à l'authenticité du CN en matière de réconciliation», ont écrit les coprésidents.

«Pour cette raison, le Conseil a décidé qu'il ne pouvait plus soutenir l'idée selon laquelle le CN s'était engagé à honorer notre travail et nous avons démissionné.» 

Ils ont également exhorté le CN à porter un regard critique sur ce qu'il fait en tant qu'organisation, à examiner son champ d'influence et à transformer sa façon de faire des affaires, tout en continuant de consulter les peuples autochtones. 

Le CN a déclaré lundi qu'il avait constitué une équipe de neuf gestionnaires comprenant des représentants autochtones et régionaux pour favoriser des relations respectueuses avec les communautés autochtones et élaborer le « plan d'action de réconciliation » du chemin de fer avec les hauts dirigeants.

Le CN a déclaré qu'il prévoyait publier le plan l'année prochaine avec « des initiatives spécifiques et mesurables » suivies de mises à jour régulières sur sa performance par rapport à ses objectifs.

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