Transport aérien : de nouveaux défis et les moyens d'y faire face


Édition du 05 Mars 2016

Transport aérien : de nouveaux défis et les moyens d'y faire face


Édition du 05 Mars 2016

De 700 000 à 1 million de drones ont été mis sous le sapin de Noël durant la dernière période des fêtes. Le hic, c’est que cette montée en popularité coïncide avec une hausse marquée des rapports d’incidents pour utilisation dangereuse près de

Les temps changent. Et comme toute autre industrie, le secteur du transport aérien n'a d'autre choix que de s'adapter. Voici des menaces qui assombrissent ses activités et les moyens que ce secteur prend pour y faire face, le cas échéant.

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1. L'âge d'or du fret est terminé

Le transport de marchandises n'est plus le pactole qu'il a déjà été. Contrairement au transport de passagers, l'expédition de marchandises connaît depuis des années une baisse marquée de sa croissance... et de sa rentabilité.

Bien sûr, le ralentissement de la croissance économique en Chine, la chute du prix des matières premières et la crainte de nouveaux rehaussements des taux d'intérêt aux États-Unis y sont pour quelque chose. Mais il y a plus : l'Association du transport aérien international (IATA) observe une transformation plus profonde à la source de cette situation.

Jusqu'en 2011, explique Chris Goater, spécialiste de la question à l'IATA, le volume du fret aérien augmentait deux fois plus rapidement que la croissance des échanges commerciaux internationaux, résultat surtout de l'éclatement des chaînes d'approvisionnement et de la croissance de l'industrie manufacturière chinoise.

Mais comme l'avantage concurrentiel des manufactures asiatiques régresse, nombre d'entreprises ont revu leurs façons de faire, resserrant, voire rapatriant complètement leurs chaînes d'approvisionnement. Cette tendance a fini par ramener la croissance du cargo à un niveau semblable à la croissance générale de l'économie (2 à 2,5 %).

L'IATA s'attend donc à ce que l'industrie transporte 52,7 millions de tonnes (Mt) de fret en 2016, en légère hausse comparativement aux 51,3 Mt de 2015, une année déjà marquée par un ralentissement.

Néanmoins, il s'agira d'un record de marchandises transportées par les airs. Mais étrangement, jamais un tel volume de marchandises n'aura été aussi peu payant pour les transporteurs qui voient leur rentabilité touchée. À titre d'illustration, les revenus provenant du fret atteignaient 67 milliards de dollars américains en 2011, alors qu'ils ne devraient rapporter guère plus que 52 G$ US en 2016. Et pendant relativement la même période, le bénéfice des transporteurs pour le même service a baissé radicalement, passant d'une moyenne de 1,70 $ US le kilo transporté en septembre 2010 à un peu plus de 1,30 $ US en septembre dernier.

Pourquoi ? Tout simplement parce que les secteurs du cargo et du transport de passagers se sont développés à des rythmes complètement différents, explique Julie Perovic, économiste principale de l'IATA. Au cours des six ou sept dernières années, «le secteur du transport de passagers a crû de 42 %, soit de 5 % à 6 % par année, comparativement à une croissance de seulement 8 % dans l'industrie du cargo pendant la même période», précise-t-elle.

Comme l'offre de transport dépasse largement la demande, le coefficient de remplissage et les prix du fret ont diminué, ce qui a passablement nui à la rentabilité des transporteurs aériens. C'est le cas en particulier des compagnies aériennes de la région Asie-Pacifique, qui transportent à elles seules environ 40 % de tout le fret aérien dans le monde.

2. Des avions et leurs passagers pris pour cibles

Dans le passé, les avions civils et leurs passagers étaient pris en otage ou détournés au nom d'une cause ou par revendication. Aujourd'hui, ils sont carrément pris pour cibles par des groupes terroristes ou militaires.

Le vol 9268 de la compagnie Metrojet, qui a explosé en plein vol entre Charm el-Cheikh (Égypte) et Saint-Pétersbourg le 31 octobre dernier, en est le dernier exemple. L'Airbus A321 transportait 217 passagers et 7 membres d'équipage. Tous sont morts dans cette «explosion non accidentelle», causée selon toute vraisemblance par un engin explosif déclenché en vol.

Cet acte, revendiqué par l'État islamique, succédait à un autre, tout aussi tragique : celui du vol MH17 de Malaysia Airlines, entre Amsterdam et Kuala Lumpur, abattu le 17 juillet 2014 en Ukraine. Le Boeing 777-200ER transportait 283 passagers et 15 membres d'équipage ; il n'y a eu aucun survivant. Cette fois, l'avion n'aurait pas été victime d'une bombe artisanale, mais de l'attaque d'un missile sol-air que l'armée ukrainienne et les séparatistes prorusses s'accusent mutuellement d'avoir lancé.

Cette situation est intolérable aux yeux de l'IATA, qui travaille avec l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) afin que les États communiquent aux compagnies aériennes les dangers que représente le survol de zones de conflit. «Les États doivent fournir aux compagnies aériennes des informations concernant les menaces aux passagers, équipages et appareils. Cette information doit être accessible en temps opportun, de façon autoritaire, systématique et sans équivoque», affirme Carolina Ramirez, directrice globale de la sécurité aérienne à l'IATA.

Même si les transporteurs aériens tentent d'assurer la sécurité de leurs vols et de partager des informations relatives à la sécurité avec les autorités compétentes, jamais ces efforts ne sauraient remplacer les renseignements liés à la sécurité nationale auxquels ont accès les États. «Nous faisons de notre mieux, dit Mme Ramirez. Mais il est de la responsabilité première des États de nous communiquer tout danger susceptible de nous toucher.»

L'OACI encourage les compagnies aériennes à communiquer clairement aux passagers les détails de leur plan de vol, y compris leur intention de voler au-dessus de zones de conflit.

3. Les drones envahissent l'espace aérien

Combien sont-ils ? Où sont-ils ? Qui les pilotent ? Et surtout, quelles sont les intentions de leurs propriétaires ?

De toute évidence, la montée en popularité des drones, ces objets volants téléguidés autrefois réservés aux opérations militaires, soulève de nombreuses questions et inquiète les compagnies aériennes.

Ces appareils sont maintenant utilisés en immobilier, dans les mines, lors de crises environnementales ou humanitaires, et dans nombre d'autres activités commerciales et civiles. Depuis peu, ils ont aussi fait leur entrée dans les rayons des grands magasins et sont offerts comme jouets à des enfants.

Selon la Federal Aviation Administration (FAA) américaine, de 700 000 à 1 million de drones ont été mis sous le sapin de Noël durant la dernière période des fêtes. Le hic, c'est que cette montée en popularité coïncide avec une hausse marquée des rapports d'incidents pour utilisation dangereuse près des avions et des aéroports.

Aux États-Unis, cite l'IATA, on est passé d'une trentaine d'incidents par mois à l'automne 2014 à un record de 120 incidents pour le mois de juin 2015. Du nombre, au moins une collision a été enregistrée et une autre est suspectée. Les rapports de collisions imminentes se multiplient, peu importe la localisation et le niveau d'altitude des appareils. La plupart des incidents consignés se produisent sous les 5 000 pieds (15 200 mètres) d'altitude, mais 20 % d'entre eux se sont produits à plus haute altitude, jusqu'à un record de 38 000 pieds (11 580 m).

Gilberto López Meyer, vice-président principal, sûreté et opérations aériennes, de l'IATA, reconnaît ne pouvoir savoir combien et lesquels de ces appareils étaient dirigés par des gouvernements ou des forces militaires, amis ou ennemis. «C'est un problème, dit-il. Il n'y a pas de doute à ce propos.»

Selon M. López Meyer, l'IATA souhaite que les États réglementent l'usage de ces appareils, forcent les manufacturiers ou les détaillants à distribuer des guides sur les réglementations et limitations en vigueur, et fassent respecter ces nouveaux règlements à l'aide de sanctions légales contre les contrevenants.

Depuis le 21 décembre, aux États-Unis, les propriétaires de drones pesant de 0,55 à 55 livres sont tenus de s'enregistrer auprès de la FAA avant de s'en servir à l'extérieur aux fins de loisir ou de passe-temps. Ceux qui étaient déjà propriétaires de tels aéronefs au moment de l'implantation de cette règle doivent aussi s'y conformer. Après 30 jours, déjà 300 000 Américains propriétaires de drones s'étaient soumis au règlement en enregistrant leur appareil. Chaque appareil doit porter un numéro identifiant son propriétaire ; l'enregistrement, valide pour trois ans, est renouvelable.

Le Canada a une démarche différente : il exige l'obtention d'un certificat d'opérations aériennes spécialisées de Transports Canada par les propriétaires de drones utilisées pour le travail, la recherche ou tout autre but professionnel (agent immobilier, agriculteur, cinéaste, etc.). Les personnes qui ont recours à ces appareils à des fins récréatives ne sont pas tenues d'obtenir de permission, pourvu que leur appareil pèse moins de 35 kilos (77,2 livres). Toutefois, elles doivent se plier au Règlement de l'aviation canadien et respecter le Code criminel et d'autres lois.

En revanche, Transports Canada compte raffiner sa réglementation cette année, en imposant notamment un âge minimum, de nouvelles obligations en matière de marquage et d'immatriculation des appareils, et des examens et permis de pilote en certaines circonstances.

4. Des avions disparaissent : vite, des systèmes de suivi

La disparition en 2014 du vol MH370 de Malaysia Airlines avait été précédée par celle du vol 477 d'Air France, entre Rio et Paris, en juin 2009. Il a fallu deux ans pour retrouver les enregistrements du vol 477 ; ceux du vol du MH 370 demeurent introuvables, malgré deux ans de recherches marines intensives sur une superficie de 85 000 kilomètres carrés.

Comment de tels appareils géants (Boeing 777 et Airbus A330-200), capables de transporter près de 230 personnes sur des milliers de kilomètres, peuvent-ils ainsi disparaître sans laisser de traces ? Devant ce mystère et la crainte que pareille disparition ne se reproduise, les États membres de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) se sont entendus sur la nécessité d'imposer des systèmes de suivi toutes les 15 minutes sur les vols longs courriers.

La date butoir pour leur implantation, d'abord fixée à 2016, a été reportée à novembre 2018, notamment pour permettre aux transporteurs de bien se préparer à la mise en place de rapports automatisés. Tony Tyler, président et chef de la direction de l'Association du transport aérien international (IATA), confirme que plusieurs entreprises sont en train d'équiper leurs appareils de tels systèmes, tandis que d'autres cherchent à améliorer les systèmes qu'elles avaient déjà.

Contrecarrer les actes malveillants

Mais, aux yeux de plusieurs groupes, cette amélioration ne suffit pas. On souhaite que les autorités aillent plus loin en exigeant l'implantation de systèmes dits «tamper-proof» (inviolables) qui empêchent qu'un individu (pilote ou passager), malveillant ou non, puisse débrancher le système de suivi. C'est là une des thèses qui expliquerait la disparition du MH370.

À ce sujet, les avis divergent grandement selon les parties concernées, et la résistance est grande, en particulier de la part des pilotes.

Tony Tyler rappelle qu'il n'existe pas de solution unique en matière de suivi, tout comme au chapitre de la sécurité. L'industrie travaille à l'implantation de solutions, même si certaines, comme les solutions qualifiées de tamper-proof, risquent de prendre plus de temps à être mises en oeuvre. Le pdg de l'IATA ajoute, à titre d'exemple, que la simple décision de verrouiller les cabines de pilotage au lendemain des attaques du 11 septembre 2001 aura nécessité plusieurs années de travail.

Notre journaliste était invité par l'IATA à la journée média qu'a tenue l'organisme à Genève, en décembre 2015.

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