La vente de terrains virtuels dans «Otherside», le «métavers» (univers numérique) du «Bored Ape Yacht Club», plus célèbre club de détenteurs de «NFT», a toutefois atteint plusieurs centaines de millions de dollars en 24 heures début mai. (Photo: 123RF)
Paris — Dépression passagère ou explosion d’une bulle? Le marché des objets numériques certifiés («NFT»), très florissant depuis son irruption l’an dernier, vient de connaître un brusque coup d’arrêt et doit désormais s’assainir pour attirer le grand public et durer, selon les spécialistes.
Après avoir généré 44,2 milliards de dollars américains en 2021, les «NFT» («Non-Fungible Tokens» ou «jetons non fongibles» en français), ces actifs numériques uniques authentifiés sur la chaîne de blocs — la technologie qui sert de base notamment aux cryptomonnaies comme le bitcoin — ont enregistré une baisse du volume des dépenses de 75% entre février et mi-avril, selon le cabinet Chainalysis.
Symbole du mini-krach: le NFT du tout premier tweet de l’histoire, acheté pour près de 3 millions de dollars américains en 2021 et remis aux enchères le 7 avril. Son propriétaire en attend 48 M$ US mais, pour l’heure, la meilleure offre dépasse à peine les… 20 000 $ US.
La vente de terrains virtuels dans «Otherside», le «métavers» (univers numérique) du «Bored Ape Yacht Club», plus célèbre club de détenteurs de «NFT», a toutefois atteint plusieurs centaines de millions de dollars en 24 heures début mai.
Pour le grand public, difficile d’appréhender ce marché très volatil aux mains de quelques gros porteurs appelés «whales» (baleines), ces poids lourds qui dopent «le buzz NFT» en usant de leur influence, selon Molly White, fondatrice d’un site spécialisé qui recense les arnaques dans le monde des cryptomonnaies.
Alors, au-delà de l’effet de mode, sur quelles bases s’appuyer pour définir un «juste» prix compréhensible par tous?
80% d’arnaques?
Plutôt que «l’utilité», c’est le «statut» conféré par la possession d’un «NFT» qui semble établir sa valeur, poursuit Molly White. Les «NFT» disponibles en peu de versions, comme les «Bored Apes», donnent accès à des groupes très fermés, et sont donc les plus chers.
Le cryptoartiste «Louis16art» propose lui de se fonder sur la renommée de l’auteur, l’identité des précédents propriétaires du «NFT», la qualité de l’œuvre, ainsi que la technique utilisée, certaines étant plus exigeantes que d’autres.
D’autres spécialistes plaident notamment pour la création, à l’image de ce qui existe dans l’art traditionnel, d’une base de données destinée aux acheteurs débutants et alimentée par des spécialistes de l’art numérique.
Problème: ces actifs sont pour la plupart vendus sur «Opensea», une place de marché dérégulée. «Or, dès que vous avez une nouvelle technologie, vous avez tout de suite les fraudeurs qui sont à l’affût», souligne à l’AFP Eric Barbry, avocat spécialisé, associé au cabinet Racine.
En janvier, la plateforme a ainsi révélé que 80% des images transformées gratuitement en «NFT» sur son réseau étaient fausses ou volées. «“Opensea”, c’est un chantier énorme, on ne sait pas ce qu’on y achète», relève Olivier Lerner, co-rédacteur du livre «NFT Mine d’or» avec Sophie Lanoë.
«Far West»
Pour Molly White, le marché n’arrivera pas à attirer le grand public sans une «régulation» et une «protection du consommateur» plus fortes, même si un contrôle accru risque de diminuer l’intérêt de ce marché, basé jusque-là sur un fort appât du gain.
«C’est le Far West», résume Sophie Lanoë, pour qui l’explosion de la bulle est toutefois l’occasion de repartir «sur des bases saines».
«Tant qu’on n’a pas un droit spécifique, il faut qu’on adapte le droit “normal” aux NFT», prévient Me Eric Barbry, pour qui une évolution de la réglementation va se faire «au fur et à mesure de la maturité du secteur et de son développement».
Au-delà des failles de sécurité et «trous» juridiques persistants, qui peuvent dissuader d’acquérir des «NFT», comment simplifier leur achat, encore complexe à appréhender pour un public non technophile?
«Personne n’y comprend rien, mais tout le monde adore», veut croire Olivier Lerner.
Pour aider ce marché, «il suffit que les plateformes deviennent faciles d’accès», en ne demandant pas un portefeuille spécifique pour chaque type d’actif numérique, propose-t-il par exemple.