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«Ne soyez pas Google»: des start-ups fondées sur la vie privée

AFP|Publié le 15 février 2022

«Ne soyez pas Google»: des start-ups fondées sur la vie privée

La semaine dernière, la France a suivi l'Autriche en déclarant que la pratique de Google consistant à transférer des données personnelles de l'Union européenne vers ses serveurs américains était illégale, au regard du RGPD. (Photo: 123RF)

Paris — Le géant du web Google utilisait autrefois le slogan «Ne faites pas de mal» pour se distinguer de ses concurrents. Mais aujourd’hui, un nombre croissant de start-ups favorables à la protection de la vie privée se rallient autour du mantra «Ne soyez pas Google».  

Dans leur viseur? Google Analytics, un outil statistique utilisé par plus de la moitié des sites web du monde pour comprendre les habitudes de navigation des internautes.

La semaine dernière, la France a suivi l’Autriche en déclarant que la pratique de Google consistant à transférer des données personnelles de l’Union européenne vers ses serveurs américains était illégale, au regard du règlement européen sur la protection des données (RGPD).

Google n’est pas d’accord, affirmant que les données sont anonymisées et que les scénarios envisagés en Europe sont hypothétiques.

Néanmoins, les développeurs de logiciels des quatre coins du monde y voient une opportunité pour placer la protection de la vie privée au cœur de leurs produits. Conscients qu’ils ne vont pas renverser la domination de Google, leur objectif est plutôt d’insuffler un peu d’équité et de choix sur le marché.

«La semaine où Google Analytics a été jugé illégal par l’autorité de protection des données autrichienne a été une bonne semaine pour nous», confie Paul Jarvis, qui dirige la jeune pousse canadienne Fathom Analytics.

Il affirme que les nouveaux abonnements ont triplé au cours de cette semaine, sans vouloir donner toutefois de chiffres exacts. Google domine le marché avec 57% des sites internet qui utilisent son service, selon le cabinet W3Techs. 

 

Un internet «alternatif»

Le premier tournant pour les développeurs de logiciels favorables à la protection de la vie privée a d’abord eu lieu en 2013, quand le lanceur d’alerte Edward Snowden a révélé comment les agences de sécurité américaines avaient pu collecter les données personnelles des utilisateurs, notamment via Google, Facebook et Microsoft. 

«Nous en connaissions déjà une partie», explique Matthieu Aubry, fondateur de Matomo, qui se présente comme une «alternative» à Google Analytics. «Mais quand (Snowden) a fait (ses révélations), nous avons eu la preuve que nous n’étions pas seulement paranoïaques ou que nous n’inventions pas des choses». 

Autre élément dans le viseur de ces jeunes entreprises: la complexité de Google Analytics.

«Vous avez 1 000 tableaux de bord différents et toutes ces données, mais cela ne vous aide pas si vous ne les comprenez pas», explique Michael Neuhauser, qui a lancé Fair Analytics le mois dernier. 

Contrairement à Google, ces start-ups axées sur la protection de la vie privée n’utilisent pas de «cookies» pour suivre les utilisateurs sur le web et offrent un éventail de données beaucoup plus simple, ce qui les aide à respecter les limites du RGPD.

Mais gagner sa vie avec ces outils n’est pas aisé. 

Marko Saric, fondateur de Plausible Analytics, et Paul Jarvis, de Fathom Analytics, ont tous deux consacré du temps et de l’argent à leurs projets avant de pouvoir se verser un salaire. Les deux start-ups fonctionnent encore avec de petites équipes travaillant à distance dans différents pays et ayant un contact direct avec les clients. 

«Pendant longtemps, nous n’avions même pas d’entreprise autour du projet, c’était une pure communauté», complète encore Matthieu Aubry, qui a fondé Matomo en 2007 alors qu’il n’avait qu’une vingtaine d’années.

Aujourd’hui son entreprise a désormais une portée mondiale et contribue, selon lui, à la création d’un «internet alternatif» non dominé par les grandes entreprises technologiques.

Mais un obstacle de taille subsiste: Google peut se permettre d’offrir ses outils gratuitement, alors que les petites entreprises doivent faire payer leurs clients, ne serait-ce que quelques dollars par mois. 

«Tous ces produits gratuits que nous utilisons et aimons, nous ne les payons pas avec de l’argent, nous les payons avec des données et de la vie privée», souligne Paul Jarvis.