Meng Wanzhou (Photo: Jonathan Hayward/ La Presse Canadienne)
Un avocat de Meng Wanzhou a soutenu jeudi que la Couronne avait modifié ses arguments selon les instances — disant une chose au juge qui a délivré un mandat d’arrêt contre la dirigeante de Huawei et une autre à la juge qui doit statuer sur son extradition aux États-Unis.
L’audience de la Cour suprême de la Colombie-Britannique sur le test juridique de la « double incrimination » s’est terminée jeudi, avec la réplique de la défense aux plaidoiries de la Couronne. La juge doit décider si les faits reprochés à Mme Meng aux États-Unis auraient constitué des crimes au Canada.
Les États-Unis accusent Mme Meng de fraude parce qu’elle aurait menti à la Banque HSBC au sujet de la relation de Huawei avec sa filiale iranienne Skycom, ce qui aurait pu exposer l’institution financière à des sanctions criminelles et civiles pour avoir violé l’embargo américain contre Téhéran.
La défense a plaidé mardi que ce mensonge présumé n’aurait pas fait courir de risque financier à HSBC au Canada, puisqu’Ottawa n’impose plus de sanctions contre l’Iran. De son côté, la Couronne a fait valoir mercredi que la réputation de la banque aurait pu être entachée, ce qui aurait ensuite nui à sa santé financière.
L’avocat de la défense Scott Fenton a soutenu jeudi que les arguments de la Couronne pour obtenir un mandat d’arrêt en 2018 et dans d’autres documents judiciaires étaient tous axés sur le risque de violation des sanctions américaines — même lorsqu’il est question de risque d’atteinte à la réputation.
Selon lui, la Couronne laisse entendre maintenant qu’au-delà des sanctions, la Banque HSBC aurait pu perdre des clients si on avait appris qu’elle faisait des affaires avec l’Iran — ce qui marquerait une rupture dans l’argumentaire de la poursuite.
« À mon avis, votre honneur, c’est faux: on se moque du tribunal », a déclaré Me Fenton.
La juge Heather Holmes a mis la cause en délibéré, jeudi midi, à l’issue de la réplique de la défense. Si la juge conclut que le test juridique de la double incrimination a été satisfait, l’audience passera à une deuxième étape, en juin; mais si elle conclut le contraire, Mme Meng sera libre de quitter le Canada.
Ses avocats ont essentiellement soutenu plus tôt cette semaine que la fraude présumée doit impliquer un préjudice ou un risque de préjudice financier. Or, plaident-ils, la Banque HSBC n’aurait pas encouru de conséquences au Canada pour avoir fait des affaires en Iran puisqu’Ottawa n’impose pas de sanctions contre Téhéran.
L’avocat de la Couronne Robert Frater a soutenu mercredi que la juge n’avait pas nécessairement besoin de tenir compte de la loi américaine sur les sanctions pour conclure qu’il y aurait fraude au Canada. HSBC aurait couru un risque important pour sa réputation, car la banque avait déjà été pénalisée pour avoir fait des affaires dans des pays comme la Libye et le Soudan, a plaidé la Couronne.