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Livrer des repas aux gens plutôt que de les conduire au restaurant: Uber semble revoir ses priorités à la lumière de la pandémie et des changements d’habitudes qui se profilent sur le long terme.
Le leader mondial de la réservation de voitures avec chauffeur (VTC), qui possède son propre service de livraison de repas à domicile, Uber Eats, a fait une offre de rachat à Grubhub, autre acteur du secteur aux États-Unis, d’après des informations de presse non confirmées par les deux entreprises.
L’action de Grubhub s’envolait mardi à Wall Street.
Selon le Wall Street Journal, le géant californien et la start-up de Chicago ont entamé des négociations, mais le quotidien précise qu’une entente entre les deux entreprises est loin d’être acquise.
Uber a été «durement frappée par la pandémie», a reconnu Dara Khosrowshahi, le patron du groupe, lors de la présentation des résultats trimestriels jeudi.
Mais le service Uber Eats, lui, a bien profité des mesures de distanciation sociale. De janvier à mars, il a réalisé un chiffre d’affaires en hausse de 53% à 819 millions – une portion encore maigre des 3,5 milliards de recettes accumulées en tout.
Manger pour vivre
L’acquisition de Grubhub «serait une opération aussi bien offensive que défensive pour Uber», remarque l’analyste Dan Ives de Wedbush.
Cela lui permettrait «d’écarter un concurrent majeur d’Uber Eats et de consolider sa position sur le marché, surtout au moment où la pandémie de COVID-19 continue de concentrer l’attention sur les livraisons plutôt que sur les trajets de personnes, à court terme.»
À eux deux, ils représenteraient plus de la moitié (55%) du marché de livraison de nourriture pour le compte de restaurants, estime l’analyste.
De quoi distancer, aux États-Unis, Doordash (35% du marché, selon Wedbush) et Postmates.
Interrogé jeudi sur le potentiel d’Uber Eats par des analystes, Dara Khosrowshahi a noté que ce marché était soudain devenu «beaucoup plus gros» et «qu’il y avait de la place pour d’autres acteurs».
Uber, qui a dû supprimer 3700 emplois (environ 14% de ses employés) pour réduire ses frais dans le contexte de la crise sanitaire et économique, a déjà commencé à accélérer sa diversification.
La plateforme s’est mise à assurer la livraison à domicile des ravitaillements de base. Elle a aussi lancé «Uber Direct» pour livrer des colis, et «Uber Connect», qui permet à des particuliers d’envoyer des objets personnels à de la famille ou des amis.
Sur le marché de la livraison de produits alimentaires et de première nécessité, qui explose aussi à la faveur du «Grand confinement», le PDG a assuré ne pas envisager d’acquisition: «Nous n’allons pas acheter notre part de marché, nous allons la mériter».
Vivre pour manger
Grubhub, de son côté, a déçu les marchés jeudi dernier avec ses résultats trimestriels.
La croissance de sa base d’utilisateurs actifs a ralenti à 24%, contre 28% au trimestre précédent, et les commandes quotidiennes ont baissé de 1% sur un an.
La société a expliqué que les livraisons aux entreprises pâtissaient de la crise, puisque les bureaux sont fermés. Elle a affiché une perte nette de 33 millions de dollars.
Une fusion d’Uber Eats et Grubhub permettrait de réaliser des économies d’échelle, mais poserait aussi des questions en termes de rentabilité, le graal d’Uber, dont l’horizon a été repoussé par le nouveau coronavirus.
«Les volumes de commandes sont en hausse en général, mais la rentabilité continue de freiner l’industrie», note Dan Ives.
«D’autant que pendant la pandémie les services de livraison pour des tiers soit ont ajourné les commissions des restaurants, soit y ont renoncé, et ont augmenté les promotions et les récompenses aux clients, pour gagner des parts de marché».
D’après le cabinet Factset, Uber pesait un peu plus de 57 milliards de dollars en Bourse mardi, soit environ 11 fois plus que Grubhub.