L’avion électrique à deux places de Velis Electro reste pour l’instant le seul à avoir reçu une homologation, celle de l’Agence européenne de la sécurité aérienne. (Photo: 123RF)
New York — À en croire de récents vols d’essai, l’ère de l’avion électrique se rapproche à grande vitesse. Mais pour les experts du secteur, les premiers vols commerciaux dépendront avant tout du feu vert des autorités, au calendrier imprévisible.
La start-up Eviation Aircraft a ainsi fait voler pour la première fois, fin septembre dans l’ouest des États-Unis, son prototype, un appareil baptisé Alice dont les premiers exemplaires sont censés être livrés aux compagnies en 2027.
En août, un avion d’Icelandair, électrifié par la compagnie Rafmagnsflug ehf, a pour la première fois transporté des passagers, dont le président et le premier ministre islandais.
Outre l’avantage d’éliminer les émissions de CO2, le transport dans ce genre d’appareils génère moins de bruit qu’un avion traditionnel et supprime le besoin en kérosène, une dépense majeure pour les compagnies aériennes.
C’est «une nouvelle ère pour l’aviation», s’est enthousiasmé le patron d’Eviation, Gregory Davis, après le vol d’essai.
Il faudra encore plusieurs années avant qu’elle ne devienne réalité, s’accordent toutefois à dire plusieurs analystes interrogés par l’AFP.
L’agence américaine de l’aviation, la FAA, devrait scruter de très près l’appareil d’Eviation, une compagnie sans aucune expérience de vol.
Avec son avion électrique, la start-up entre aussi «dans un domaine complètement inconnu» en termes d’homologation et de maintenance, relève Glenn McDonald, du cabinet AeroDynamic Advisory.
Se fixer 2027 comme objectif est «réaliste», estime-t-il. Mais la FAA est devenue bien plus minutieuse depuis qu’elle a été mise en cause dans les écrasements mortels de deux Boeing 737 MAX en 2018 et 2019.
L’avion électrique à deux places de Velis Electro reste pour l’instant le seul à avoir reçu une homologation, celle de l’Agence européenne de la sécurité aérienne.
Aux États-Unis, il faut plutôt tabler sur la fin de la décennie que sur 2027, avance Michel Merluzeau, du cabinet AIR. «On en est encore fondamentalement au début.»
«Un prototype construit à la main»
Le vol test effectué par Eviation le 27 septembre a duré huit minutes et est monté à plus de 1 000 mètres. L’appareil était un «prototype construit à la main», souligne Gregory Davis.
L’entreprise prévoit de produire une version cargo, une version avec six sièges, et une version pouvant transporter jusqu’à neuf passagers sur un peu plus de 460 kilomètres. Elles auront à peu près la même taille que le prototype, mais avec des batteries plus avancées.
Global Crossing Airlines Group, une compagnie aérienne basée à Miami, s’est engagée à acheter 50 exemplaires qu’elle prévoit de faire voler entre la Floride, les Bahamas et les Caraïbes.
Pour son directeur financier, Ryan Goepel, l’intérêt tient surtout aux économies de carburant.
«Nous considérons l’appareil comme un produit en forte demande et aux coûts d’exploitation très bas», explique-t-il à l’AFP.
Eviation va maintenant analyser les données du vol avant de commencer les tests requis par la FAA et la production commerciale en 2025, avance Gregory Davis.
L’agence n’a pas souhaité s’exprimer sur le cas spécifique d’Eviation, mais a souligné que «de façon générale, la FAA peut certifier ces nouveaux appareils en utilisant son cadre réglementaire actuel».
«Certaines certifications pourraient obliger la FAA à émettre des conditions spéciales ou des critères de navigabilité supplémentaires, selon le type de projet», a ajouté un porte-parole.
L’établissement de conditions spéciales est une réponse typique de la FAA lorsqu’il s’agit de nouvelles technologies, mais ce processus peut «prendre un certain temps», remarque Waruna Seneviratne de l’Institut national de recherche aéronautique de l’Université de Wichita.
La FAA va sans doute vouloir faire de nombreux tests avant de laisser des passagers monter, avance le spécialiste.
«Le but est de trouver l’incident, la mauvaise pièce, qui va faire s’écraser l’avion», explique-t-il.
Le fait qu’Alice soit un appareil entièrement nouveau, et non un appareil existant équipé de batteries électriques, comme c’était le cas de l’appareil d’Icelandair, représente une tâche «incroyablement complexe» pour la FAA et va rendre l’homologation onéreuse, avance Michel Merluzeau.
«Comment survivre assez longtemps en tant qu’entreprise quand on sait que la certification va prendre beaucoup de temps» et qu’on dépense beaucoup d’argent, remarque-t-il.
Eviation est actuellement soutenu par Clermont Group, un groupe d’investissement privé singapourien présidé par Richard Chandler, dont la fortune est estimée par Forbes à 2,6 milliards de dollars.
L’entreprise va «continuer à chercher d’autres fonds» parallèlement au processus de certification et de production, a indiqué un porte-parole.